OPÉRA de l'ambiguïté, du non-dit, de la pression morale, « le Tour d'écrou » est le premier des opéras de chambre de Britten d'après James. « Owen Wingrave » devait suivre en 1971.
Une jeune gouvernante s'aperçoit vite que les deux enfants dont elle a la charge, dans l'isolement étouffant d'une belle demeure anglaise, sont hantés par les « fantômes » de deux disparus. Très atténuée, autant dans la nouvelle que dans l'opéra, la notion d'abus de ces enfants par ces disparus y est pourtant, avec celui de la responsabilité parentale, omniprésente, particulièrement dans la musique que Britten a ajoutée aux mots scrupuleusement respectés de James. La tentation est bien grande, tant ces deux thèmes sont des faits de société aujourd'hui capitaux, de montrer sur scène la pédophilie, piège que n'a pas évité Luc Bondy, réduisant à néant toute l'ambiguïté qui participe au génie de l'œuvre, dans sa mise en scène aixoise qui sera reprise au théâtre du Jeu de Paume cet été (1) et avant au Théâtre des Champs-Elysées (2).
Le DVD capté à Aix en 2001 montre une mise en scène plus inspirée par une dramaturgie allemande à la « Wozzeck » que par les racines anglaises de l'œuvre. La gouvernante de Mireille Delunsch, dont la diction anglaise est bien pâteuse, a, d'emblée, l'air d'une psychopathe, les enfants bien pervertis et leurs tortionnaires fantomatiques (Marlin Miller et Marie McLaughlin) plus sexuels que moraux. C'est d'autant plus regrettable que le décor de Richard Peduzzi, qui joue à fond le jeu du huis clos, est d'une force et d'une ingéniosité rares. La direction du jeune chef Daniel Harding à la tête du Mahler Chamber Orchestra, tout à fait exceptionnelle, à la fois analytique et dramatique, justifierait, à elle seule, de connaître cette production (3).
Les cinéastes à l'œuvre.
Très tôt, l'étrangeté étouffante de la nouvelle de James a tenté les cinéastes. « The Innocents » de Jack Clayton en 1961 avec Deborah Kerr et Michael Redgrave, « The Nightcommers » de Michale Winner en 1971 avec Marlon Brando et « Turn of the Screw » de Rusty Lemorande avec Stephane Audran et Marianne Faithfull de 1992, en sont trois exemples.
A éviter à tout prix, le film de Petr Weigl tourné en 1982 avec comme bande-son l'excellent enregistrement de Colin Davis (Philips), où l'opéra est précédé d'un prélude qui raconte en flash-back, et avec une esthétique digne du pire cinéma pornographique, les abus sexuels supposés des enfants par les domestiques (4).
Ce n'est pas le cas d'un film réalisé pour la télévision par la BBC par Katie Mitchell avec d'excellents chanteurs anglais (Mark Padmore, Lisa Milne, Diana Montague) et le City of London Sinfonia dirigé par Richard Hickox, édité sur DVD (5). L'atmosphère « campagne anglaise » est garantie, il y règne une vie irrésistible et l'ambiguïté des situations est tout à fait respectée. Une façon idéale de découvrir l'œuvre, tout comme l'enregistrement historique de référence dirigé par Britten en 1955, peu après la création vénitienne et avec son équipe au premier rang de laquelle le ténor Peter Pears, compagnon et inspirateur du compositeur (6).
Signalons, pour être complets, un assez bon enregistrement sur DVD de l'opéra au festival de Schwetzingen en 1990 dans une mise en scène de Michael Hampe dirigée par Steuart Bedford. C'est du bon théâtre, un peu conventionnel, comme on a pu en voir à l'époque aussi bien à Cologne qu'à Munich où ce régisseur allemand était spécialiste de l'œuvre, et les chanteurs (Helen Field, Menai Davies, Richard Greager et Phyllis Cannan) parfaitement dans le style brittennien (7).
(1) Festival d'Aix-en-Provence (04.42.17.34.34 et billeterie@festival-aix.com) du 10 au 21 juillet.
(2) Théâtre des Champs-Elysées (01.49.52.50.50 et www.theatrechampselysees.fr) les 7, 9, 11 juin à 19 h 30 et le 12 à 17 heures .
(3) Un DVD Bel Air Classiques.
(4) Deux vidéo-laser-discs Philips/Unitel.
(5) Un DVD Opus Arte/BBC (distribution Codaex).
(6) Deux CD Decca/Universal.
(7) Un DVD Arthaus (distribution Intégral).
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