Depuis trente ans, diverses études montrent que les femmes obèses ayant un cancer du sein ont un plus mauvais pronostic que les femmes plus minces, car le cancer aurait plus de propension à se disséminer. Dernière en date, une grande étude danoise publiée en janvier dernier (J Clin Oncol) a ainsi montré que pour ces femmes, le risque de métastases est augmenté de 46% à 10 ans du cancer initial et le risque de décès de 38% à 30 ans par rapport à une femme de poids normal ayant eu un cancer du sein.
Comment expliquer ce fait ? Jusqu’à ce jour, aucune relation de cause à effet n’avait pu être établie. Mais, une étude collaborative entre des chercheurs français de l’Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale (CNRS), de l’institut des Maladies Métaboliques et Cardiovasculaires (INSERM) et de l’Université de Toulouse permet d’en savoir un peu plus*.
Sous l’influence des cellules tumorales les adipocytes fabriquent de l’interleukine 6
Selon le Pr Catherine Muller (Institut de Pharmacologie et Biologie Structurale, CNRS, Toulouse) qui a dirigé cette étude, les cellules graisseuses pourraient être impliquées dans la dissémination du cancer dans tout l’organisme. «Cette implication est déjà connue pour les fibroblastes et les macrophages, mais c’est la première fois qu’on le démontre pour les adipocytes», explique la chercheuse. En réalité, ce serait les cellules cancéreuses qui provoquent une modification des cellules graisseuses. Ces adipocytes modifiés sont de plus petite taille et produisent moins de lipides et plus de molécules inflammatoires, notamment de l’interleukine 6, ce qui aiderait alors les cellules cancéreuses à envahir l’organisme.
Et c’est là que le lien avec l’obésité pourrait exister. «Car, par rapport à une personne de poids normal, les personnes obèses ont au niveau du tissu gras abdominal beaucoup plus d’adipocytes inflammatoires, produisant plus d’IL6,» relate Catherine Muller. «Cela reste à démontrer pour le tissu gras mammaire. Notre idée est que dans une situation d’obésité , les cellules cancéreuses pourraient trouver un tissu graisseux encore plus propice à leur développement. Si notre hypothèse se vérifie, une nouvelle voie de recherche thérapeutique s’ouvrirait alors pour les personnes obèses atteintes de cancer du sein». L’idée serait d’interrompre le dialogue des cellules cancéreuses avec les adipocytes, notamment chez les personnes obèses. Celles-ci pourraient par exemple bénéficier de traitements anti-interleukine 6, dont certains sont déjà commercialisés dans d’autres pathologies, comme la polyarthrite rhumatoïde.
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