« M. Henri Bérenger vient de faire dans la “Revue des revues ” un exposé de la situation sociale des intellectuels sans fortune. Ces malheureux ont voulu s’affranchir par les professions dites libérales et elles les ont contraints à la plus pénible servitude ; ils sont restés des prolétaires comme les autres, avec cette différence qu’ils sentent davantage l’instabilité de leur situation et peuvent philosopher congrûment sur cette situation.
Si nous prenons en première ligne les médecins qu’on est généralement tenté de considérer comme des gens “ calés ”, sûrs de leur présent et de leur avenir, nous remarquerons, d’après les propres données de M. Brouardel qu’il y a en France de 12 à 13 000 médecins, dont 2 500 pour Paris seulement. Sur ces 2 500 Parisiens, 5 à 6 gagnent 200 000 à 300 000 francs par an, 10 à 15 de 100 à 150 000, une centaine de 40 000 à 60 000 francs, 300 de 15 000 à 30 000 et 800 de 8 000 à 15 000 francs. Les 1 200 autres gagnent moins de 8 000 francs, ce qui ne veut pas dire qu’ils gagnent tous de 6 à 7 000…
Que deviennent ceux qui n’arrivent même pas à la moitié de cette somme ? Beaucoup, dit M. Bérenger, se font rabatteurs de grands médecins, d’autres pourvoyeurs de polycliniques plus ou moins bonnes ; d’autres s’associent à des pharmaciens pour écouler des spécialités souvent inutiles ; d’autres encore se spécialisent dans l’étude des maladies secrètes.
Quant à la province, M. Bérenger ne traite pas mieux les praticiens : “ Sur 10 000 médecins, 5 000 au plus gagnent convenablement leur vie ; les 5 000 autres ne sont pourtant pas des prolétaires comme leurs confrères pauvres de Paris. Ceux qui ne gagnent pas leur vie se rabattent sur le mariage, les moins favorisés se jettent dans la politique et finissent quelquefois par échouer à la Chambre ”.
Et l’impitoyable statisticien conclut : “ Les universités fournissent environ 1 200 médecins par an. La durée d’exercice pouvant être en moyenne de 20 à 25 ans, il en résulte qu’il y a une surproduction du double pour chaque année, puisque 6 à 700 places seulement deviennent vacantes ”.
Malheureusement, il y a beaucoup de vrai dans tout cela. »
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