QUAND SADDAM HUSSEIN est tombé, Hiner Saleem tournait en Arménie « Vodka Lemon ». Il n'a eu qu'une envie, raconte-t-il, « être là-bas, avec eux ». Alors il est parti pour le Kurdistan irakien, où il est né en 1964 et qu'il a quitté adolescent pour fuir la tyrannie du régime (aujourd'hui, il vit à Paris). Se souvenant de son frère, qui a déserté l'armée irakienne, il a imaginé un soldat malgré lui, pendant la très meurtrière guerre Iran-Irak. Quand « Ali le chimique » allait utiliser les grands moyens pour anéantir le peuple kurde (dont le bombardement chimique de la petite ville de Halabja, le 16 mars 1988, qui a fait 5 000 morts).
Du drame kurde, Hiner Saleem n'a cependant pas voulu faire uniquement une tragédie. Il cite toujours son grand-père, qui disait : « Notre passé est triste, notre présent est tragique, mais heureusement, nous n'avons pas d'avenir. » Et il ajoute : « Dans les moments les plus tragiques, nous trouvons toujours un détail burlesque, une situation absurde. Les Kurdes, comme tous les peuples qui ont beaucoup souffert, ont appris à les voir. C'est aussi cet humour qui nous aide à survivre. »
Donc, le jeune Kurde qui veut fuir et aller en Europe se retrouve soldat dans l'armée irakienne. On ne verra pas vraiment de combats, seulement la cruauté des sbires de Saddam. Et puis, quand le soldat est chargé d'une mission spéciale et se retrouve en duo avec un chauffeur de taxi arabe, l'affaire tourne effectivement au burlesque et est filmée comme tel, avec un excellent acteur principal (Nazmî Kiri) qui a parfois des mimiques à la Buster Keaton.
Le réalisateur sait aussi utiliser les vastes et beaux décors naturels de son pays natal. Il y trimballe une affreuse statue de Saddam, « l'un des principaux personnages du film ». L'humour, noir, est ici la politesse du désespoir, la pudeur d'un homme qui préfère ne pas exprimer sa rage. Il a seulement voulu, explique-t-il encore, « faire respirer leparfum de la dictature ». C'est réussi.
Sortie sur les écrans français le 28 septembre.
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