QUAND L'EUROPE consacre 3,76 euros par personne à la recherche sur le cancer, les Etats-Unis en dépensent 17,63, soit cinq fois plus. En pourcentage du PIB, les Européens dépensent encore quatre fois moins que les Américains : 0,0163 %, contre 0,0578 %. Et il ne s'agit que de l'Europe des 15 ; si l'on se réfère à l'Europe des 25 - depuis mai 2004 -, l'investissement par personne tombe à 2,56 euros.
Ces chiffres à eux seuls suffisent à dire l'ampleur du problème. Ils ont été présentés hier lors d'une conférence de presse, à Londres, du Forum européen des directeurs de recherche sur le cancer (European Cancer Research Managers, Ecrm), créé en 2001 pour promouvoir les réseaux et la coopération entre les instances nationales de financement et ceux qui prennent les décisions stratégiques. L'étude menée par l'Ecrm et financée par la Commission européenne a identifié 139 sources non commerciales de financements en Europe. Elle montre la place du secteur associatif : plus de la moitié des recherches sont financées par le secteur caritatif.
Quantitativement, la distance avec les Etats-Unis est encore plus grande qu'on ne le pensait. Qualitativement, c'est surtout la recherche clinique et celle sur la prévention qui sont les moins bien loties, alors que la recherche fondamentale est proportionnellement mieux dotée : 41 % des financements vont à la biologie, 20 % seulement aux traitements et 4 % à la prévention, contre, respectivement, 25 %, 25 % et 9 % aux Etats-Unis.
Le soutien financier manque au niveau de l'Europe, mais aussi au niveau de certains pays, puisque l'on observe de grandes variations. En 2002-2003, c'est la Grande-Bretagne qui a dépensé le plus pour cette recherche, avec 388 millions d'euros, dont 90 millions venant de la Commission européenne. Elle est en tête en proportion du PIB (0,0267 %), suivie par la Suède, l'Allemagne, la France et les Pays-Bas.
Un continent de seconde classe.
Comme le souligne le Dr Richard Sullivan, président du Forum Ecrm, le risque est aussi celui de la fuite des cerveaux : le fossé avec les Etats-Unis « menace la possibilité de recruter et de retenir des chercheurs aussi bien que l'attractivité commerciale de l'Europe ».
« L'Europe est un continent de seconde classe pour le financement de la recherche sur le cancer », dit le Pr Gordon McVie, pour qui entre 10 000 et 20 000 vies supplémentaires pourraient être sauvées si davantage d'argent était consacré à la recherche (estimation réalisée en faisant l'hypothèse que tous les pays européens ont les mêmes résultats que les pays qui ont les meilleurs taux de survie).
« Nous avons besoin d'une recherche clinique forte et indépendante en Europe », explique, pour sa part, le Pr Françoise Meunier, directeur général de l'Eortc (Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer), car cette recherche indépendante peut « étudier les cancers plus rares et plus difficiles à traiter pour lesquels on manque désespérément de nouveaux traitements et qui intéressent moins les entreprises commerciales ».
« Le financement insuffisant de la recherche clinique, ajouté à des réglementations écrasantes et disproportionnées, compromet dangereusement la recherche sur le cancer et sa compétitivité, renchérit Kathleen Vandendael, directeur exécutif de la Fédération des sociétés européennes du cancer (qui représente 18 000 spécialistes). C'est une mauvaise nouvelle pour l'Europe, mais, plus important, c'est une mauvaise nouvelle pour les patients. »
« L'Europe doit, à court terme, doubler la somme qu'elle dépense pour la recherche sur le cancer », résume le Dr Sullivan. Compte tenu des grandes disparités observées, certains pays doivent augmenter leurs efforts, tandis que « la Commission européenne doit faire face au problème à la fois par sa politique de financement et à travers une coordination améliorée dans toute l'Europe ».
En 2004, l'Europe a enregistré près de 2,9 millions de nouveaux cas de cancer et 1,7 million de décès (dont 150 000 en France).
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