LA PHOTO n’en finit pas de séduire les collectionneurs et de faire de l’œil aux amateurs. « La demande est forte et l’offre pléthorique », ainsi que le souligne l’article du 2 novembre du site Internet artprice, le leader mondial de l’information sur le marché de l’art, qui ajoute que « le produit des ventes de photos a été multiplié par près de 1 300 % depuis la fin des années 1990 ! »
« La recette du succès photographique tient en plusieurs points : les signatures phares de la photographie sont généralement plus abordables que les stars de la peinture contemporaine, la photographie est aisée à stocker et se trouve totalement en phase avec l’esprit du temps et son culte de l’image », explique encore artprice.
C’est dans ce contexte de fort engouement pour l’image que se tiennent le salon Paris Photo et le Mois de la Photographie à Paris. Ces deux événements font de la capitale le pouls du marché de la photographie en France.
* Paris Photo
Cette année, le grand rendez-vous des amateurs d’images sous toutes ses formes accueille des artistes originaires d’Europe centrale : la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie sont les invitées du salon. Parmi les 106 exposants de Paris Photo (91 galeries et 15 éditeurs), on pourra savourer les œuvres des grands maîtres de l’objectif : celles des Hongrois László Moholy-Nagy, André Kertész et Brassaï (pionniers de la modernité en photo et du pictorialisme, ce mouvement fondé sur les sensations), mais aussi celles des avant-gardes tchèques, avec la « trinité » Josef Sudek, Jarumír Funke et Frantisek Drtikol, ou encore les créations des photographes de l’Agence Magnum, Josef Koudelka, Robert Capa et David Seymour. De nombreux clichés de la période surréaliste sont offerts à notre regard, ainsi qu’une foule de tirages de l’entre-deux-guerres, période bénie où les artistes laissaient libre cours à toutes les hardiesses, les expérimentations et les prouesses techniques…
L’histoire de la photo dans ces pays slaves et en Hongrie est fortement liée à l’Histoire en général, c’est-à-dire aux années où le communisme triomphait. L’un des intérêts que présente Paris Photo est de nous renvoyer à ce contexte qui donne tout son sens particulier au travail des photographes à cette époque, et tout son sens également à l’explosion de l’image au lendemain de cette période, c’est-à-dire après 1989, notamment en Pologne et en Slovénie.
La photo contemporaine « est en train de se faire » depuis quelques années seulement dans certains de ces pays, alors qu’elle se développe déjà depuis plusieurs décennies en France. C’est donc, aux côtés des photographes historiques, une nouvelle génération dynamique qui est également mise à l’honneur. Les jeunes artistes travaillent sur la mémoire, ne cessent d’interroger le passé, faisant souvent référence à la chute du communisme et aux dictatures vécues par leurs aînés. Leurs travaux sont volontiers grinçants et cyniques (comme ceux du Polonais Zbigniew Libera, de la Hongroise Anna Fabricius, de la Slovaque Lucia Stránaiová…), parfois désespérés, mélancoliques et teintés d’humour.
Le point commun à tous ces faiseurs d’images réside dans la rigueur technique et parfois la maturité dont ils font preuve. Leurs thèmes de prédilection se rapportent aux paysages, aux portraits, à la représentation du corps…
* Le Mois de la photo à Paris
Depuis 1980, date de sa création, le Mois de la Photo a fortement contribué à introduire l’image dans les institutions et à faire de Paris l’une des grandes capitales de la photo. Tous les deux ans, au mois de novembre, ce festival fédère des musées, des galeries et autres centres d’art qui offrent une programmation exigeante et variée autour de la photo. Des projections, rencontres et débats d’un grand intérêt sont également organisés dans le cadre de l’événement. Voici, parmi la foule de manifestations proposées, une sélection des expositions du Mois de la Photo à ne pas manquer. Renseignements : Maison européenne de la photographie. Tél. 01.44.78.75.26, www.mep-fr.org.
– Sally Mann
La photographe américaine, née à Lexington en 1951, expose à la galerie Karsten Greve ses paysages familiers du sud profond des Etats-Unis. La technique de Sally Mann (les imperfections provoquées par le procédé du négatif au collodion humide) confère à ses photos un aspect proche de la peinture. Ses images plus récentes témoignent d’une réflexion profonde et méditative sur la vie et la mort, et sur le corps humain. Galerie Karsten Greve (3e). Jusqu’au 11 décembre.
– « Mario Giacomelli. La matière de l’homme »
Avec patience et ferveur, Mario Giacomelli (1925-2000) a promené son objectif au cœur de sa terre natale, les Marches italiennes. Il a observé les paysans dans leurs tâches quotidiennes, les scènes de village et les terres labourées, mais aussi les manifestations de la pauvreté et de la misère, comme dans sa série consacrée aux vieillards d’un hospice, dont le photographe, attendri et compatissant, a fixé à jamais les visages. Son art est unique. Ses contrastes sont magiques. Une œuvre superbe, tragique et onirique, qui confine souvent à des dimensions métaphysiques. Institut culturel italien (7e). Jusqu’au 5 janvier.
– Le MAHJ collectionne la photographie
Les collections du musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, dont la création remonte à un peu plus de dix ans, recèlent des trésors de photos, depuis les origines jusqu’à nos jours. Une sélection de ce fonds photographique de grande qualité nous est proposée actuellement, autour du thème du portrait. Avec les œuvres de Didier Ben Loulou, Nadar, Patrick Zachmann, Robert Capa ou encore Nathan Lerner… Musée d’art et d’histoire du judaïsme (3e). Jusqu’au 23 janvier.
– « Sous le ciel » de Giorgia Fiorio
La photographe Giorgia Fiorio témoigne du grand « mystère de l’existence ». Dans son cheminement méditatif habité par le souffle de la foi, elle observe la grandeur du paysage, en l’occurrence celui des montagnes aux frontières nord de l’Italie. Ses photos noir et blanc de sommets enneigés sont une ode somptueuse à l’immensité cosmique. Galerie Sit Down (3e). Jusqu’au 15 janvier.
– Portraits d’écrivains de 1850 à nos jours
Les 200 œuvres, choisies parmi les collections de la Maison de Victor Hugo et celles de Roger-Viollet et de la Maison européenne de la photographie, sont des portraits d’écrivains de tous les siècles (une centaine), immortalisés par les plus grands photographes. Ainsi Boris Lipnitzki fait-t-il prendre la pose à André Breton, Nadar à Victor Hugo, Édouard Boubat à Marguerite Duras, etc. Maison de Victor Hugo (4e). Jusqu’au 20 février.
– Harry Callahan
Les œuvres noir et blanc d’Harry Callahan (1912-1999), photographe américain autodidacte, sont imprégnées de nostalgie. L’artiste promena son objectif au gré des villes dans lesquelles il vécut (Detroit, Chicago et Providence), au cœur de sa famille (sa femme Eleanor et leur fille Barbara), et dans la nature (paysages de Cape Cod, reflets de soleil dans l’eau…). Un photographe de l’intime et de l’intuition. Fondation Henri Cartier-Bresson (14e). Jusqu’au 19 décembre.
– Rodolphe von Gombergh
Rodolphe von Gombergh à la fois radiologue et plasticien, est une personnalité singulière (« le Quotidien » du 9 novembre). Ses photos holographiques, ses vidéos et ses autostéréoscopies inspirées des techniques utilisées dans le domaine de l’imagerie médicale, révèlent comme par magie la beauté de l’intérieur du corps, grâce aux ultrasons, aux ondes électromagnétiques et aux rayons X. Un savant et subtil mélange d’informatique, d’anatomie et d’art. Maison européenne de la photographie (4e). Jusqu’au 5 décembre.
– Steidl. Quand la photographie devient livre
La Monnaie de Paris rend hommage à Gerhard Steidl, fondateur en 1972 de la maison d’édition et de l’imprimerie éponymes, et qui a contribué à la diffusion du travail des grands photographes d’hier et d’aujourd’hui (de Robert Frank à Karl Lagerfeld, en passant par Josef Koudelka) à travers des ouvrages remarquables. La foisonnante imagination de ce « montreur d’images » est illustrée ici, ainsi que sa grande créativité nourrie par la passion et l’audace. Monnaie de Paris (6e). Jusqu’au 19 décembre
– « Anonymes. L’Amérique sans nom : photographie et cinéma »
Le BAL est un nouveau lieu parisien dédié à l’image-document, qui a ouvert ses portes en septembre dernier, près de la place de Clichy. L’exposition inaugurale qui s’y tient actuellement est dédiée aux artistes photographes et cinéastes ayant interrogé la notion d’anonymat. On y trouve entre autres curiosités les images de Walker Evans et Jeff Wall, mais aussi les photos méconnues en Europe d’Anthony Hernandez ou les œuvres de Standish Lawder, cinéaste expérimental. Le Bal (18e). Jusqu’au 19 décembre.
- Saul Leiter
Artiste éminemment sensible, Saul Leiter (né à Pittsburgh en 1923) traduit avec une exceptionnelle délicatesse la vie de Manhattan, dans ses photos en couleurs. Leiter transcrit ses sensations dans une sorte de brouillard à la fois impressionniste et abstrait. Sa technique est onirique. L’atmosphère de ses photos est irréelle et flottante. Elles sont exposées ici en parallèle à ses peintures, et forment un beau dialogue. Galerie Camera Obscura (14e). Jusqu’au 23 décembre
- Massimo Vitali
L’Italien Massimo Vitali (né en 1944) s’est rendu célèbre pour ses séries de plages qu’il photographie à travers le monde. Dans ces grands panoramas aux couleurs acidulées (les derniers ont été pris en Sicile, en Turquie et en Autriche, à St Wolfgang Lake), les silhouettes semblent découpées au cordeau, comme si elles étaient en relief. La lumière est parfois aveuglante. La technique de Vitali est très singulière. Il se fait le témoin amusé des « comportements humains » de vacanciers en plein farniente. Galerie du jour Agnès B. (3e). Jusqu’au 23 décembre.
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