Traitement du psoriasis

Nouvelles de l'AAD

Publié le 23/03/2005
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Par le Dr Denis Jullien*

CINQ PRODUITS occupent actuellement le devant de la scène. Deux sont des modulateurs de l'action des lymphocytes T et ciblent essentiellement l'atteinte cutanée : l'alefacept (Amevive) et l'efalizumab (Raptiva). Les trois autres sont des inhibiteurs du TNF alpha, actifs sur les lésions cutanées et articulaires : l'etanercept (Enbrel), l'infliximab (Remicade) et l'adalimumab (Humira). Alors que nos collègues utilisent les trois premiers depuis déjà au moins un an, nous pourrons cette année recourir à l'etanercept et à l'efalizumab pour traiter certains de nos patients. Nos prescriptions seront limitées à des lésions cutanées modérées à sévères chez des patients ayant résisté ou ne pouvant pas ou plus utiliser la photothérapie, la ciclosporine et le méthotrexate. Il existe au moins deux raisons à ce frein : le coût de ces produits (environ 16 000 $/an aux Etats-Unis) et un nécessaire principe de précaution devant le recul encore limité des données de tolérance à moyen et à long terme pour des molécules qui, bien qu'agissant de manière spécifique et ciblée, inhibent des éléments essentiels de la réponse immune.


Efalizumab.
L'efalizumab administré par voie sous-cutanée une fois par semaine à la dose de 1 mg/kg permet en moyenne d'obtenir, après douze semaines, une réduction du score de gravité clinique Pasi ≥ 75 % (Pasi 75), chez 30 % des patients et un niveau Pasi 50 chez 55 % d'entre eux. Les résultats d'une étude évaluant le maintien de l'efficacité et la tolérance d'un traitement continu pendant trente-six mois suggèrent que la réponse clinique obtenue à cette date peut être maintenue pendant une période prolongée chez les patients répondeurs. L'accroissement progressif jusqu'au 18e mois de la proportion de sujets atteignant un niveau de réponse encore plus élevé (Pasi 90) confirme l'observation, déjà rapportée dans d'autres études plus limitées, que certains patients continuent de s'améliorer après les trois premiers mois. Durant la phase de maintenance de l'étude, il n'y a pas eu émergence de nouveaux effets secondaires ni de tendance à l'augmentation du nombre d'effets secondaires, éléments en faveur d'une bonne tolérance à long terme du produit. Les problèmes de rebond liés à l'arrêt du traitement ne sont plus d'actualité depuis que l'habitude a été prise de mettre en route un traitement dès les premiers signes de récurrence ou d'appliquer une stratégie de transition à l'arrêt de l'efalizumab. L'efficacité et la tolérance de l'efalizumab évaluées de manière rétrospective sur une cohorte de 115 patients de 65 ans et plus, comparée à une cohorte de 1 536 patients plus jeunes, semblent, malgré le manque de puissance de l'étude, en faveur de l'utilisation du produit chez des patients âgés.


Etanercept.
Une analyse intégrée des trois principales études de phase III conduites aux Etats-Unis chez 1 335 patients montre que, utilisé à la dose de 50 mg deux fois par semaine par voie sous-cutanée, l'etanercept permet d'obtenir, après douze semaines (S12) de traitement, un niveau de réponse Pasi 75 chez 48 % des patients et un niveau Pasi 50 chez 75 % d'entre eux. Les taux d'effets secondaires observés entre le groupe etanercept et le groupe placebo sont similaires. Les réactions au site d'injection sont cependant plus fréquentes avec le groupe traité (13,6 % vs 3,8 %). La dose de 25 mg deux fois par semaine, recommandée en France en première intention, permet d'obtenir à S12 des niveaux de réponse Pasi 75 et Pasi 50 chez respectivement 34 et 64 % des patients. Au-delà des douze semaines initiales, le traitement pourra être poursuivi si nécessaire pendant encore douze semaines à la plus faible dose. A S24, un niveau de réponse Pasi 75 est observé en moyenne chez 46 % des patients n'ayant reçu que la faible dose et chez 55 % de ceux ayant reçu la forte dose jusqu'à S12, puis la faible dose. Un seul cas de rebond a été rapporté après arrêt de l'etanercept dans le cadre des études cliniques (0,2 %). Sur la base d'un poster présenté à l'AAD, ces rebonds pourraient en fait être plus fréquents et s'accompagner d'une modification de la présentation clinique. Pour mémoire, le produit est déjà disponible en France pour traiter l'atteinte articulaire à la dose de 25 mg x 2/sem. II permet d'obtenir un niveau de réponse ACR 20 à S12 et S24 chez respectivement 59 et 50 % des patients.


Alefacept
Du fait essentiellement du délai nécessaire à l'apparition d'une réponse clinique de bon niveau, l'utilisation de l'alefacept a été rejetée par l'agence européenne du médicament (Emea) et n'est pour cette raison pas discutée ici.


Infliximab
IMPACT 2 est une étude de phase 3 randomisée versus placebo, conduite chez 200 patients, évaluant, dans le psoriasis articulaire et cutané, l'infliximab administré sous forme d'une perfusion IV à la dose de 5 mg/kg aux semaines S0, S2, S6, S22 et S24. Les données d'efficacité sur l'atteinte cutanée de cette étude montraient que, à S14, 63,9 % des patients avaient une réponse Pasi 75, et que, à S24, la proportion était de 60,2 %. L'efficacité articulaire évaluée sur le pourcentage de patients atteignant le niveau de réponse ACR 20 était, aux mêmes dates, respectivement de 58 et 54 %. Une analyse détaillée de la réponse clinique cutanée a montré qu'il ne semblait pas exister de variabilité de la réponse cutanée au traitement en fonction de la sévérité de l'atteinte. A S24, les taux d'effets secondaires étaient similaires dans les deux groupes. Il n'y avait notamment pas de différence entre les taux d'effets secondaires sévères et les infections dans les deux groupes. Le principal effet secondaire biologique était une augmentation des transaminases.


Adalimumab
Une étude de phase III a évalué l'adalimumab chez 313 patients ayant un rhumatisme psoriasique résistant aux Ains et présentant par ailleurs une atteinte cutanée. Le groupe traité recevaient l'adalimumab 40 mg toutes les deux semaines pendant 24 semaines par voie sous-cutanée. A la 12e semaine, le pourcentage de patients obtenant un niveau de réponse Pasi 50 et Pasi 75 était respectivement de 72 et 49 %. A S24, ces mêmes valeurs atteignaient respectivement 75 et 59 %. Du point de vu de la réponse articulaire, à S12, 58 % des patients atteignaient le niveau de réponse ACR 20 et cette proportion se maintenait à S24. Pendant cette étude limitée, l'incidence des effets secondaires ne différait pas entre le groupe traité et le groupe placebo et aucun effet secondaire sévère n'a été observé. Comme cela a été signalé avec la majorité des anti-TNF alpha, une élévation des transaminases était plus fréquemment observée dans le groupe traité. Une douleur au site d'injection était rapportée dans plus de 5 % des cas, mais s'observait également dans le groupe placebo.
Bien que ces données soient encore très imprécises, il semblerait que, compte tenu d'un taux d'incidence plus élevé des lymphomes chez les patients psoriasiques, l'incidence observée au cours des essais chez les patients traités par anti-TNF alpha ne soit pas supérieure à celle attendue dans cette population. Le problème lié à l'éventuelle augmentation d'incidence des lymphomes chez les patients psoriasiques traités par anti-TNF alpha n'est cependant pas tranché.

* Hôpital Edouard-Herriot, Lyon.

JULLIEN Denis

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7715