Anti-PCSK9

Quand et pour qui en disposer en France ?

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Publié le 15/06/2017
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quand et pour qui

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Crédit photo : Phanie

Les anti-PCSK9 sont des anticorps monoclonaux dirigés contre un peptide essentiel du métabolisme du LDL, la PCSK9. À ce titre, ils diminuent les taux de LDL plasmatique de 50 % en moyenne, que les patients soient ou non traités par d’autres hypolipémiants (notamment des statines), qu’ils soient ou non intolérants aux statines, qu’ils aient un LDL élevé (notamment dans le cadre d’une hypercholestérolémie familiale) ou non.

Deux essais cliniques publiés en mars 2017, l’étude SPIRE 2 avec le bococizumab, et l’étude FOURIER, avec l’évolocumab, ont démontré qu’ils peuvent réduire significativement le risque d’événements cardiovasculaires (CV) majeurs par rapport au placebo, en prévention CV secondaire, chez des patients traités par statine.

Cependant, le développement du bococizumab, anticorps monoclonal non entièrement humanisé, a été arrêté car des anticorps antimolécules sont apparus chez 48 % des patients traités, diminuant leur effet de baisse du LDL. Par ailleurs, dans l’étude FOURIER ayant inclus plus de 27 000 patients, il n’y a pas eu de diminution de la mortalité CV ni de la mortalité totale.

Enfin, la production des anti-PCSK9 est complexe, ce qui génère un coût conduisant à proposer ces molécules à un prix élevé, potentiellement entre 400 et 600 euros par mois.

Les anti-PCSK9 peuvent donc revendiquer deux indications : celle d’une baisse du LDL et celle d’une diminution des événements CV majeurs, chez les patients le justifiant. Jusqu’à mars 2017, pour la première indication, il leur était reproché de ne pas avoir démontré de bénéfice clinique. Depuis, celui-ci est avéré, mais peut être jugé comme incomplet puisqu’il n’y a pas d’effet validé de diminution de mortalité CV.

Les enjeux du débat

Actuellement co-existent deux façons d’interpréter les données des essais thérapeutiques sur les hypolipémiants : la première estime qu’il faut atteindre une cible prédéfinie de LDL, fonction du niveau de risque, et la deuxième considère que peu importe la valeur du LDL de départ, il faut traiter les patients à risque élevé (quel que soit le LDL atteint) dès lors qu’on utilise des molécules ayant un bénéfice clinique net. Si ces interprétations conditionnent les potentielles indications, que l’on traite un LDL ou un risque, la place des anti-PCSK9 ne sera qu’un traitement de seconde, voire troisième intention (après les statines et/ou l’ézétimibe) chez des patients n’ayant pas atteint la cible de LDL, ou restant à risque sous les traitements de première intention, ou encore intolérants à ceux-ci. Et ce, essentiellement parce que les statines ont un niveau de preuve élevé et diminuent la mortalité totale et CV. Le fait que le patient soit ou non en prévention CV secondaire pourrait paraître une donnée accessoire, sauf à ne considérer que l’AMM de l’évolocumab ne peut être strictement autorisée que pour des patients tels que ceux inclus dans l’étude FOURIER. Ceci pose encore un problème d’interprétation et d’extrapolation des données disponibles : des patients en prévention CV primaire peuvent en effet être à risque CV plus élevé que des patients en prévention CV secondaire.

Toutefois, une double réflexion est d’ores et déjà engagée : quel sera le coût pour la solidarité nationale d’un infarctus du myocarde (IDM) évité en utilisant ces traitements ? Peut-on accepter qu’un traitement évalué dans un essai de plus de 27 000 patients ne modifie pas la mortalité CV ?

D’après les données disponibles dans l’étude FOURIER, il est possible d’évaluer que le coût d’un IDM évité avec les anti-PCSK9 oscillera entre 30 000 et 50 000 euros par mois. La question de la prise en charge du traitement par la solidarité nationale sera donc posée et nul ne peut prévoir les interprétations et accords qui seront envisagés entre les protagonistes du dossier d’enregistrement : autorisation de mise sur le marché (AMM) mais refus de remboursement (ou au moins jusqu’à une diminution notable du prix), ou restriction à des cas très particuliers avec une prescription réglementée…

Dans ce débat, l’interprétation qui sera faite de l’absence de réduction de la mortalité CV et totale jouera probablement un rôle. En effet, elle pourra être jugée comme un problème inhérent à l’étude (décès CV mal étiquetés, problème de durée…), à la molécule (dans ce cas, elle sera jugée de faible utilité) ou à l’évolution de la prise en charge responsable de la nette diminution du risque de décès CV (laissant principalement supposer que si l’espérance de vie n’est pas changée, l’espérance de vie sans événement le serait).

Un dossier complexe

Ainsi, le dossier des anti-PCSK9 est complexe et leur mise à disposition en France, notamment en prévention secondaire, va dépendre de multiples paramètres où deux éléments auront un poids important : les interprétations qui seront faites des données disponibles (peut-être pas dénuées d’arrière-pensées) et le coût du traitement. Pour ce dernier, deux modèles vont s’opposer : la pérennité des remboursements des traitements par la solidarité nationale et le modèle entrepreneurial et/ou financier ayant conduit au développement d’anticorps monoclonaux pour des traitements chroniques et potentiellement de masse.

Réponses dans les mois, voire dans les années à venir…

Dunkerque
F. Diévart déclare avoir des liens d’intérêts avec les laboratoires Alliance BMS-Pfizer, Astra-Zeneca, Bayer, BMS, Boehringer-Ingel- heim, Daiichi-Sankyo, Ménarini, Novartis, Novo-Nordisk, Pfizer, Sanofi-Aventis France et Servier.

Dr François Diévart

Source : Bilan Spécialiste