La santé en librairie
A l'aube de l'été 2002, une petite douleur de l'épaule vient malencontreusement interrompre un week-end amoureux qui s'annonçait bien, petite parenthèse dans l'emploi du temps surchargé du journaliste Jean-Marc Sylvestre. La maladie, cela n'arrive qu'aux autres, c'est bien connu. On est alors désolé, on compatit tout en continuant d'aller à ses rendez-vous professionnels. Là les choses sont différentes : « C'est bizarre, la vitesse avec laquelle la douleur, la maladie et l'hôpital vous détachent de votre univers habituel. En vingt-quatre heures, j'étais parti ailleurs. »
Plus de chronique qui tienne
Energique et hyperactif, le brillant chroniqueur économique et rédacteur en chef de TF1 n'a pas l'habitude que son corps le trahisse. Ces dernières semaines, un petit accident ophtalmologique aurait pu l'alerter mais il en a peu tenu compte. Cette fois, une douleur insupportable de l'épaule le cloue au lit. Des amis médecins, et pas des moindres, le prennent en main : l'été se passera à l'hôpital, entre la Croix-Saint-Simon et Georges-Pompidou, entre une menace d'amputation du bras et une intervention cardiaque à haut risque. Tout bascule dans la vie de Jean-Marc Sylvestre, les certitudes comme les exigences.
Arthrite de l'épaule à staphylocoque d'origine nosocomiale, plaque d'athérome à l'entrée de l'aorte lui vaudront de découvrir les joies de l'antibiothérapie par voie veineuse, de la chirurgie cardiaque, du désarroi et de la douleur, de la peur et de la solitude à l'hôpital. Elles lui permettront aussi de mesurer la compétence et le dévouement des médecins, des infirmières et des aides-soignants et notre chance d'avoir, mais pour combien de temps, un système de santé remarquable, accessible à tous.
Entre confidences et analyse
Son récit raconte cette aventure, de manière parfois très intime. J.-M. Sylvestre consent par nécessité à s'abandonner aux mains expertes qui vont lui sauver la vie avec tout ce que cela implique de perte d'autonomie et de libre-arbitre. Il n'en reste pas moins journaliste et trouve là l'occasion d'une analyse objective sur le terrain. En bon économiste, il évalue à 250 000 euros son accident de santé - une belle maison de campagne, nous dit-il - et regrette à la lumière certaines de ses positions libérales antérieures. « En deux minutes, il m'était arrivé sans doute d'assassiner un directeur de l'Assistance publique, de brocarder certaines pratiques médicales, d'accuser des chirurgiens de gaspiller l'argent public. »
Notre système est remarquablement efficace d'un point de vue médical, reconnaît-il. Pourtant, les dysfonctionnements évidents qui expliquent le déficit actuel risquent de le faire purement et simplement disparaître si des réformes ne sont pas engagées : responsabilisation des patients en leur montrant que la santé a un coût, contrôle de qualité du travail médical, prise en charge distinctive des soins selon les comportements personnels à risque sont quelques-unes des voies de réflexion qu'il propose.
« Ce qui m'est arrivé ne me donne pas plus qu'à d'autres de crédibilité pour proposer un plan de réforme de la Sécurité sociale, écrit-il. Je me sens cependant autorisé à dire que beaucoup de mes amis libéraux ont tort. Ils n'attendent qu'une chose, qu'elle s'écroule cette Sécurité sociale, qu'elle disparaisse et que sur ce champ de ruines, on invite les assurances privées ou les mutuelles à prendre en charge la couverture de la totalité des risques-santé. »
Tout « Monsieur de la télévision » qu'il était, comme disait l'infirmière Zina, J.-M. Sylvestre avoue avoir eu plus d'une fois l'estomac qui se tordait « comme une serpillière ». Sa reconnaissance vis-à-vis de ceux qui l'ont soigné n'en est que plus appréciable.
« Une petite douleur à l'épaule gauche », Jean-Marc Sylvestre, Editions Ramsay, 345 pages, 20 euros.
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