DES SOURIS, atteintes de rétinopathie pigmentaire, ont retrouvé la vue grâce à une stratégie de thérapie cellulaire se fondant sur la greffe de précurseurs embryonnaires des photorécepteurs, prélevés à un stade tardif de leur différenciation. Les cellules greffées ont, non seulement survécu dans la rétine des souris traitées, mais elles ont achevé leur maturation et établi des connexions avec le système nerveux de l’hôte pour devenir parfaitement fonctionnelles.
Selon les chercheurs qui sont à l’origine de ce travail, il faudra encore au moins cinq années d’étude avant qu’il devienne envisageable de tenter une expérience similaire chez l’homme. Ce laps de temps permettra notamment d’étudier la possibilité d’utiliser non pas des cellules d’origine embryonnaire dont l’obtention pose de sérieux problèmes éthiques, mais des cellules souches isolées dans les tissus adultes, puis amenées in vitro au stade de différenciation souhaité.
La thérapie cellulaire des cécités induites par la dégénérescence des photorécepteurs est à l’étude depuis de nombreuses années. La perte des photorécepteurs laissant initialement intact le reste du circuit nerveux cérébral impliqué dans la vision, les scientifiques ont cru que cette approche serait simple à mettre en oeuvre : les cellules transplantées n’auraient qu’à établir des connexions avec le réseau préexistant, localisé juste à proximité du site de la greffe cellulaire.
Pas aussi simple qu’on le croyait.
Cependant, les premières expériences visant à tester cette théorie ont montré que les choses n’étaient pas aussi simples : certaines cellules souches dérivant des tissus cérébraux ou de la rétine peuvent se différencier en photorécepteurs in vitro. Cependant, in vivo, aucune de celles dont l’utilisation a été jusqu’ici testée ne semblent capables de s’intégrer correctement à l’environnement de la rétine pour conduire à la formation de photorécepteurs fonctionnels.
MacLaren et coll. ont imaginé que cette approche pourrait peut-être donner de meilleurs résultats si les cellules greffées étaient non pas des cellules souches presque mais des précurseurs des photorécepteurs, encore immatures, mais déjà bien engagés dans la voie de différenciation attendue.
Pour tester cette nouvelle hypothèse, l’équipe a profité de l’ensemble des connaissances qu’elle avait acquis depuis 2001 sur la genèse des cellules en bâtonnet. L’utilisation d’animaux transgéniques exprimant une version fluorescente d’une protéine essentielle au développement des bâtonnets leur a en effet récemment permis de décrire étape par étape les processus donnant naissances à ces photorécepteurs.
Le processus de différenciation.
MacLaren et coll. sont ainsi parvenus à isoler des cellules encore immatures, mais déjà engagées dans la voie de différenciation qui conduit à la formation des bâtonnets. Transplantées dans la rétine de souris aveugles, ces cellules, contrairement aux précurseurs moins matures, sont capables d’achever le processus de différenciation dans lequel elles sont engagées et d’établir des connexions avec leur environnement. Diverses expériences ont permis de démontrer que les cellules greffées sont parfaitement fonctionnelles et permettent aux souris traitées de récupérer une vision satisfaisante. Il a notamment été montré que les pupilles des animaux greffés redeviennent réactives à la lumière et qu’une réponse aux stimulus lumineux peut être mesurée au niveau de leurs cellules ganglionnaires.
Les chercheurs comptent maintenant poursuivre leur travaux en caractérisant plus précisément les mécanismes moléculaires mis en jeu dans la différenciation des photorécepteurs. Ces données pourront servir à l’isolement et à la préparation des cellules utilisables pour une thérapie cellulaire applicable à l’homme, notamment chez les patients souffrant de dégénérescence maculaire liée à l’âge ou de rétinopathie pigmentaire.
MacLaren RE et coll. « Nature » du 9 novembre 2006, pp. 203-207.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature