DU FAIT des progrès des biotechnologies appliquées à la médecine, des peptides et des protéines d'origine humaine peuvent actuellement être utilisés à visée thérapeutique chez l'homme. C'est le cas, par exemple, de l'insuline humaine, de l'érythropoïtéine et du G-CSF (Granulocyte Colony-Stimulating Factor). Mais, à l'heure actuelle, l'une des limites principales de l'utilisation de ces médicaments, c'est leur voie d'administration. Il est en effet impossible de les utiliser autrement que par voie invasive : injection sous-cutanée ou intraveineuse.
Toutes les recherches mises en œuvre pour proposer une administration orale de ces peptides et protéines se sont jusqu'à présent soldées par des échecs. L'équipe du Dr Yun Bai (Los Angeles) a testé une nouvelle approche fondée sur l'utilisation de la transferrine, le transporteur naturel du fer à l'intérieur des cellules qui est capable de passer la barrière hémato-encéphalique et de pénétrer à l'intérieur de cellules tumorales. Comme les récepteurs à la transferrine sont abondamment exprimés au niveau du tractus gastro-intestinal et que la transferrine (Tf) est résistante aux enzymes digestives, en particulier la chymotrypsine et la trypsine, les chercheurs ont considéré que la transferrine pourrait être utilisée comme transporteur de peptides ou de protéines humaines délivrées par voie orale. Un travail préliminaire a montré qu'il est possible d'administrer in vitro des substances chimiques couplées à la transferrine au travers de barrières d'absorption telles que l'intestin grêle ou l'épithélium alvéolaire. L'étape suivante a consisté à administrer par voie orale de l'insuline conjuguée à la transferrine, ce qui a permis d'obtenir un effet significatif sur la glycémie chez des rats diabétiques. De même, ce transporteur couplé à du G-CSF administré par voie orale chez des souris BDF1 induit une majoration du nombre des neutrophiles circulants. Mais en raison de l'hétérogénéité de ce type de mélange, composé de produits de taille très différente qui pourraient en limiter les possibilités d'absorption, les chercheurs de l'équipe du Dr Bai ont eu l'idée de fabriquer une protéine de fusion G-CSF-Tf (Granulocyte Colony Stimulating Factor- Transferrine) et de tester son efficacité sur la lignée blanche d'un modèle animal murin.
Protéine de fusion.
Dans un premier temps, les auteurs ont couplé Tf et G-CSF en insérant deux acides aminée (-Leu-Glu-) entre les composants. Ils ont ensuite testé la protéine obtenue de cette manière, car l'insertion des acides aminés peut bloquer l'accès du compostant fonctionnel à son récepteur. « In vitro, la protéine recombinante G-CSF-Tf est dotée d'une double activité : liaison au récepteur TfR d'une lignée cellulaire spécifique (caco-2) et stimulation de la prolifération de la lignée blanche par le biais de la G-CSF sur des cellules NFS-60 en culture », expliquent les auteurs.
L'administration sous-cutanée de la protéine de fusion G-CSF-Tf à des souris BDF1 confirme que l'effet pharmacologique (augmentation du nombre absolu des neutrophiles) de ce complexe est identique à celui de la G-CSF injectée seule par voie sous-cutanée. Administré par voie orale, cette protéine de fusion augmente aussi le nombre des globules blancs alors que la prise de G-CSF non couplée ne se traduit pas par une modification de la formule sanguine.
Un effet sur la lignée blanche.
« Notre travail a aussi permis de montrer que l'absorption orale de protéine de fusion G-CSF-Tf induit un effet sur la lignée blanche durant trois jours alors que l'injection sous-cutanée de G-CSF ne modifie que très transitoirement (vingt-quatre heures) le nombre des neutrophiles. Cet effet prolongé pourrait être en rapport avec un premier passage hépatique ou splénique de la protéine de fusion qui, en se fixant provisoirement à des récepteurs du foie ou de la rate, aurait une action différée dans le temps », analysent les auteurs. Enfin, la coadministration de Tf libre abolit totalement la modification du nombre des neutrophiles induite par l'administration orale de G-CSF-Tf, ce qui suggère que la protéine recombinante est absorbée par le biais d'un processus Tf dépendant situé au sein du tractus gastro-intestinal.
«Proc Natl Acad Sci USA », édition avancé en ligne.
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