NOUS PRÉFÉRONS « honnêteté » à « objectivité », non pour des raisons de plate bonne conscience, mais parce que l’événement vécu « à chaud » par un correspondant de presse « sur place » sera nécessairement emporté, dit Gilles Paris, par des Palestiniens en fureur portant le catafalque du dernier martyr, nécessairement capté par le recueillement du cercle familial autour de la tombe d’un soldat israélien victime d’un attentat.
La couverture du conflit israélo-palestinilen, plus que tout autre au monde, suscite ricanement et scepticisme. En dehors même de ses credos personnels, le journaliste envoyé spécial n’assiste qu’à des faits qui ne se donnent que de profil, de manière contextualisée. L’introduction du numérique, note le même Gilles Paris, favorise l’idée que la captation par l’Internet de chaque mort en temps réel va dans le sens de la vérité et peut mettre fin à ce qui est systématiquement présenté comme « désinformation générale ».
La méfiance règne (nous l’avons expérimenté nous-même en lisant certaines de ces contributions, ça doit bien pencher d’un côté...). Ainsi le journal « le Monde » est-il toujours soupçonné de ne guère aimer Israël. Le Pr Serge Erlinger, qui chiffre l’occurrence et la fréquence de noms et mots dans ce quotidien, ne nous a guère convaincus. En ce qui concerne la mention de premiers ministres israéliens, par exemple, la fréquence ne nous dit en rien si elle s’inscrit dans un contexte laudatif ou très acerbe.
De fait, en dehors même des parti-pris cristallisés, qui sont rares, le survol historique du conflit depuis 1945 montre de nombreuses fluctuations affectives. Elles peuvent se lire par exemple en suivant la politique extérieure de la France. La remarquable étude de Dominique Vidal l’illustre bien.
C’est à travers le double prisme de la culpabilité liée à la collaboration, à la Shoah et au règlement de l’affaire algérienne que s’installe un vibrant soutien à Israël. Paradoxalement, c’est au moment où triomphe Israël, lors de la guerre des Six-Jours en 1967, qu’est agité le fantasme du petit pays détruit, du peuple juif à nouveau assassiné. L’intelligentsia française basculera massivement du côté propalestinien par la suite. Là encore, les fantasmes court-circuitent les analyses : le Palestinien se voit assimilé au colonisé, il devient la victime des victimes d’hier.
Dans son étude sur les images et les représentations des deux peuples, l’historien Mathieu Bouchard résume l’iconographie courante en 1949 : « Le monde arabe, c’est celui des Bédouins, des dromadaires, du Sphinx et des minarets. Le monde d’Israël, c’est celui des avions, des tracteurs et des villes modernes. »
Si toutes les contributions sont remarquables, on notera l’extraordinaire enquête de terrain scrutant la stratégie des lieux de passage de Cisjordanie en Israël, ou comment un filtrage un peu pervers se retourne contre Israël (Cédric Parizot).
Mal nommer.
Une autre étude tente de répondre à la question : qui, du Hamas ou d’Israël, a rompu la trêve de juin 2008 ? L’État juif semble avoir riposté à un cas de légitime défense, mais en remontant dans le passé, on trouve un raid aérien israélien précédant les tirs de roquettes.
Il est vrai, concède Denis Sieffert, directeur de « Politis », que la question « Qui a commencé ? » semble peu de chose pour un conflit de plus d’un siècle. Mais ceci s’articule à la problématique de la vérité que nous évoquions au début : c’est la plus grosse voix qui asservit le mieux la presse occidentale et c’est plus facilement celle d’un État.
Enfin, un examen aigu cherche à nommer le type de régime politique que représente précisément l’État d’Israël et conclut qu’il s’agit d’une « ethnocratie ». Rappelons-nous toutefois que, comme le disait Camus, « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. »
« Israël-Palestine - Les enjeux d’un conflit », CNRS Éditions, 294 p., 22 euros.
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