LE QUOTIDIEN : Le gouvernement a parfois reproché à la HAS d’être en retard dans la publication de ses avis médico-économiques ? La Haute autorité est-elle plus efficace ?
PR LAURENT DEGOS : Les principales missions de la HAS sont d’évaluer les produits de santé et les actes et ces dernières années, ses délais d’intervention ont été raccourcis. Nous avons été capables d’apporter des recommandations dans les délais demandés qui étaient parfois très courts, en un mois ou en quatre jours. Nous avons rendu 40 évaluations médico-économiques alors que cette mission ne nous est assignée que depuis 2008. Nos collègues allemands de l’IQWIG n’en ont encore rendu aucune. Nous n’avons pas pris de retard. Au contraire. C’est un faux procès qui nous est fait.
Qu’en est-il de la publication des référentiels de bonnes pratiques ?
Ces référentiels couvrent l’ensemble des pathologies. Un signe important : les étudiants qui préparent les épreuves classantes nationales (ECN) travaillent sur les référentiels de la HAS. Notre rôle est maintenant de rendre ces recommandations plus simples et plus synthétiques jusqu’aux logiciels de prescription afin qu’elles soient faciles à lire et à appliquer. Tous ces référentiels ne servent pas qu’aux bonnes pratiques des professionnels. Elles servent aussi à évaluer les établissements, la formation médicale, à élaborer le panier de biens et services remboursables...
Le travail de la HAS, cela représente quoi chaque année ?
La HAS évalue 800 médicaments par an, 250 dispositifs médicaux, elle visite 850 établissements. La Haute autorité a évalué 25 000 praticiens selon le dispositif d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Jusqu’à présent, nous faisons des photographies d’éléments par rapport à un ensemble. Nous comparons les médicaments entre eux, les dispositifs entre eux, les médecins entre eux, les établissements entre eux. Il nous faut maintenant nous intéresser au parcours de soins du patient. Cela signifie passer du statique à la dynamique, de la photographie au cinéma.
L’affaire du Mediator pose le problème de la pharmacovigilance. L’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) et la HAS ont-elles rempli le rôle qui leur est assigné ?
La HAS et l’AFSSAPS ne font pas la même chose comme on l’entend souvent dire. Il y a deux temps. Le premier est celui où l’on se demande s’il y a un bénéfice ou un risque. Pour montrer qu’il y a un bénéfice, on sélectionne les patients, on se sert de placebo ou d’un traitement standard, de critères intermédiaires. C’est ce que fait l’AFSSAPS. La HAS se situe dans l’autre versant. Elle aide celui qui va rembourser et fixer les prix. Nous ne regardons pas le bénéfice du médicament mais l’amplitude du bénéfice. Nous n’analysons pas les choses par rapport à un traitement standard mais par rapport au meilleur traitement existant. Nous n’évaluons pas les critères intermédiaires mais l’impact clinique. Nous examinons comment le produit s’intègre dans une stratégie thérapeutique et enfin nous nous occupons du coût. La HAS a toujours dit qu’il ne fallait pas rembourser le Mediator car son service médical rendu était insuffisant. La dernière fois, c’était en 2006.
La réforme du développement professionnel continu pourrait ne pas voir le jour. L’État a-t-il réellement la volonté de mener à bien cette réforme ?
L’État a cette volonté mais c’est un sujet très délicat. C’est toujours au moment où la réforme doit entrer en pratique que les difficultés arrivent. La philosophie que je défends depuis le début est de laisser les professionnels juger leurs pratiques. Nous avons appelé les spécialistes à s’unifier au sein des collèges nationaux de spécialité. Nous avons fait en sorte qu’il n’y ait plus qu’une seule société savante de gastro-entérologie ou de neurochirurgie au lieu d’une dizaine pour avoir une vision unique de la spécialité. Nous avons accompagné la création du collège de médecine générale qui a abouti en juin dernier. Il existe aujourd’hui une trentaine de collèges. Nous sommes intervenus pour que le DPC soit pérenne et intégré aux pratiques. L’accréditation des pratiques est ancrée dans la profession et doit servir de modèle. Les décrets sont en train d’être signés. Laissons les professionnels se former et laissons la HAS s’occuper en amont de la méthodologie et évaluer en aval l’apport du DPC.
La HAS souffre d’être mal identifiée dans le système de santé. Six ans après sa création, s’est-elle suffisamment imposée à votre goût ?
Je l’espère. Nous sommes maintenant reconnus par les pouvoirs publics, les professionnels et les usagers. Nous sommes également reconnus à l’étranger puisque le congrès international de la qualité des soins a eu lieu à Paris - j’en étais le président.
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