MONTEVRAIN (77)
DR PHILIPPE BROSSEAU
Les médias se font régulièrement l’écho des mesures à l’attention de nos aînés portant sur leur maintien au domicile et la prise en charge de la dépendance. On peut se demander, à juste titre, si la gestation de ces mesures dans l’atmosphère ouatée des ministères et leurs salons à lambris, a pris en compte la réalité de terrain. Car, au domicile de la personne âgée, la vie quotidienne s’apparente à un parcours du combattant où les obstacles de toutes natures s’amoncellent jusqu’à l’absurde. Il ne suffit pas en effet de déclarer cause nationale la dépendance pour voir s’estomper les tracas de toutes sortes, même si globalement les CLICs, les CCAS et autres organismes sociaux remplissent leur office avec conviction et motivation.
Prenons l’exemple d’une personne âgée dépendante incapable de sortir de son domicile, dont le médecin traitant vient de prendre sa retraite : parviendra-t-on à lui faire saisir l’imprévoyance des politiciens en matière démographie médicale depuis des décennies, comment lui expliquer le refus, par les autres médecins de ville, de reprendre son dossier devant leur surcharge de travail, peut-on lui faire entendre l’abandon de la visite au domicile aux motifs de rentabilité voire d’insécurité ?
Cette problématique pose en outre la question des prescriptions médicamenteuses et de leur renouvellement par le médecin mais aussi et surtout par les pharmaciens : car ces derniers, partagés entre leurs responsabilités et la nécessaire continuité des traitements, font souvent le choix de renouveler des ordonnances datant parfois de plus de 18 mois, prenant de la sorte des risques thérapeutiques et judiciaires aisés à imaginer.
Dans l’histoire récente de la médecine, l’évolution des mentalités a substitué le fonctionnariat au sacerdoce, et les deux principales victimes en sont le bénéficiaire, le patient, et le financeur, la collectivité. En terme d’inconfort, de stress voire de traumatisme, nos chers énarques prisonniers des ors de la République imaginent-ils l’horreur d’un passage par les urgences d’un hôpital en cumulant âge, dépendance, surdité, cécité avec une pointe de démence ? Lorsqu’ils l’éprouveront dans leur chair, s’ils s’y hasardent un jour, il sera bien tard….
Certes, les réseaux gérontologiques ont-ils vocation à pallier les déficiences, voire les carences, mais au lieu d’être perçue comme une aide ou une coordination, leur intervention est vécue comme une menace ou une ingérence par certains confrères ou parfois comme un moyen d’exécuter les basses œuvres, hospitalisations en milieu gériatrique ou hospitalisation à la demande d’un tiers.
Sans s’acharner à maintenir coute que coute la personne âgée à son domicile, le gériatre est confronté à un effet pervers et majeur de cet état de fait : plus longtemps le patient âgé demeure à son domicile, plus la dépendance s’installe, et plus celle-ci prend d’ampleur, plus il est difficile de trouver un hébergement adapté vers lequel un transfert se fera toujours dans l’urgence et la douleur.
L’observation attentive du déploiement incroyable d’aides humaines et matérielles au domicile, du nombre d’intervenants et de la quantité des prestations, invite légitimement à réfléchir à la vanité et à l’inanité de toutes ces énergies et de toutes ces dépenses, tandis qu’on nous rebat sans cesse les oreilles de règles sécuritaires et de principes de précaution.
Affaire Tarpin : La confraternité est une valeur et une obligation
PARIS
DR DOMINIQUE DEBRAY
Je regrette vivement la manière dont le Conseil départemental de l’ordre (CDO) du Rhône est intervenu dans le différend qui l’a opposé Dr Xavier Tarpin au sujet de l’organisation des gardes dans le département. La confraternité est à la fois une valeur qui nous unit et une obligation pour tous les médecins.
Il n’a pas été raisonnable à cet égard que le CDO engage avec le Dr Tarpin un conflit sur un terrain qui risque de discréditer l’institution ordinale.
Dès lors que la bonne foi du médecin ne peut être contestée car fondée sur plusieurs décisions de justice, il était raisonnable de trancher le débat sur le fond en recherchant sincèrement une conciliation.
En participant à l’initiative d’inscrire systématiquement le Dr Xavier Tarpin sur le tableau de garde lors de jours fériés, le CDO du Rhône a mené au contraire une action qui serait condamnée par le juge pénal car qualifiée de harcèlement, si elle avait été le fait d’un collègue de travail ou d’un employeur.
En prenant l’initiative de s’auto-saisir d’une procédure détournée de son objet, le CDO du Rhône en outre a donné l’image d’une institution autoritaire, capable de moyens de pression déloyaux pour faire plier un confrère.
Si ce confrère était délinquant le procédé serait certes contestable, mais le but serait intelligible pour le public : mettre fin à un trouble. Mais en l’espèce, deux interprétations s’opposent, fondée chacune sur une source légitime de droit.
Dès lors que la cause du trouble réside dans le conflit entre sources de droit, la raison et la confraternité exigeaient d’en régler la cause, et non d’employer la force ou la ruse pour faire plier un confrère.
Je ne critique pas les décisions de justice de première instance et d’appel conduisant à la suspension du Dr Xavier Tarpin : c’est le rôle de la juridiction de Cassation et de la Cour Européenne de Justice de maintenir une application juste et raisonnée du droit.
Sur la forme, je critique avec fermeté, les persécutions que CDO du Rhône a fait subir au médecin.
Sur le fond, je critique également le parti pris de l’Ordre dans une question qui est certes éthique, mais avant tout économique : lorsque les gardes sont rémunérées selon des règles et des barèmes inspirés du Code du Travail, les volontaires ne manquent pas.
En agissant comme il le fait, l’Ordre prend le parti d’un mode de rémunération aujourd’hui dépassé et ne peut que décourager l’installation des jeunes.
Pour ces raisons, je souhaite qu’une conciliation ait lieu.
2011 : l’année de toutes les vérités
ANGOULÊME
DR YVES ADENIS-LAMARRE
Nous sommes en 2011, une nouvelle convention va être signée par nos syndicats. Au programme, une modification du mode de paiement avec introduction des forfaits que les médecins réclament, avec introduction des consultations avec valeur ajoutée.
Je viens donc de faire une simulation de ce qui nous attend (...)
Donc, nous aurons :
= un forfait « structure » pour financer un bâtiment aux normes modernes de sécurité médicale et handicapés. Disons, un euro par acte.
= Un forfait « secrétariat » un médecin n’ayant besoin en réalité que d’un demi secrétariat, disons, 2.5 euros par acte.
= un forfait « informatique » pour télétransmission, remplissage du DMP, maintenance du LAP, soyons généreux, disons 1 euro….ah non, les médecins rechignent face au coût de la maintenance, les éditeurs de logiciels seront donc directement payés par la SS pour que les frais de maintenance disparaissent, disons alors 0.50 euro.
= un forfait « PSD » : 2 euros me semblent convenable, mais ne toucheront ce forfait que ceux qui seront inscrits sur une liste de garde.
= Enfin, un forfait « zone déficitaire » : 1 euro ; forfait particulier car « payable » par tous, mais que seuls se partageront ceux qui sont en zone déficitaire.
Donc, pour se résumer, ça fera 8 euros de forfait.
Ah, mais il y a un hic……notre ministre nous a dit que ce serait à enveloppe fermée, donc pour un C ancien à 23, le C nouveau devrait être à 15 euros.
Ok ; mais j’allais oublier les consultations à valeur ajoutée du fait de leur longueur : consultation de synthèse annuelle, de cancérologie, des dépressifs…….Schématiquement, un diabétique est vu 4 fois l’an soit 23 x 4 = 92 euros actuel. On parlait d’une consultation longue de 60 euros en ancienne unité, soit environ 3 fois le tarif de base. A enveloppe fermée, ça fait en nouvelle unité 60 euros par an (15 x 4), donc 30 euros pour la consultation longue, et 10 euros pour la consultation de base : bobologie, renouvellement, certificat en tout genre, etc..
Pour inciter les médecins à refaire de la petite chirurgie, les actes en CCAM technique resterons à leur valeur actuelle. Ainsi par exemple, l’ablation d’un bouchon de cérumen coté 17,21 euros redeviendra
attractif pour le médecin de proximité en rapport avec une consultation de base de 10 euros, alors qu’en ancienne unité, c’était l’inverse, et les médecins généralistes avaient tendance à adresser aux spécialistes
ou aux services d’urgences surchargés.
Se pose alors le problème du remboursement des consultations par la SS aux patients. Pour un acte actuel à 23, la mutuelle rembourse 6.9 euros. Donc pour un acte nouveau à 10 euros, la SS ne remboursera que 3.10 euros au patient. Si on enlève le 1 euro forfaitaire plus les 50 centimes par boite de médicament, la SS n’aura donc plus rien à rembourser aux patients (hors ALD). Cela va donc générer des gains de productivité à "Madame Lacaisse", n’en doutons pas, elle saura bien utiliser les gains de temps libérés.
Dernier point, les forfaits seront versé à trimestre échu, avec rééquilibrage en rapport avec l’enveloppe fermée, au moins dans les premiers temps. Ainsi, si l’enveloppe est dépassée, le forfait sera
diminué d’autant (...)
Tous les problèmes en cours seront résolus : si un médecin ne fournit pas les justificatifs, il n’aura pas droit au forfait correspondant. Ainsi, s’il ne fait pas de garde, il ne touchera pas le forfait de 2 euros/patient, qui sera reversé à celui qui fait des gardes.
Si le médecin ne justifie pas un achat d’ordinateur neuf, plus des connexions en nombre suffisant au web-médecin et au DMP, il ne touchera pas le forfait ; etc, etc…incitant ainsi fortement chacun à remplir ses
obligations de PSD, d’installation en zone déficitaire, d’informatisation effective, etc… Avec ces nouvelles règles, le médecin remplaçant n’aura évidemment droit à aucun forfait, au lieu de 23, il n’aura que 10 euros, ce qui l `incitera fortement à s’installer…où il y a de la place…….tout sera résolu, c’est évident !
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