JOURNEES FRANCOPHONES DE PATHOLOGIE DIGESTIVE
Paris- 2-6 avril 2005
THEORIQUEMENT, les tumeurs bénignes et les cancers superficiels du tube digestif sont des pathologies candidates au traitement par voie endoscopique. En effet, elles proviennent de la muqueuse digestive et se développent dans la lumière. Les limites de cette approche thérapeutique sont de deux ordres, technique et carcinologique.
Sur le plan technique, les limites de l'endoscopie sont liées à des difficultés d'accès à la tumeur, à l'étendue des lésions et à leur aspect endoscopique. En effet, certaines lésions sont d'un accès difficile, même si cette éventualité est assez rare. Il s'agit des lésions situées derrière une angulation du côlon, ou de certaines lésions duodénales. Plus habituellement, c'est l'étendue des lésions qui constitue une limite au traitement endoscopique. Certaines sont très larges, et l'opérateur ne peut en assurer la résection que par fragments, donc avec le risque que cette résection soit incomplète. Surtout, la résection de certaines lésions peut entraîner l'apparition de sténoses secondaires, tout particulièrement au niveau de l'oesophage. Les lésions circonférentielles oesophagiennes constituent encore pour certains une contre-indication au traitement endoscopique. Enfin, le caractère déprimé d'une lésion, même si cela ne correspond pas à un carcinome invasif, peut rendre très difficile la résection de la partie centrale de la lésion.
Respecter la frontière carcinologique.
Il existe donc un certain nombre de cas, pour lesquels pour des raisons techniques, l'opérateur doit renoncer à mettre en œuvre ou à poursuivre le traitement endoscopique pour ne pas prendre de risque de perforation ou de sténose secondaire, et doit opter pour un geste chirurgical.
La frontière entre traitement endoscopique et traitement chirurgical peut aussi être de nature carcinologique. Une résection endoscopique peut être techniquement facile et complète, mais il se peut que, sur la pièce de résection endoscopique, l'envahissement pariétal carcinomateux soit tel qu'il y ait un risque élevé d'envahissement ganglionnaire sous-jacent. Dans ce cas, le traitement chirurgical est indispensable pour les patients opérables.
Cette notion souligne l'intérêt de l'examen histologique de la pièce d'exérèse endoscopique et donc l'intérêt des méthodes endoscopiques de résection par rapport aux méthodes endoscopiques de destruction. L'examen de la pièce d'exérèse permet de savoir si le traitement endoscopique est suffisant. Deux critères cumulatifs sont nécessaires. Il faut que l'exérèse endoscopique soit complète latéralement et en profondeur, avec une marge de sécurité, et il faut que l'envahissement pariétal carcinomateux ne fasse pas craindre un envahissement ganglionnaire significatif. Si l'un de ces deux critères n'est pas obtenu, la résection endoscopique ne peut être considérée comme suffisante et elle doit être complétée par un acte chirurgical.
Des progrès techniques.
Les progrès dans les techniques de résection endoscopique des tumeurs bénignes et des cancers superficiels ont rendu possible l'abandon des techniques de destruction, en particulier par le laser, technique avec laquelle l'examen histologique de la pièce d'exérèse n'était évidemment pas possible.
Quelques progrès techniques simples ont permis le développement de la résection muqueuse endoscopique (ou mucosectomie). Il s'agit de l'injection de sérum physiologique entre la muqueuse et la musculaire, ce qui a pour effet de décoller la couche muqueuse (à enlever) de la couche musculaire profonde, et/ou de l'aspiration de la muqueuse par différents moyens, et/ou l'emploi d'endoscopes à double canal opérateur, l'un étant utilisé pour la préhension et l'autre pour la résection, et/ou emploi d'anse de section de formes variables.
Très récemment est même apparu le concept de dissection muqueuse, technique qui consiste à disséquer pas à pas la couche muqueuse de la couche musculaire.
La frontière carcinologique repose uniquement sur le risque d'envahissement ganglionnaire. En cas de carcinome, il est donc impératif d'effectuer une recherche de métastases ganglionnaires par échoendoscopie avant la résection endoscopique et, si cette recherche est négative, de déterminer le degré d'envahissement pariétal par le cancer, celui-ci étant corrélé au risque de micrométastases ganglionnaires. La zone frontière est grossièrement la couche musculaire muqueuse, couche qui sépare la muqueuse de la sous-muqueuse.
Au niveau oesophagien, le traitement endoscopique est considéré comme suffisant si la musculaire muqueuse n'est pas franchie. Au niveau gastrique, si la musculaire muqueuse est approchée, l'envahissement de la lamina propria de la muqueuse signale déjà un risque d'envahissement ganglionnaire et doit faire discuter la résection chirurgicale. Au niveau colo-rectal, enfin, comme pour l'oesophage, l'envahissement de la sous-muqueuse doit conduire à considérer que le seul traitement endoscopique n'est pas suffisant.
Il est évident que l'absence de section profonde en zone saine est aussi un élément qui doit conduire à ne pas se contenter du seul traitement endoscopique.
Selon l'organe et l'état du patient, si la frontière carcinologique est dépassée, la résection chirurgicale ou la radiochimiothérapie sont indiquées.
L'échoendoscopie minisonde à haute fréquence.
Comment savoir avant l'analyse de la pièce et donc avant la résection, si celle-ci est carcinologiquement raisonnable ? Nous disposons pour cela de l'échoendoscopie minisonde à haute fréquence, qui permet théoriquement de bien visualiser la musculaire muqueuse. Toutefois, cet examen s'accompagne d'erreurs par excès et sa valeur est relative : ce n'est vraiment que si la couche sous-muqueuse est amincie ou a disparu que l'échoendoscopie permet de poser une contre-indication à la résection endoscopique. Les opérateurs entraînés peuvent aussi fonder leur conviction sur l'aspect macroscopique de la lésion, les tumeurs déprimées ou ulcérées étant le plus à risque d'envahissement profond. Les opérateurs peuvent également rechercher le « signe du soulèvement » qui témoigne de l'absence d'envahissement profond de la sous-muqueuse.
Enfin, il faut évoquer le cas particulier des polypes pédiculés dégénérés du côlon et du rectum. Se contenter de la résection endoscopique obéit à des règles carcinologiques très précises. Trois critères doivent être impérativement respectés. Le premier est l'existence d'une marge saine d'au moins deux millimètres entre la lésion néoplasique et le plan de coupe. Le deuxième critère est la différenciation tumorale. Le troisième critère, enfin, est l'absence d'embole lymphatique ou vasculaire dans le pied du polype.
Ainsi, la pratique de la résection endoscopique des tumeurs bénignes et des cancers superficiels du tube digestif suppose le respect de règles précises. Cela permet de ne pas faire courir au patient un risque carcinologique et de savoir proposer une résection chirurgicale. D'autre part, les règles permettent de savoir prendre les risques calculés de l'endoscopie afin d'éviter ceux d'une chirurgie relativement lourde, en particulier au niveau oesophagien. Enfin, l'information du patient est un élément essentiel de la décision. Le patient doit avoir compris les enjeux : risque carcinologique versus risque du geste.
D'après un entretien avec le Pr Thierry Ponchon, hôpital Edouard-Herriot, Lyon.
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