LA COIFFE des rotateurs est indispensable pour que l'épaule soit mobile, forte et n'évolue pas vers une arthrose gléno-humérale excentrée.
En effet, la coiffe assure le centrage passif et actif de la tête humérale sur la glène et participe à la mobilisation active de l'épaule.
Clinique et anatomie
Le subscapulaire et l'infraépineux sont les centreurs principaux. Ils sont en particulier de puissants abaisseurs de la tête humérale qui transforment le mouvement d'ascension de l'humérus imposé par la contraction du deltoïde en mouvement d'élévation et évitent l'agression du supraépineux par l'acromion. Par ailleurs, l'infraépineux aidé par le terres minor donne la rotation externe active de l'épaule qui est nécessaire pour effectuer de nombreux gestes de la vie courante.
Les ruptures des tendons de la coiffe, contrairement aux ruptures tendineuses en général, sont douloureuses. Les douleurs sont sans doute dues aux accrochages du moignon du supraépineux et du subscapulaire rompus sur l'arche acromio-coracoïdienne et de la longue portion anormale du biceps dans la coulisse bicipitale.
Dans les ruptures isolées du supraépineux, la douleur explique l'impotence fonctionnelle. Dans les ruptures de l'infraépineux et du subscapulaire, l'impotence est aussi due à la perte de la fonction de la coiffe. On peut donc penser que les ruptures de l'infraépineux et du subscapulaire doivent être réparées.
Ruptures de coiffe et chirurgie : les réparations.
Les sutures tendineuses reconstruisent une coiffe anatomique. Malheureusement, le pourcentage de ruptures itératives est élevé.
Elles sont de deux origines. La première est musculaire. C'est la perte de la fonction des muscles qui entraîne l'atrophie des fibres musculaires devenues inactives après la rupture tendineuse. L'atrophie musculaire s'apprécie indirectement au scanner ou à l'IRM par l'importance des dépôts graisseux qui comblent les espaces laissés libres par elle. Plus la rupture est ancienne, plus les dépôts graisseux sont importants. Lorsque les dépôts graisseux sont aussi importants que le muscle (fig. 1), la fonction du muscle devient faible. Une telle « dégénérescence » graisseuse (DG) sur un infraépineux ou un subscapulaire empêche la coiffe suturée, de retrouver sa fonction et en particulier sa fonction abaissante qui protége le supraépineux. La deuxième origine des ruptures itératives est tendineuse. Les moignons tendineux rompus ont des lésions histologiques dégénératives qui diminuent leur qualité mécanique. Ces lésions s'étendent sur presque toute ou toute l'étendue des lésions macroscopiques des moignons tendineux. Réséquer les moignons tendineux macroscopiquement anormaux avant la suture est une nécessité.
Si les moignons tendineux suturés ont été suffisamment réséqués, si les sutures ont été faites sans tension, parfois grâce à des artifices techniques comme l'avancement musculo-tendineux, le pourcentage de ruptures itératives, quel que soit le nombre de tendons rompus réparés, est de 5 % lorsque la DG globale préopératoire des muscles de la coiffe (IDG) est faible. Plus la DG préopératoire est importante, plus le risque de ruptures itérative est grand. Lorsque les coiffes ont été réparées avec succès, la fonction et la force de l'épaule dépendent de l'importance de l'IDG préopératoire. Avec le recul, fonction et force s'améliorent. La dégradation arthrosique est nulle ou minime (fig. 2). Lorsqu'une rupture itérative est apparue, les douleurs et la fonction sont améliorées, mais la force reste faible. Une dégradation fonctionnelle et une arthrose excentrée apparaissent secondairement (fig. 3).
Les réparations par lambeaux locorégionaux (deltoïdien, de grand dorsal, de trapèze supérieur et de grand pectoral) comblent la brèche tendineuse sans reconstituer une coiffe anatomique. Ils améliorent la fonction essentiellement par l'indolence qu'ils procurent. Leur action mécanique n'est pas certaine : la force est peu améliorée et ils ne protègent pas toujours de l'arthrose excentrée.
Tous les gestes de réparation imposent une rééducation prolongée effectuée pendant le mois et demi postopératoire en centre spécialisé. Elle est poursuivie pendant plusieurs mois par une rééducation personnelle.
Les gestes non réparateurs.
La régularisation des moignons tendineux rompus, la résection de la longue portion du biceps, l' élargissement de l'espace sous acromial par acromioplastie permettent d'obtenir l'antalgie en éliminant les conflits tendineux douloureux. La fonction dépend de la DG des muscles dont les tendons restent encore insérés sur l'humérus. Les résultats fonctionnels et radiologiques sont équivalents, à rupture tendineuse égale, à ceux donnés par les ruptures itératives.
Les gestes non réparateurs, effectués le plus souvent sous arthroscopie, ont des suites opératoires simples. Le plus souvent la rééducation est faite à domicile.
Les indications de la chirurgie.
On ne peut espérer retrouver une épaule fonctionnelle que si le deltoïde est normal et que si l'épaule n'est pas neurologique.
La suture des ruptures atteignant l'infraépineux et/ou le subscapulaire est l'idéal. Encore faut-il que la cicatrisation tendineuse soit obtenue, ce qui impose une faible DG des muscles (donc une rupture pas trop ancienne) et une suture sans tension de moignons tendineux sains. Mais l'opéré doit aussi être motivé puisque la rééducation est longue, suffisamment jeune pour profiter d'une bonne épaule et ne pas béquiller. Dans ces conditions, la suture doit être proposée sans attendre l'éventuel bénéfice d'une rééducation prolongée. La suture systématique des ruptures isolées du supraépineux ne se conçoit que chez les sujets jeunes.
Les lambeaux sont proposés chez les jeunes pour lesquels les sutures sont dépassées.
La chirurgie palliative est proposée en cas de douleurs résistantes aux traitements médicaux lorsque les gestes de réparation sont dépassés ou déraisonnables.
Perspective.
Le devenir incertain à moyen terme de la prothèse inversée fait qu'il est actuellement dangereux de la proposer pour traiter une rupture large de la coiffe sans arthrose gléno-humérale et qu'il faut tout faire pour éviter l'apparition d'une arthrose excentrée que seul ce type de prothèse peut traiter.
Il faut donc pouvoir suturer avec succès les ruptures de l'infraépineux et du subscapulaire, ce qui impose de les reconnaître tôt, avant l'apparition d'une DG notable, en pratiquant une échographie de débrouillage devant toute épaule à douleur persistante.
Une imagerie très performante, mais qui n'existe pas encore, serait utile pour apprécier la structure des moignons tendineux. Cela permettrait, compte tenu de l'importance de la résection tendineuse prévisible, de choisir en préopératoire entre une suture arthroscopique, dont les suites opératoires sont peu douloureuses et qui préserve au mieux l'intégrité corporelle, lorsque la perte de substance tendineuse prévisible est petite et, en cas de grande brèche tendineuse, une suture à ciel ouvert qui s'impose pour faire un avancement tendino-musculaire ou pour recourir à une greffe tendineuse d'interposition si cette technique s'avère donner de bons résultats anatomiques.
* Service d'orthopédie, CHU Henri-Mondor, Créteil.
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