L’expérience la plus marquante de ce généraliste installé depuis vingt-cinq ans en solo au rez-de-chaussée d’une barre d’immeubles HLM de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine) ? « J’ai été braqué une fois avec un revolver. » Un temps d’arrêt puis : « mais en même temps, je vous rassure, ce n’est pas quelque chose de quotidien », sourirait presque le Dr Thierry Mazars.
Non, son quotidien, ce médecin de famille de la cité l’a vu évoluer au fil du temps. « Au début, les fractures du cabinet étaient plutôt liées aux toxicomanes qu’on suivait, à la recherche de Subutex ». Ensuite, sans être cambriolé pour autant, le jeune généraliste doit attendre que les dealers qui trafiquaient dans le quartier l’aient bien identifié comme « le médecin qui va chez les gens, parfois chez eux d’ailleurs? ».
« Bon, ensuite, j’ai eu des périodes de ras-le-bol, après deux ou trois cambriolages d’affilée », reconnaît le praticien, qui se décide à « sécuriser son cabinet » : rideau de fer, volets aux fenêtres…
«Depuis trois ans, j’ai une paix royale. Il n’y a pas besoin d’être Rambo pour s’installer en banlieue », assure-t-il. Le généraliste y a un rôle médical et social, d’autant plus que les habitants du quartier sont eux aussi les victimes de ces actes de violence le plus souvent commis par des personnes qui n’habitent pas la cité... » Même si, se souvient le Dr Mazars, « on a éclaté de rire avec le confrère après notre visite au commissariat suite à une tentative de vol, en se rendant compte que la majorité des photos que les policiers nous présentaient comme des suspects potentiels faisaient partie de notre patientèle ».
Inquiet pour « la relève »
Le praticien reconnaît ne pas avoir « vraiment d’avis » sur les mesures que devraient présenter les pouvoirs publics pour sécuriser l’exercice des médecins dans les zones sensibles. « Quand j’étais gosse, le flic était quelqu’un avec un képi qui nous faisait traverser la rue. Mais aujourd’hui la police ne se déplace plus beaucoup dans nos quartiers. » À tel point que ses fonctionnaires semblent ne pas connaître pas les visages qui y habitent. Ce qui peut renforcer les liens qu’entretient le médecin avec ses voisins de cabinet. « Il y a peu de temps, je me suis fait plaquer contre le mur par des agents de la BAC (Brigade anti-criminalité) qui voulaient vérifier mon identité. Succès assuré auprès des gamins de 15-20 ans qui assistaient à la scène. »
Mais, plus sérieusement, comme son confrère de Vénissieux, le Dr Mazars s’inquiète de « la relève ». Il faut expliquer qu’on peut exercer en banlieue, que notre travail y est riche et essentiel. Son appel semble avoir été entendu, le Dr Mazars devrait être prochainement rejoint par une jeune consœur.
« Il y a des choses qu’on apprend pour désamorcer une situation potentiellement conflictuelle. L’erreur, par exemple lorsqu’on nous parle mal, c’est de vouloir répondre sur le même ton. » Escalade garantie. « On se retrouve dans le contexte d’affrontement qu’ils connaissent bien. Sortir de ce bras de fer, expliquer qui on est, ce qu’on fait, ouvre à terme beaucoup de portes », conclut le médecin généraliste de Villeneuve-
la-Garenne qui ne voit qu’un « unique cas de figure où il se verrait exercer sous protection policière directe : si on nous oblige à reprendre nos tours de garde que nous n’assurons plus depuis la grève de 2001... »
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