LE VIRUS d'un antisémitisme massif et « mutant » infiltre la société française. On en verrait la trace en particulier dans la « désinformation » commise par les médias dans la manière de traiter les événements du Proche-Orient. Telle est selon l'auteur l'essentiel d'une nouvelle Doxa juive. Ses promoteurs : Alain Finkielkraut, Pierre-André Taguieff, Jacques Tarnero, Gilles-William Goldnagel.
Pourtant, dès le début, un étonnant oubli, l'explosion des violences antisémites des « jeunes de banlieue », comprenez les beurs. Il ne s'agit pour l'auteur que de quelques « délinquants ». Quid des enseignants qui ne peuvent plus traiter de la Shoah dans leurs cours ? Quid des agressions, injures et crachats subis de manière quotidienne par de jeunes juifs de banlieue ?
Pas forcément en banlieue d'ailleurs. On se souvient de la mésaventure encourue par un étudiant juif du très chic lycée Montaigne. Traité de « sale juif » par un « collègue » d'origine maghrébine, il finit par décider de ne plus remettre les pieds dans cet établissement à la rentrée, l'arrêté d'expulsion de son agresseur ayant été cassé. Justement, dira Guillaume Weill-Raynal, la presse a cité les conséquences, l'humiliation n'étant pas du côté « attendu » par une certaine idéologie.
Précisément l'auteur s'en prend à un autre fantasme : « la gauche qui pense » (n'est-ce pas un pléonasme ?) refuse a priori que puisse avoir tort une victime sociale, en l'occurrence un beur souvent agressé par le racisme au quotidien. Comprenez, c'est totalement faux.
Acceptera-t-il de croire un enseignant, l'auteur de ces lignes, qui a assisté des dizaines de fois à des conseils de classe où un élève beur, très perturbateur, était excusé par un « On ne va tout de même pas le saquer, quand on sait qu'il vit dans deux pièces avec une famille de six personnes ».
Parfois G. Weill-Raynal donne des verges pour se faire battre. Du 3 au 13 avril 2002, l'armée israélienne investit le camp de réfugiés de Jénine ; les Palestiniens citent des chiffres effarants pour accréditer la thèse d'un « massacre », il y aura un peu plus d'une cinquantaine de morts palestiniens, 23 du côté israélien. Or le 20 heures de France 2 diffuse le 15 avril une interview du représentant de la Croix Rouge qui ne confirme, ni n'infirme les rumeurs. Mais pourquoi a-t-on d'emblée gober la thèse du « massacre » sans faire état du moindre doute ?
De manière un peu comique, Guillaume Weill-Raynal, qui combat justement (accordons-lui cela) le soupçon d'une AFP totalement partiale, ne cesse de donner des exemples qui peuvent s'exploiter dans l'autre sens. En janvier 2002, la marine israélienne arraisonne en mer Rouge un cargo, le « Karine A », chargé d'armes destinées à l'Autorité palestinienne.
Les agences Reuters (Grande-Bretagne) et Associated Press (Etats-Unis) énoncent les faits sans commentaires. L'AFP précise que l'arraisonnement « complique la mission de Zinni », le médiateur américain de l'époque. Depuis quand un fait brut doit-il être jugé sur d'éventuelles conséquences ? Ceci est d'autant plus risible que l'auteur a passé beaucoup de temps à nous expliquer que l'AFP n'était qu'un réservoir de faits, secs comme des coups de trique, à la disposition des organes de presse.
Figurant en bonne place parmi ses bêtes noires, Pierre-André Taguieff* est durement pris à partie à cause des thèses énoncées dans « la Nouvelle Judéophobie ». Notre auteur affirme que ses démonstrations ne reposent que sur du vide. La dénonciation d'Israël ? Du vide. Pourtant la conférence de Durban identifiant le sionisme au racisme n'est pas un pur fantasme. La nazification d'Israël ? Du vide. Pourtant le pitre médiatique José Bové a vu de ses yeux des camps avec barbelés et miradors, lors d'un séjour en Israël. Etc., etc. Les hurlements de haine au moment de la guerre d'Irak, se terminant dans les pays arabes par « Mort aux USA, mort à Israël », ne sont également qu'hallucinations collectives.
La quatrième de couverture nous prévient que Guillaume Weill-Raynal « a mené avec courage et résolution cette enquête interdite ». Courait-il un risque physique ? Le même que Pascal Boniface, qui affirme qu'en critiquant Israël on mettrait sa vie en danger, alors que tous ces sujets sont débattus à longueur d'année dans mille revues. Gros fantasmes, petites ficelles...
Une chose gêne dans ce livre, et il n'y a pas de honte à regarder ce qui se donne à voir avec indécence. Guillaume Weill-Raynal ne cesse de s'en prendre à... Clément Weill-Raynal, son frère** (jumeau ?). Du coup, on se sent un peu de trop au début, et finalement contraint de quitter discrètement une pièce où vient d'éclater une dispute familiale.
Armand Colin, coll. « Intervention »,237 p., 20 euros.
* Peut-être se souvient-on que, voulant démontrer que les défenseurs d'Israël étaient tous juifs, Tariq Ramadan l'avait cité au milieu d'autres auteurs. Dérapage révélateur, P.-A. Taguieff n'est pas juif.
** Dont par exemple il dévoile le pseudonyme emprunté dans ses écrits. Pas très sympa quand même.
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