DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA SURDITÉ du jeune enfant n’est pas exceptionnelle. Un enfant sur 750 est porteur d’une atteinte bilatérale permanente (modérée, sévère ou profonde), présente dès la naissance dans 80 % des cas. Ces troubles de l’audition retentissent le plus souvent sur l’acquisition du langage et le développement de la parole.
Le dépistage néonatal systématique de la surdité, par la méthode des «otoémissions acoustiques provoquées» et la mesure des «potentiels évoqués auditifs», est recommandé en Europe, notamment au Royaume-Uni, et aux Etats-Unis. Il n’est pratiqué en France que dans un nombre limité de maternités.
Ces recommandations s’appuient sur des études montrant qu’une prise en charge précoce, avant l’âge de 9 mois, lorsqu’elle est comparée à des interventions plus tardives, s’associe à un meilleur quotient d’aptitude verbale. Des travaux montrent également qu’une naissance durant les campagnes de dépistage néonatal systématique est associée à un bénéfice similaire.
Pas suffisamment de preuves.
«Toutefois, le groupe de travail des services de prévention des Etats-Unis a estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour justifier le dépistage néonatal systématique, et ce dépistage ne reçoit donc pas le soutien fédéral», explique au « Quotidien » le Dr Colin Kennedy, de l’université de Southampton (Royaume-Uni), qui a dirigé l’étude publiée dans le « New England Journal of Medicine ». «Il est intéressant de voir si cette opinion sera modifiée par notre travail», ajoute-t-il.
Dans une précédente étude contrôlée, menée dans la région du Wessex, dans le sud de l’Angleterre, le Dr Kennedy et son équipe avaient déjà montré qu’un dépistage systématique dès la naissance (effectué dans certains districts de cette région, et non dans d’autres) augmentait de 43 % les chances de déceler une éventuelle surdité avant l’âge de 6 mois.
La nouvelle étude porte sur 120 enfants porteurs d’une surdité moyenne à profonde (perte d’au moins 40 dB), qui ont été identifiés dans une vaste cohorte d’enfants (n = 157 000) nés dans 8 districts du sud de l’Angleterre. Parmi eux, 61 enfants étaient nés durant des périodes de dépistage néonatal systématique et, chez 57 enfants, une déficience auditive a été confirmée avant l’âge de 9 mois.
Une prise en charge adaptée.
Une fois la surdité confirmée, tous les enfants ont bénéficié d’une prise en charge adaptée au degré de l’atteinte. Elle reposait sur des aides auditives ou des implants cochléaires.
Les auteurs ont évalué les enfants à l’âge de 8 ans en moyenne, en utilisant une batterie de tests de langage et d’aptitude non verbale.
Les résultats montrent bien que les scores des tests du langage (premier objectif évalué) sont significativement plus élevés chez les enfants qui ont bénéficié du dépistage néonatal systématique, ou dont le déficit auditif a été confirmé avant l’âge de 9 mois.
A l’inverse, aucune différence n’a été constatée en ce qui concerne la parole, mais elle a été évaluée en interrogeant un parent. Une analyse objective de la parole est en cours de réalisation pour mieux évaluer la parole chez ces enfants.
«J’aimerais souligner le fait qu’une partie de notre échantillon étudié (le sous-groupe Wessex) a bénéficié d’un dépistage néonatal systématique d’une manière quasi expérimentale, observe le Dr Colin Kennedy. Cela veut dire que l’association observée entre une naissance durant des campagnes de dépistage et de meilleurs résultats aux tests du langage 8ans après est probablement la conséquence du dépistage néonatal».
«L’implication clinique de cette étude est que le lien entre le dépistage néonatal et l’amélioration du langage dans l’ensemble de la population d’enfants atteints de déficience auditive est maintenant montré plus clairement. Cela étaye les arguments en faveur de l’introduction du dépistage néonatal systématique.»
Ce bénéfice d’une prise en charge précoce s’explique vraisemblablement, selon le Dr Kennedy, par l’existence d’une période critique ou sensible liée à la plasticité cérébrale, durant laquelle les stimuli auditifs sont importants pour former des connexions synaptiques cruciales pour les aptitudes au langage.
«Notre prochain objectif sera de suivre le même échantillon d’enfants et de les tester à nouveau lorsque leur âge moyen sera de 13ans», conclut le Dr Kennedy.
« New England Journal of Medicine », 18 mai 2006, p. 2 131.
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