Allodynie migraineuse
PERCEPTION DOULOUREUSE d'un stimulus non douloureux, l'allodynie est fréquente chez les migraineux. Selon les études, la proportion des patients présentant ce symptôme varie de 45 à 79 %. Sa localisation peut être céphalique, dans la région périorbitaire, ou extracéphalique, au niveau des membres, souligne le Dr R. Dallel (Inserm E212). L'allodynie débute à l'acmé de la crise et, dans la plupart des cas, disparaît à la fin de celle-ci, ajoute le Dr C. Créac'h (CHU de Saint-Etienne). Chez un patient sur cinq, elle persiste 24 heures après la crise. Cette évolution n'est observée que chez les sujets ayant plus d'une crise par mois. La présence d'une allodynie est corrélée avec l'ancienneté de la migraine et avec la fréquence des crises.
Le débat concernant les implications thérapeutiques de l'allodynie migraineuse est parti des travaux de l'équipe de Burstein (Boston). Ces auteurs, explique le Dr Hélène Massiou (hôpital Lariboisière, Paris), ont mené leur étude sur une population ciblée, très compliante, de 53 patients souffrant de céphalées périorbitaires unilatérales et pulsatiles, traités par un triptan administré par voie sous-cutanée, soit 1 heure, soit 4 heures après le début de la crise. Dix-neuf patients, soit 61,3 %, étaient allodyniques, dont sept dès la première heure. A noter que la douleur initiale était identique dans les groupes avec et sans allodynie.
Disparition de la pulsatilité.
Chez 87 % des patients non allodyniques, la douleur avait disparu à 2 heures et aucune récurrence n'est survenue à 24 heures. En présence d'une allodynie dès la première heure de la crise, une disparition de la douleur à 2 heures n'a été observée que dans 12 % des cas, avec une récurrence quatre fois sur cinq. En fait, observe le Dr Massiou, si l'on considère l'ensemble des crises, le taux de disparition de la douleur est de 48 %, c'est-à-dire similaire à celui des essais contrôlés. Par ailleurs, chez les patients allodyniques qui n'ont pas été totalement soulagés, on constate tout de même une réduction partielle de la douleur, passant de 7,7 à 5,5 à 2 heures, ainsi qu'une disparition de la pulsatilité dans la majorité des cas. Burstein et coll. préconisent une prise précoce des triptans, avant le développement de l'allodynie. Plusieurs études ont comparé l'efficacité des traitements précoce et tardif dans les crises légères. « Elles concluent en faveur d'une meilleure efficacité des triptans lorsqu'ils sont pris précocement ou pour une céphalée légère, mais comportent des biais méthodologiques. Certaines confondent traiter tôt et traiter pour une céphalée légère. » Les critiques émises concernent, en particulier, le risque d'induire un abus médicamenteux. Cependant, fait remarquer le Dr Massiou, « on sait bien que chez certains patients, seul un traitement précoce est efficace ». Et comme l'a montré l'étude Framig, « le comportement thérapeutique des migraineux n'est pas souvent de traiter tôt, mais l'inverse » : seulement 44 % se traitent en début de crise et seulement deux tiers des patients utilisent un triptan en première intention. Quoi qu'il en soit, affirme la spécialiste, cette première caractérisation phénotypique des patients répondeurs aux triptans peut donner une piste pour la compréhension des raisons pour lesquelles certains répondent et d'autres non, ou répondent différemment d'une crise à l'autre. Dans l'avenir, on peut espérer avoir un test simple de détection de l'allodynie, permettant ainsi aux patients de se traiter au bon moment, afin d'éviter la prise en première intention d'un médicament inefficace avec nécessité d'en changer en cas d'échec à la deuxième heure.
Communications présentées à la réunion commune des Sociétés françaises d'étude des migraines et des céphalées, d'étude et de traitement de la douleur, de neurochirurgie, de neurologie pédiatrique.
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