La dépression concerne environ 5 % de la population adulte de plus de 65 ans et la maladie touche 30 à 45 % des personnes de cet âge vivant en institution. Cette dépression de la personne âgée est de diagnostic différent et moins aisé que chez l’adulte jeune, plus souvent chronique et plus difficile à traiter.
Pour le Dr Cécile Hanon, psychiatre du sujet âgé (EPS Erasme à Antony), il faut avoir en tête les signes d’alerte. « Déjà les plaintes somatiques représentent à elles seules 30 % des signes initiaux d’une dépression. Elles sont un motif fréquent de consultation de ces patients aux multiples maladies et traitements : douleurs tenaces, rebelles, localisées ou diffuses (tête, articulations, abdomen, etc., avec une mention particulière pour la glossodynie, une brûlure de la langue, qu’il faut rechercher), des symptômes cardiaques ou respiratoires, une fatigue (indépendante d’une éventuelle insomnie), un prurit ».
Des troubles du caractère
Les autres symptômes évocateurs d’une dépression à cet âge sont les troubles du caractère : « une irritabilité, colère ou apathie, un sentiment d’inutilité, de vide (plutôt que de tristesse), une perte de motivation, ou résignation… des symptômes souvent accompagnés d’un alcoolisme » avance Cécile Hanon. Le syndrome anxieux (agitation, besoin de réassurance) doit aussi faire évoquer une dépression.
Enfin, un déficit cognitif peut être symptomatique d’une dépression, mais aussi prédictif d’une future démence. « Lorsque la plainte mnésique est objectivée par la famille ou l’entourage, on suspecte plus volontiers une démence, alors que lorsqu’elle est subjectivée par le patient, on envisage d’abord une dépression » poursuit le Dr Hanon.
La dépression peut être également secondaire, symptomatique d’une autre maladie, cardiovasculaire (cérébrale ou cardiaque), d’une dysthyroïdie, d’un cancer, d’un déficit sensoriel, d’une iatrogénie (les neuroleptiques ou les bêtabloquants par exemple pouvant être dépressogènes), d’une maladie de Parkinson ou de carences nutritionnelles (en folates notamment).
Dernière caractéristique de cette dépression “âgée“, elle est beaucoup plus fréquemment délirante, associant des troubles de l’humeur et psychotiques, avec des idées délirantes chroniques, de persécution, de préjudice, de spoliation (sur des bases réelles parfois), de ruine, autant de troubles annonciateurs d’une démence…
Dépression récurrente et démence
Mais une certitude s’est aujourd’hui imposée :” le concept de dépression pseudo-démentielle est dépassé”, déclare la psychiatre. La dépression peut être prédictive de démence ou être une “simple“ dépression, les troubles cognitifs s’amendant au cours du traitement de la dépression.
Toutefois, lorsque les dépressions deviennent récurrentes, elles représentent alors un facteur de risque de développement d’une démence. On remarque en effet que l’évolution de celle-ci est émaillée d’une dépression dans 30 à 50 % des cas. La dépression, qui accélère le déclin cognitif et la perte d’autonomie, retentit bien sûr sur le fardeau des aidants. Elle est une raison de décès supplémentaire, en dehors même du risque de suicide.
Par ailleurs ce suicide, qui est loin d’être la première cause de mortalité des personnes âgées, doit toutefois être systématiquement évoqué parce que, les seniors “réussissent“ leur tentative en une à 4 fois (versus 20 à 30 fois chez les jeunes adultes). « Il faudra donc aussi vérifier les facteurs de risque suicidaire que sont l’âge, le sexe (davantage les femmes), l’isolement, les antécédents psychiatriques personnels et familiaux, l’alcool, les affections somatiques, les événements de vie traumatisants et le fait de verbaliser les idées suicidaires, sans craindre pour autant de provoquer des idées suicidaires en en parlant » rapporte Cécile Hanon.
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