LA BEAUTÉ PRÉSERVÉE sans chirurgie serait-elle à l’origine des soucis des médecins esthétiques ? Certes, les progrès médicaux de ces vingt dernières années ont démocratisé l’accès à cette discipline en autorisant le recours à des actes de moins en moins invasifs. La liposuccion, les microgreffes capillaires, les prothèses de seins, les rhinoplasties et les réductions de seins sont les actes les plus fréquents parmi 250 000 gestes et 450 000 injections réalisés tous les ans.
Groupe de travail.
Dans ce contexte, le Syndicat national des médecins esthétiques (Snme) dénonce la position dominante prise par les chirurgiens au fil du temps, et ils poussent un cri d’alarme pour obtenir le droit de poursuivre leur exercice. Il est question en effet, selon eux, de leur interdire purement et simplement, dans quelques semaines, la pratique de certains actes invasifs à la frontière de la chirurgie. Leur inquiétude est évidente et le ton monte. «Nous demandons simplement un moratoire pour mettre en place la validation de nos acquis professionnels», déclare François Turmel, président du Snme, qui regrette que les médecins aient tant de mal à obtenir ce qui est accordé à tous, chirurgiens compris.
Depuis le mois de décembre, un groupe de travail se penche sur l’articulation entre médecine et chirurgie esthétique. Ses propositions, portées récemment à la connaissance du ministre, inquiètent les médecins esthétiques qui n’ont pourtant pas ménagé leur peine pour se conformer aux exigences des pouvoirs publics – par la mise en place d’une commission ordinale et d’un enseignement universitaire à Paris-V. «Nous réclamons un droit pour pratiquer la lipoaspiration et la greffe de cheveux qui sont sur le point d’échapper aux médecins», soutiennent-ils. Pour l’heure, Xavier Bertrand ne s’est pas encore prononcé sur les conclusions proposées qui requalifient les principaux actes exercés en esthétique et posent très concrètement le problème en termes de compétence et de sécurité. «Nous sommes spoliés alors que l’on attend des mesures dérogatoires», insiste Jean-Jacques Deutsch, trésorier du Snme. Ainsi, les microgreffes capillaires et les liposuccions, qui représentent 40 % des actes esthétiques pratiqués à l’heure actuelle, deviendraient des actes purement chirurgicaux. Le président du syndicat est catégorique. «Sans moratoire, dit-il, nous devrons expliquer à nos patients à partir du 12juillet que nous n’avons pas de compétences dans des actes que nous pratiquons depuis vingt ans.» La sécurité sanitaire servirait, selon eux, d’alibi pour écarter les médecins de l’esthétique «au bénéfice des chirurgiens qui ont de lourds investissements à rembourser». Ils n’entendent pas s’en tenir là et Jean-Luc Bachelier, vice-président du Snme, souligne la raison économique du conflit. L’an dernier, le nombre d’actes esthétiques pratiqués a chuté de 30 %. Ce coup d’arrêt du nombre d’actes se confirme sur les premiers mois de l’année, et poserait donc aussi «le problème en termes de parts de marché, bien au-delà de l’observance des risques liés à l’anesthésie ou d’hémorragie», souligne Jean-Luc Bachelier.
«On se demande même si un médecin généraliste pourra continuer à ouvrir un panaris», insiste François Turmel. Aujourd’hui, l’exclusivité de la liposuccion est revendiquée par la chirurgie, alors que, il y a quinze ans, toujours selon le Snme, les chirurgiens ne voulaient pas en entendre parler. «Les aspects comptables l’emporteraient-ils sur la noblesse du geste?», s’interroge le président du syndicat.
Si le ministre suit les recommandations du groupe de travail, les actes dits « frontière » deviendront purement et simplement chirurgicaux avec les frais structurels et de personnels liés au fonctionnement de blocs. La médecine esthétique s’est, elle aussi, substituée à certains actes de chirurgie, en cherchant à repousser les actes agressifs. Jean-Jacques Deutsch se souvient de «l’arrivée du collagène pour faire disparaître les rides». Ces produits injectables, issus des progrès de la toxine botulique, ont fait presque disparaître la chirurgie frontale. L’arrivée du laser et les possibilités de stimulation des tissus sans aucune effraction permettent d’éviter les visages tirés, ossifiés, squelettisés qui résultent de la chirurgie. Les médecins ont, semble-t-il, recherché et trouvé le moyen de regonfler les tissus. La création du volume sur les visages est une idée des médecins, assurent-ils. «A l’heure où la médecine et la chirurgie esthétique devraient évoluer ensemble, on en est à découper au scalpel le champ des compétences», regrettent les représentants du Snme. Rien qu’un exemple : les implants sous-cutanés résorbables pourront être injectés par les médecins et les non-résorbables par les chirurgiens.
Mais il est évident que ce partage des tâches et des compétences, revendiqué par les médecins esthétiques, est difficile à mettre en place.
> LAURENCE MAUDUIT
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