« LE PARCOURS médical des femmes souffrant d'algies périnéales chroniques est le plus souvent complexe : elles peuvent avoir recours à des rhumatologues, colo-proctologues, algologues, neurologues, neurochirurgiens, voire orthopédistes. Pourtant, lorsque ces douleurs surviennent dans des circonstances particulières - en position assise et disparaissant la nuit -, elles sont généralement en rapport avec une compression du nerf pudendal », analyse le Pr Roger Robert (CHU Nantes). Ces douleurs peuvent aussi se matérialiser dans les suites d'un accouchement si la femme présente un terrain anatomique favorisant.
Deux zones de compression.
Le nerf pudendal peut être comprimé en deux zones particulières. D'une part, en raison d'un épaississement ligamentaire, au niveau de la pince ligamentaire entre le ligament sacro-tubéral dorsalement et le ligament sacro-épineux ventralement (région glutéale au niveau de rétrocroisement du ligament sacro-épineux). D'autre part, dans la région du canal d'Alcock, en raison d'un épaississement du fascia du nerf muscle obturateur interne. En positon assise, la graisse de l'espace ischio-anal, qui occupe tout le périnée postérieur, ascensionne et soulève le nerf pudendal qui entre en conflit soit avec la pince ligamentaire, soit avec le fascia du muscle obturateur interne.
« On peut souffrir d'une névralgie du nerf pudendalà tout âge, et certains hommes sont même concernés par cette pathologie. Cliniquement, les personnes atteintes présentent des douleurs périnéales (anales, uro-génitales uni- ou bilatérales) en positon assise. Elles sont décrites, comme c'est le cas de toutes les douleurs neuropathiques, comme des brûlures, une pesanteur, voire une sensation de corps étranger. En positon debout ou couchée, les douleurs cessent totalement, du moins au début de la pathologie. Parfois, ces douleurs sont associées à un trouble moteur(pollakiuries), mais les problèmes sphinctériens restent rares », continue le Pr Robert. Le diagnostic est orienté par la description sémiologique, et l'examen neurologique est strictement normal.
Le traitement d'une douleur neuropathique.
Une fois le diagnostic posé, il est habituel de proposer le même type de traitement que celui utilisé pour les douleurs neuropathiques (anticomitiaux, Neurontin, par exemple, ou antidépresseurs). La morphine n'est dotée d'aucune action sur ce type de douleurs. « Le traitement médicamenteux n'est pas toujours efficace et parfois mal toléré, ce qui conduit à pratiquer des explorations complémentaires », ajoute le Pr Robert.
L'électromyogramme permet de rechercher une augmentation de la latence motrice distale du nerf pudendal au niveau des muscles périnéaux superficiels uro-génitaux (si cette valeur est supérieure à 5 ms, c'est le signe d'une souffrance du nerf). Dans un second temps, sous scanner, il est possible d'effectuer une infiltration (anesthésique local et corticoïde), geste doté d'une valeur à la fois diagnostique et thérapeutique. L'infiltration est effectuée au niveau des deux zones possibles de conflit : la pince ligamentaire et le canal d'Alcock. Elle permet une amélioration immédiate de la douleur, du fait de l'action de l'anesthésique local, et à distance, puisque les corticoïdes font effet au bout de trois semaines. « Le nombre d'infiltrations possible est limité à deux ou trois, et on estime que 50 % des malades environ sont guéris avec ce geste. Si la patiente n'est pas améliorée par l'infiltration ou si la symptomatologie se reproduit, il est possible de proposer une intervention chirurgicale : effectuée par voie transfessière, elle consiste en une incision de 5 à 6 cm dans les fibres du grand fessier qui permet une résection du ligament sacrotubéral et sacro-épineux et la libération du nerf dans le canal d'Alcock.
Avec un recul de plus de dix ans et de près de 1 500 patientes, le Pr Robert estime que plus de 65 % des sujets sont améliorés ou guéris par la chirurgie.
D'après un entretien avec le Pr Roger Robert, CHU Nantes.
Analyse anatomique
Le nerf pudendal, ou honteux interne, naît à la face ventrale du sacrum, à partir des racines S3 et, plus accessoirement, S2 et S4. Il sort de l'espace présacré, pour se placer sous le muscle piriforme, contourne le ligament sacro-épineux peu avant son insertion distale sur l'épine sciatique, rétrocroise ce ligament entouré de son paquet vasculaire, puis replonge par la petite ouverture sciatique dans la zone périnéale. Il se place alors sous le plan du Levator ani et chemine dans un dédoublement de l'aponévrose de l'obturateur interne (ou canal d'Alcock). C'est au travers de cette aponévrose qu'il abandonne ses branches à destinée anale, périnéale motrice et périnéale sensitive. Le nerf pudendal est doté d'une fonction sensitive pour la région périnéale, urogénitale et anale : grandes lèvres, clitoris, peau située entre la vulve et l'anus, et la région de la marge anale. Il est aussi doté d'une fonction motrice pour les muscles érecteurs (ischio-caverneux et bulbo-spongieux), et il prend en charge le sphincter strié de l'anus et, partiellement, de l'urètre.
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