De notre correspondante
à New York
« TOUT COMME il existe un mécanisme qui fait battre le cœur, il existe une horloge qui fonctionne dans différentes parties de l'organisme afin de réguler de nombreux systèmes différents », explique le Dr Joseph Bass, qui a codirigé ces travaux à l'université Northwestern d'Evanston, dans l'Illinois. « Nous ne savons pas grand-chose sur la façon dont les horloges contrôlent le comportement alimentaire et le métabolisme chez les individus normaux, mais nous avons montré que si cette horloge interne fonctionne mal, il s'ensuit une prise de poids et des anomalies du métabolisme, dont le diabète. L'horloge corporelle contrôle manifestement le signal cérébral élaboré qui régule l'appétit. »
« Nous avons démontré qu'un modèle animal porteur d'un dérèglement circadien connu - une souris avec le gène Clock muté et, donc, avec une horloge corporelle imprécise - développe des problèmes métaboliques, comme l'obésité et les signes du syndrome métabolique », précise pour sa part le Dr Fred Turek (Northwestern University à Evanston, Illinois), expert en rythmes circadiens et premier signataire de l'étude publiée dans « Science ». « Cela apporte une nouvelle preuve génétique que les productions physiologiques de l'horloge biologique, le sommeil et l'appétit, sont interconnectés aux niveaux moléculaire et comportemental. Avec des implications : le rôle de la chronobiologie pour l'optimisation des stratégies de réduction et de maintien du poids par les interventions médicales et les changements de mode de vie. »
Perte de sommeil, changement de rythme.
« Nos résultats soulèvent des questions intéressantes qui devront être étudiées », ajoute le Dr Bass. « Une perte de sommeil ou un changement dans les rythmes circadiens pourraient-ils exacerber des problèmes de régulation d'appétit ? La question pourrait concerner non seulement la quantité ingérée, mais aussi l'heure à laquelle on mange et la façon dont cela retentit sur l'organisme. Mange-t-on bien à un moment de la journée où le système interne est programmé pour métaboliser la nourriture ? »
« L'horloge corporelle régule le moment où nous allons au lit, le moment où nous nous levons et le moment où nous avons faim. Cette pulsion interne constitue un système fondamental qui est important pour la santé. »
Le noyau suprachiasmatique.
On sait que l'horloge circadienne centrale - située dans le noyau suprachiasmatique (NSC) de l'hypothalamus dans le cerveau - gouverne les rythmes circadiens (périodes d'environ vingt-quatre heures) tant comportementaux que physiologiques - par exemple, l'alternance veille-sommeil, la prise alimentaire, la thermogenèse, et le métabolisme du glucose et des lipides.
Le facteur de transcription Clock est l'un des composants clés de l'horloge circadienne moléculaire dans les neurones pacemakers du NSC ; il fut le premier identifié chez le mammifère (1997).
L'équipe de Turek et coll. a utilisé un modèle génétique - la souris mutante Clock - afin d'étudier le lien qui existe entre le réseau des gènes circadiens, le comportement et le métabolisme.
En examinant de plus près ces souris mutantes homozygotes, les chercheurs ont constaté qu'elles perdent dès leur jeune âge une grande partie de la rythmicité de la prise alimentaire ; en effet, tandis que 75 % de la prise alimentaire survient la nuit chez les souris normales, seulement 50 % survient la nuit chez les souris mutantes. Les souris ont aussi une baisse de la dépense d'énergie (de 10 %).
Enfin, les souris mutantes deviennent incapables de réguler leur poids, aussi bien avec une alimentation normale qu'avec une alimentation riche en graisse. Sous régime normal, les souris mutantes gagnent le poids pris par les souris normales sous régime riche en graisse. Sous régime riche en graisse, l'effet combiné du régime et de la mutation provoque une hausse de poids de 50 % et conduit au développement d'un syndrome métabolique - hyperleptinémie, hyperlipidémie, stéatose hépatique, hyperglycémie et hypo-insulinémie.
L'orexine et la ghreline.
Les chercheurs ont cherché à savoir si la mutation Clock affecte l'expression des neuropeptides intervenant dans la régulation de l'appétit et de l'équilibre énergétique. Effectivement, l'expression des ARNm de l'orexine (régulation de l'appétit et du sommeil/éveil) et de la ghreline (agoniste de l'hormone de croissance) est considérablement atténuée dans l'hypothalamus médiobasal.
Ces résultats suggèrent donc que le métabolisme et les rythmes circadiens sont régulés de façon coordonnée. Ce travail souligne qu'il est important de maintenir un cycle de vingt-quatre heures normal, aux niveaux moléculaire et comportemental, pour la santé et le bien-être de l'organisme.
« Sciencexpress », 21 avril 2005.
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