Souvent, le strabisme est d’abord une impression - les parents et le médecin voient l’enfant loucher – qu’il faut ensuite conforter à l’examen clinique. Plusieurs techniques pour cela : « des photos antérieures du visage de l’enfant dévoilent le reflet cornéen, celui-ci devant être normalement au centre de la pupille pour les deux yeux. Excepté en cas de strabisme intermittent, où il faut alors se fier à ce qu’ont constaté les parents, détaille le Dr Amandine Barjol, ophtalmopédiatre à la Fondation Rotschild (Paris). Autre manœuvre différentielle : on présente un jouet cible au nourrisson à partir de 3 mois (la poursuite visuelle étant impossible avant) et lorsque le bon œil est caché, l’enfant le tolère moins bien et s’agite. On recherche enfin une leucocorie (la pupille est blanche), signe d’une cataracte congénitale ou d’un rétinoblastome (la plus fréquente des tumeurs oculaires de l’enfant) : parce que l’œil ne voit pas, il ne reste pas centré…
Si le reflet est centré, une consultation spécialisée est alors inutile. Elle est en revanche indispensable en cas de strabisme avéré, de leucocorie ou d’absence de lueur papillaire (trahissant la présence d’un obstacle sur le trajet du faisceau), ou si les parents, fortement hypermétropes, ont eux-mêmes des antécédents de strabisme ou d’amblyopie. L’ophtalmopédiatre fait alors un fond d’œil et des mesures de réfraction pour écarter l’hypothèse d’un astigmatisme ou d’une hypermétropie forte qui expliquerait la mauvaise vision et que l’œil tourne.
« Ce repérage doit être rapide parce qu’il existe une période dite "sensible", des 6 premiers mois de vie (où s’établit la vision "stéréoscopique", du relief fin), pendant laquelle toute déprivation visuelle, quelle qu'en soit la cause (strabisme, cataracte, amétropie, tumeur), entraîne une altération du développement visuel qui peut être définitive si elle n’est pas traitée rapidement, expose Amandine Barjol. À l’inverse, les altérations visuelles sont réversibles si l’on intervient à temps, avec une correction optique adaptée, le meilleur œil étant “occlus“ par un patch autocollant ». Ce dispositif doit être porté environ la moitié du temps d’éveil afin de faire travailler l'œil qui tourne, le plus “faible“. Une déviation persistante de l’œil à l’âge de la maternelle est du ressort du chirurgien.
Le torticolis ne doit pas s’éterniser
Au moins 5 % des nouveau-nés naissent avec un torticolis, dû à un encombrement excessif lors des dernières semaines de la vie intra-utérine. La tête est inclinée d’un côté et en rotation du côté opposé, en raison d’une mauvaise posture du segment rachis cervical-tête. Le fait d’être soustrait à cette contrainte suffit pour que 9 enfants sur 10 corrigent spontanément ce torticolis en quelques jours ou semaines, sans intervention aucune, du kinésithérapeute en particulier.
« Le torticolis se résout plus difficilement s’il apparaît une “olive“, une petite boule dans le muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM) du côté du torticolis, dans les quelques jours qui suivent la naissance. C’est le reflet d’une souffrance ischémique probablement, et d’une sorte de cicatrisation sur fibrose, explique le Pr Philippe Wicart, orthopédiste pédiatre à l’Hôpital Necker (Paris). Autre facteur prédictif d’installation du torticolis, une plagiocéphalie (le crâne est plat du côté opposé au torticolis, au niveau de l’occiput) : le phénomène se structure, d’autant plus volontiers que l’enfant est couché sur le dos. Les deux signes, olive et plagiocéphalie, peuvent être associés ».
La vitesse d’évolution est encore un bon élément prédictif de résolution… Si le torticolis congénital persiste, le SCM devient plus court. Le médecin de famille peut donner des conseils pour faire en sorte que l’enfant soit stimulé de l’autre côté, par des sons, de la lumière, au moment des repas, etc. Et le revoit à un mois pour mesurer à nouveau les inclinaisons latérales et les rotations droite et gauche et ainsi apprécier la vitesse de correction spontanée. La kinésithérapie n’est pas utile dans cette indication.
À l’orthopédiste pédiatre de repérer une raison autre que musculaire de ce torticolis s’il s’éternise : « Ce pourrait être une anomalie de la charnière occipito-rachidienne que l’on peut identifier sur un premier cliché radiographique vers 4 mois, et surtout à 18 mois, l’âge d’une éventuelle intervention chirurgicale. Une malformation osseuse est visible sur une IRM de la charnière crânio-rachidienne », évoque Philippe Wicart. Hors ces rares diagnostics différentiels, le cou reprend progressivement sa bonne position dans la quasi-totalité des cas.
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