UNE JAPONAISE, qui avait entendu la voix de la Vierge Marie lui intimant l'ordre d'aller se recueillir à Notre-Dame de Paris, retrouvée dans un état confus dans les travées de la cathédrale. Un Belge errant dans les rues de Paris après avoir quitté son pays, persuadé d'y être espionné et poursuivi par le KGB. Un touriste allemand qui tente de se jeter dans la Seine sans raison apparente.
Délire, sidération, confusion ou tentative de suicide : une cinquantaine de patients de ce type, pour la plupart étrangers, se retrouvent chaque année aux urgences de l'Hôtel-Dieu en plein cœur du Paris historique et touristique. Ils tiennent des propos incohérents ou divaguent sur la voie publique et ont été amenés par les pompiers ou la police. C'est le Dr Youssef Mahmoudia, psychiatre à l'Hôtel-Dieu, qui les prend en charge. « Quand un touriste de province ou de l'étranger arrive aux urgences dans un état délirant ou confus, la première conduite à tenir est d'établir un bilan médical comme pour n'importe quel patient, d'autant qu'on ne connaît rien de ses antécédents », souligne le psychiatre. L'équipe cherche alors à poser un diagnostic différentiel par un bilan biologique (pour vérifier notamment la prise de toxique) et radiologique. Entre temps, un traducteur est appelé si le patient ne parle pas français.
Décompensation.
Ensuite, il faut distinguer les voyages dits pathologiques des errances chez des handicapés mentaux ou des déments. Pour le Dr Mahmoudia, ce n'est pas le voyage qui a rendu ces touristes « fous ». Ces troubles peuvent avoir deux origines bien distinctes. Dans les deux premiers cas cités, il s'agit d'un épisode psychotique aigu avec un phénomène délirant sur une thématique messianique ou de persécution. « Dans un processus schizophrénique, par exemple, le voyage est l'éclosion du délire mais le sujet est dans l'agir », précise le Dr Mahmoudia. A l'inverse, dans le troisième cas, le sujet ne sait pas qu'il est malade et personne ne s'en est aperçu dans son entourage. Une dépression masquée par une impression de fatigue et de surmenage, l'entourage qui conseille de « prendre des vacances » et le sujet vulnérable décompense au moment de ce voyage. Cette réaction est favorisée par le fait qu'il se trouve dans un milieu inconnu, angoissant pour lui. « Il s'agit dans ce cas d'un symptôme révélateur de la maladie qu'on n'avait pas su déceler auparavant », analyse le Dr Mahmoudia. Dans la majorité des cas, tous ces voyageurs sont partis seuls. Si leur état le nécessite (tentative de suicide ou hétéro-agressivité), ils sont transférés au centre psychiatrique d'orientation et d'admission de Sainte-Anne (Cpoa), qui est habilité à sectoriser provisoirement des patients qui habitent en province ou à l'étranger.
En revanche, ce qu'on appelle le « syndrome de Stendhal », décrit par la psychiatre florentine Graziella Magherini en 1990, ne recouvre pas du tout les mêmes réalités. Cette forte charge émotionnelle liée à un choc esthétique, comme ce fut le cas pour Stendhal après sa visite à l'église Santa Croce, disparaît rapidement et de manière spontanée.
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