« Argentine rebelle », de Cécile Raimbeau et Daniel Hérard

L’histoire de contre-pouvoirs

Publié le 19/06/2006
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«VOICI l’histoire d’une rébellion qui ne s’est pas emparé du pouvoir, mais qui construit des expériences multiples de contre-pouvoirs.»

Cécile Raimbeau est une journaliste indépendante qui se passionne pour les conflits sociaux et politiques en Amérique latine. Elle témoigne dans ce livre des expériences menées par les chômeurs et les citoyens solidaires argentins, qui ont inventé et mis en oeuvre des solutions pour réorganiser le quotidien et survivre après la grande rébellion populaire de décembre 2001, engendrée par une crise économique sans précédent. Assemblées populaires exerçant une démocratie directe dans leur quartier, associations de voisinage compensant la disparition des services publics, chômeurs faisant tourner en autogestion leurs entreprises en faillite, réseaux de solidarité remettant en cause l’économie marchande... Bien au-delà des idées et des théories, elle donne des exemples précis : le marché de troc de Bernalesa, la ligne de bus de la mutuelle Primavera, les céramistes de l’usine Zanon, l’hôtel Bauen, etc., autant de réponses locales à des problèmes nationaux, d’alternatives économiques et sociales qui pourraient intéresser nos vieilles démocraties doutant de leur avenir.

Cécile Raimbeau reconnaît que cette Argentine rebelle n’est pas l’Argentine majoritaire, mais elle constitue une facette du pays qui mérite notre intérêt. Son travail est étayé par une trentaine de photographies en noir et blanc, également représentatives, d’un autre journaliste voyageur, Daniel Hérard.

Éditions Alternatives, 144 p., 20 euros.

« So What », de Catherine Birambeau

Chômeuse au long cours

COMME le titre ne le laisse pas supposer, ce livre est le témoignage, à la première personne, d’une mise au chômage par suite d’un licenciement économique qui a fait de la victime, aujourd’hui âgée de plus de cinquante ans, une RMIste.

Ce n’est certes pas le premier récit de ce genre à être publié, mais si l’on tient compte du nombre de chômeurs de longue durée dans notre douce France, on doit reconnaître que les témoignages de première main ne sont quand même pas pléthore.

Nul ne songerait à nier que Catherine Birambeau a fait, dans son domaine, une carrière exemplaire : après dix ans passés dans le secteur du disque – Polydor et Barclay –, elle a travaillé à Canal + où elle était rédactrice en chef de « Nulle Part Ailleurs ». La belle vie, quoi, toujours stressée et surbookée, mais un revenu net, impôts déduits, d’environ 3 000 euros... Puis la mesure de licenciement est tombée en 2001, et aujourd’hui elle doit se débrouiller avec les 400 euros du RMI, et même un peu moins, car si elle gagne 500 euros en servant la soupe quinze heures par semaine dans un petit restaurant spécialisé, elle doit payer 600 euros d’impôts sur ce qu’elle avait en étant au chômage jusqu’à l’année dernière.

Mais laissons aux chiffres leur sécheresse. Et apprécions le regard distancé et lucide de Catherine Birambeau, son humour constant, lorsqu’elle évoque à la fois la période dorée de la télé, son licenciement brutal, son parcours de combattante de chercheuse d’emploi et sa lente et angoissante installation dans l’état de chômeuse.

Elle n’est pas la plus à plaindre. Elle le dit et le répète car son but n’est pas de susciter la compassion, et elle ne demande rien ; au contraire, elle espère que son expérience – elle regrette notamment d’avoir attendu d’être au bord du gouffre pour prendre la mesure du désastre – servira à d’autres... étant entendu, lorsqu’on a lu ce témoignage, que chacun d’entre nous, même les mieux lotis, peut se retrouver un jour dans la même situation. Bon courage, Catherine !

Editions Robert Laffont, 175 p., 18 euros.

« Charles Aznavour ou le destin apprivoisé », de Daniel Pantchenko

La biographie autorisée

LÉGENDE vivante de la chanson – il est né le 22 mai 1924 à Paris, il a débuté à 9 ans au théâtre, à 12 au cinéma, avant de se lancer finalement dans la chanson en solo en 1950 – Charles Aznavour avait publié en 2003 un livre de souvenirs personnels, « le Temps des avants » ; voici aujourd’hui sa biographie autorisée, à laquelle il a participé, délivrant des souvenirs inédits et multipliant les commentaires, les précisions ou les réflexions sur une vie riche en rencontres de toutes sortes, ce qui ajoute à l’ouvrage une formidable dimension humaine.

Le livre raconte comment ce fils d’immigrés arméniens a « apprivoisé » un destin pourtant peu favorable au départ, à force de courage, de ténacité et, bien sûr, de talent. Une place importante est aussi accordée à l’analyse de ses chansons, qui permet de redécouvrir bien des perles méconnues.

Daniel Pantchenko, un spécialiste de la chanson française, qui a longtemps oeuvré au quotidien à « l’Humanité » et qui est l’un des principaux collaborateurs de la revue « Chorus » (il a mené à terme un manuscrit qu’avait commencé son collègue Marc Robine, disparu en août 2003), a pris l’heureux parti de se limiter aux souvenirs et aux témoignages les plus percutants des professionnels et des artistes proches ou ayant joué un rôle clé dans la carrière de « Monsieur Aznavour ».

Éditions Fayard/Chorus, 607 p. + cahier photos de 16 p., 232 euros.

« Y a-t-il un sexologue au rez-de-chaussée ? », de Molly Jong-Fast

Jeu de massacre

«... MON HANDICAP, au fond, ça n’a peut-être pas été d’avoir une mère célèbre, mais d’avoir une mère pas tout à fait assez célèbre. Au fond, c’est sans doute parce que je n’étais pas assez sous les projecteurs que j’ai été complètement bousillée dès ma plus tendre enfance...»

Pauvre petite Molly, petite-fille de Howard Fast, auteur du célèbre « Spartacus », et fille d’Erica Jong, qui a commis le sulfureux « Complexe d’Icare » ! C’était en 1974, aux Etats-Unis et, bien sûr, trente ans après, ses thèses psychosexologiques paraissent bien fades. Il n’empêche que, alors, la jeune femme a mis le monde en ébullition, au grand dam de son enfant qui lui a peut-être pardonné, mais qui n’a pas oublié.

Agée maintenant de 26 ans, la fille d’Erica Jong nous livre la chronique délirante de son enfance de petite fille riche et gâtée – évidemment pourrie par la drogue et l’alcool – dans une famille pour le moins originale et qui croisait les célébrités de l’époque.

Très en verve, elle n’épargne rien ni personne et son récit ressemble à un joyeux jeu de massacre où les têtes people tombent comme des mouches. Au moins n’est-elle pas restée inhibée !

Éditions Grasset, 317 p., 17,90 euros.

FRENEUIL Martine

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7982