L’INSTITUT de puériculture et de périnatalogie (IPP) de Paris traverse une passe difficile.
Mise à mal par le passage à la tarification à l’activité (T2A), cette structure privée participant au service public hospitalier (Psph), réputée pour la qualité de sa prise en charge des naissances prématurées et des grossesses difficiles, accuse un sérieux déficit. Quatre millions d’euros, affirme son directeur, qui veut redresser la barre. Daniel Beaune a fait ses comptes : la maternité de l’IPP ne tourne pas assez et plombe les comptes. Sans elle, l’IPP se porterait beaucoup mieux. Le directeur de l’institut a donc décidé de trancher dans le vif, et vient d’annoncer au chef de la maternité et à l’un de ses assistants son intention de les licencier après l’été. «Ce sont parmi les salaires les plus importants, et ces deux médecins ont été incapables de dynamiser le service ces dernières années», explique-t-il.
Après cette première «mesure d’économie», deuxième étape : le directeur veut obtenir le transfert rapide, «au plus tard en septembre», de la maternité sur un autre site. «A Paris ou à Dunkerque, peu m’importe», dit le directeur, pressé d’en finir. A la place, Daniel Beaune souhaite ouvrir un service pour les enfants polyhandicapés, «une solution plus équilibrée au plan budgétaire».
Les congédiés se rebiffent.
Mais l’histoire n’est pas si simple. D’abord, parce que les deux médecins congédiés se rebiffent. Soutenus par leur équipe, les Drs Fernand Daffos et François Jacquemard alertent l’opinion pour contraindre le directeur de se raviser. Ensuite, parce que l’institut parisien de puériculture se trouve déjà engagé dans un projet qui le lie à l’hôpital Necker, de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris). Il est ainsi prévu depuis plusieurs mois que la plupart des activités de l’IPP – dont la maternité – rejoignent Necker à l’horizon 2009-2010, dès que la construction du pôle mère-enfant de l’hôpital Necker sera achevée. Ce regroupement figure noir sur blanc dans le Sros 3 d’Ile-de-France (le dernier schéma régional d’organisation sanitaire). Mais, pour le directeur de l’IPP, ce projet n’est pas réaliste : «Notre maternité perd trop d’argent. Si l’on attend jusqu’en 2009 sans rien faire, il n’y aura plus du tout d’IPP, et 400personnes seront licenciées.»
Le transfert de la maternité, et le licenciement de ses deux « pilotes », est «le seul moyen d’éviter de mettre tout le monde au tapis», enchaîne Daniel Beaune, qui n’attend plus que l’aval de l’ARH (agence régionale de l’hospitalisation). Or l’ARH, semble-t-il, botte actuellement en touche. En cas de refus, «je n’aurais d’autre choix que de licencier les 27salariés de la maternité en septembre», conclut le directeur.
La perspective de ce plan social inquiète au plus haut point le personnel. «On sait tous que l’on fera partie du deuxième wagon de licenciements, car avec deux médecins de moins, la maternité ne pourra plus tourner, déclare le Dr Véronique Cayol, gynécologue-obstétricienne à l’IPP . Or notre structure est indispensable: en Ile-de-France, l’IPP prend en charge 14% des naissances de grands prématurés et 20% des interruptions médicales de grossesse.» Le Dr Cayol se bat pour que ses deux chefs ne prennent pas la porte. Et considère que la clé est ailleurs : «Ce qu’il faut, c’est trouver les moyens, auprès de l’ARH ou de la région, pour maintenir la structure jusqu’en 2009. Mais notre directeur ne s’est pas préoccupé de cela.»
Sur ce contexte économique fragile se greffe un problème semble-t-il d’ordre plus personnel. A la maternité, on chuchote que le directeur règle ses comptes. Le chef de service sur la sellette est d’ailleurs le premier à parler d’ «animosité». «J’ai toujours dit ce que je pensais de ce directeur qui ne cesse de baisser les moyens du personnel soignant au profit de l’administration», expose le Dr Fernand Daffos. Le chef de la maternité, à 59 ans, ne redoute pas spécialement d’être débarqué. Il en a déjà vu d’autres : en 1988, cet obstétricien a été licencié d’un hôpital privé parisien, après que le cardinal Ratzinger – le futur pape Benoît XVI – eut décidé d’interdire la pratique du diagnostic prénatal. Mais si le Dr Daffos est aujourd’hui «désespéré», c’est à l’idée que toute son équipe se retrouve sur le carreau. «Il y a aussi le risque que l’offre de soins en périnatalité dans la région francilienne, déjà insuffisante, se dégrade un peu plus», ajoute-t-il.
Bref, la situation semble inextricable à l’IPP, les deux parties adverses – médecins et direction – ayant rompu tout contact depuis de longs mois, jusqu’à l’annonce ces jours-ci du licenciement de deux obstétriciens.
Le niveau 3 saturé en Ile-de-France.
L’émoi suscité par la nouvelle dépasse l’enceinte de l’IPP. A l’hôpital Necker, où l’on compte beaucoup sur le regroupement des deux établissements dans le pôle mère-enfant, les médecins ne comprennent pas le choix «brutal» du directeur de l’IPP. Et craignent que cela ne compromette la réalisation du projet, comme l’explique le Pr Yves Dumez, chef du service obstétrique : «Les savoir-faire de nos équipes sont complémentaires. On craint, si débutent les licenciements à l’IPP, d’hériter en 2009 d’une coquille vide, lorsque les plus compétents auront ensuite quitté l’institut.» La fermeture en septembre de la maternité de l’IPP serait une aberration aux yeux de ce médecin : «On ne peut pas se passer d’eux. Les autres maternités de niveau3 de la région sont saturées, où transférer les femmes enceintes?», interroge le Pr Dumez.
L’idée d’un transfert anticipé, voulu par le directeur de l’IPP dès septembre, est impossible sur Necker « car on n’a pas de place pour les accueillir», regrette le chef de l’obstétrique, qui espère que des moyens seront débloqués pour assurer le maintien de l’IPP jusqu’en 2009.
Finalement, c’est à l’ARH d’Ile-de-France qu’il revient de débrouiller l’affaire. Mais l’agence, contactée par « le Quotidien », n’a pas souhaité répondre à nos questions.
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