BIENTÔT, le PAF – le paysage assurantiel français – comptera un acteur de plus sur le créneau jugé à haut risque de la responsabilité civile professionnelle des accoucheurs libéraux.
La Société hospitalière d’assurances mutuelles (Sham), premier assureur en France des établissements de santé, a décidé d’élargir son offre ; à partir du mois de juin, cette société proposera des contrats individuels aux spécialistes à risques libéraux (chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens), qu’ils exercent dans des cliniques couvertes ou non par la Sham.
L’offre comprend trois niveaux de tarification : un obstétricien paiera 14 500 euros s’il exerce dans une seule maternité assurée par la Sham, 17 400 euros s’il travaille sur un seul site non couvert par la Sham, et 21 700 euros, s’il a un exercice multi-sites. Il s’agit là du tarif de base (TTC), révisable à la hausse en fonction du profil du médecin (son âge, sa sinistralité, etc.).
«Nous offrons une issue à la crise en instaurant l’assurance à l’acte, c’est-à-dire l’assurance par un assureur unique des professionnels et de l’établissement, explique le directeur général de la Sham, Jean-Yves Nouy. Ce qui permet d’optimiser la gestion des sinistres, de limiter les coûts de procédure, et d’organiser la prévention et la gestion des risques de manière collective.»
Un discours qui tranche avec le fatalisme du groupe Macsf-Sou médical – premier assureur français de professionnels de santé –, pour qui l’obstétrique n’est plus assurable en France. Ou alors, à des tarifs prohibitifs. Le groupe n’assurera aucun obstétricien à moins de 30 000 euros (TTC) l’an prochain. A condition qu’il conserve ses contrats, ce qui reste très hypothétique : «On reste dans l’optique d’une résiliation de tous nos contrats d’obstétriciens libéraux en fin d’année, dans l’attente d’une solution pérenne», déclare Nicolas Gombault, directeur général du Sou médical.
Amertume.
Le président du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), le Dr Guy-Marie Cousin, ne cache pas son amertume : «La proposition de la Sham mérite d’être étudiée, mais elle ne résout pas le fond du problème, car son coût est trop élevé. Les autres assureurs réfléchissent à de nouvelles augmentations. Bref, il n’y a toujours aucune solution à l’accroissement de nos primes. La menace d’une disparition de l’obstétrique libérale est plus que jamais d’actualité.»
Le directeur général de la Sham admet qu’en France, les médecins ont à faire face à un problème de solvabilité. Sans revoir pour autant ses primes à la baisse. Il s’agit de tarifs calculés au plus juste, à prendre ou à laisser, explique-t-il. Jean-Yves Nouy pense qu’une des clés passe par l’exercice sur un site unique : «En région parisienne, j’ai entendu parler d’une maternité qui tourne avec une soixantaine d’obstétriciens libéraux pour 1800accouchements par an: en non programmé, cela peut avoir de graves conséquences. Mieux vaut une équipe permanente, rattachée à temps plein à une seule maternité, qui fait ses consultations sur place et qui a l’habitude de travailler ensemble. Cela réduit considérablement les risques d’accident.»
La Sham, à l’inverse des autres assureurs, n’est pas favorable à l’écrêtement de l’indemnisation des sinistres lourds. Vers quelle solution s’oriente-t-on ? Les obstétriciens y verront plus clair à la fin du mois de juin, date à laquelle un avis sera remis à Xavier Bertrand, ministre de la Santé. Un avis qui fera la synthèse de la concertation en cours, menée sous l’égide du ministère de la Santé : depuis deux mois, un groupe de travail, réunissant assureurs, syndicats médicaux, assurance-maladie, fédérations d’établissements, Oniam et Etat, planche pour trouver une issue à la crise de l’assurance en obstétrique. A l’heure qu’il est, les points de vue divergent et le consensus n’est pas encore trouvé. Le ministère de la Santé n’est certain que d’une chose : «Nous ne voulons pas voir surgir une nouvelle crise tous les neuf mois, nous explique-t-on. Pour l’heure, on se contente de solvabiliser les médecins en leur donnant une aide pour payer leur assurance. Mais à moyen terme nous voulons une garantie de stabilisation des primes.» Le message passera mal auprès des assureurs, invariablement attachés à leur liberté tarifaire.
Réunion jeudi.
Une nouvelle réunion du groupe de travail est programmée après-demain, jeudi 1er juin. Les Urml (Unions régionales de médecins libéraux) viendront y présenter leur idée d’une limitation de la faute des obstétriciens – qui ne seraient alors reconnus responsables qu’en cas de faute inexcusable.
Le président du Syngof, lui, sera reçu aujourd’hui au ministère de la Santé, pour faire le point sur la situation. Il se dit très remonté : «On ne sait toujours pas comment sont fixées les primes, et on ne sent pas le désir chez les assureurs de limiter leurs tarifs. Bref, on ne voit pas le bout de cette affaire. Or c’est pour nous un problème majeur, explique le Dr Cousin. Nous sommes doublement déçus: parce qu’aucun financement n’est prévu pour notre association de gestion des risques (Gynérisq) , et parce que les obstétriciens n’ont obtenu que 5000euros d’aide dans le cadre des contrats de bonnes pratiques, contre 7000euros pour certaines spécialités chirurgicales, alors que nous payons les primes les plus élevées.» Déçu, en colère, le Dr Cousin prévient : «Si le ministère ne nous donne pas l’embryon d’une solution aujourd’hui, il est sûr que les obstétriciens s’engageront massivement dans le mouvement de “la France sans blocs opératoires” privés, à partir du 24juillet.»
Le dispositif d’accréditation est fin prêt
Xavier Bertrand a signé le décret relatif à l’accréditation des médecins exerçant en établissements de santé publics et privés ; sa publication est attendue «dans les prochaines semaines», indique le ministère de la Santé.
En secteur libéral, le texte prévoit le versement par l’assurance-maladie d’une aide aux spécialistes à risques pour financer partiellement leur contrat d’assurance, en échange de leur engagement dans la démarche d’accréditation. Au maximum, cette somme se montera à 7 000 euros pour un obstétricien de secteur I. Un obstétricien de secteur II pourra obtenir jusqu’à 4 900 euros.
En chirurgie, l’aide sera au maximum de 5 500 euros en secteur I, et de 3 850 euros en secteur II.
Les anesthésistes, quant à eux, pourront recevoir jusqu’à 1 500 euros en secteur I, et jusqu’à 1 050 euros en secteur II.
Le ministère de la Santé a décidé de limiter cette aide, pour ne pas inciter les assureurs à augmenter indéfiniment leurs tarifs. Ainsi, quand la prime d’assurance dépassera un certain plafond (fixé à 18 000 euros en obstétrique), ce sera au praticien d’assumer seul le financement de ce dépassement. En revanche, aucun financement n’est prévu pour le fonctionnement des organismes agréés de gestion des risques (type Gynérisq et Orthorisq).
Ce sera aux médecins eux-mêmes de payer les travaux des experts et des organismes agréés, en prélevant une partie de l’aide que leur aura versée l’assurance-maladie au titre de leur accréditation.
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