CERTAINES DONNEES innovantes comme les publications relatives à la protéine C réactive, « nouveau » marqueur du risque cardio-vasculaire, permettent de valider des hypothèses physiopathologiques, comme celle de l'origine inflammatoire des maladies cardio-vasculaires. Elles permettent d'envisager d'intégrer le dosage de cette protéine chez les patients à risque cardio-vasculaire ou de mettre au point de nouveaux modèles prédictifs. Toutefois, elles ne doivent pas faire abandonner des outils d'évaluation parfaitement validés et plus adaptés à la pratique clinique.
En effet, dès qu'une anomalie tensionnelle a été détectée, cette évaluation s'appuie sur l'interrogatoire et un bilan biologique minimal, ainsi que sur quelques gestes simples, comme la mesure du périmètre abdominal, des index de pression systolique et l'automesure tensionnelle.
Des critères cliniques simples.
L'obésité abdominale est en effet un élément constitutif du syndrome métabolique, selon la définition du programme national d'éducation sur le cholestérol des Etats-Unis, avec une triglycéridémie supérieure ou égale à 1,5 g/l, un taux de HDL cholestérol inférieur à 0,40 g/l chez l'homme ou 0,50 g/l chez la femme, une glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,10 g/l et une pression artérielle supérieure ou égale à 130/85 mmHg. Or le syndrome métabolique constitue un enjeu majeur de santé publique. Son importance épidémiologique en Europe a fait l'objet d'une publication de G. Hu et coll. (Finlande) en 2004 dans la revue « Archives of Internal Medicine ». Il multiplie par 3,5 le risque de mortalité cardio-vasculaire.
Le calcul de l'Index de pression systolique (IPS), défini comme le rapport entre la pression systolique mesurée en un site du réseau artériel du membre inférieur et la pression systolique brachiale, permettrait une évaluation plus précoce du risque cardio-vasculaire, en particulier chez les sujets à risque intermédiaire.
Enfin, l'automesure tensionnelle est un outil important de confirmation du diagnostic et du suivi sous traitement. Certes, près de quatre millions de Français, dont 43 % d'hypertendus traités, possèdent un tensiomètre, selon les résultats de l'enquête FLAHS 2004. Mais seulement 12 % des patients ont été incités par le praticien à réaliser des automesures. Or les données récentes confirment que c'est le niveau tensionnel mesuré par le patient en ambulatoire qui prédit au mieux le risque cardio-vasculaire lié à l'HTA. Il faudra donc que les praticiens prennent l'habitude de considérer les données de l'automesure tant pour initier le traitement que pour l'ajuster. Une liste d'appareils validés par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ou par la Société européenne d'hypertension (ESH) est disponible sur le site Internet du Comité français de lutte contre l'hypertension artérielle (Cflhta), à l'adresse www.comitehta.org.
L'objectif de la prise en charge d'un patient est de diminuer son risque cardio-vasculaire. L'étude Blood Pressure Lowering Treatment Trialists, publiée en 2003 dans « The Lancet » par F. Turnbull et coll. a montré l'efficacité de la démarche consistant à diminuer la pression artérielle.
Des essais cliniques récents pour guider le choix.
Afin de faciliter le choix de telle ou telle classe thérapeutique dans la prise en charge de l'hypertension artérielle, le National Heart, Lung, and Blood Institute a mis en œuvre une étude originale, Allhat (« Antihypertensive and Lipid-Lowering Treatment to Prevent Heart Attack Trial »), publiée en 2002 dans le « Jama ». Les investigateurs ont inclus plus de 42 000 hypertendus.
L'étude Allhat a montré que l'efficacité de l'amlodipine est équivalente au diurétique en ce qui concerne le critère principal de jugement. En effet, le risque relatif d'événement coronaire fatal et d'infarctus non fatal comparativement à la chlorthalidone a été de 0,98 (intervalle de confiance à 95 % : 0,9-1,07). En termes de contrôle tensionnel, l'efficacité à cinq ans de l'amlodipine est apparue comparable à celle du diurétique. En particulier, le pourcentage de patients ayant atteint l'objectif tensionnel (pression inférieure à 140/90 mmHg) a été plus élevé dans le groupe amlodipine que dans le groupe inhibiteur de l'enzyme de conversion.
Portant sur plus de 15 000 hypertendus âgés de 67 ans en moyenne, l'étude Value, publiée dans « The Lancet » en 2004 par S. Julius et coll., a comparé la morbi-mortalité cardiaque sous amlodipine et sous antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II (ARA II). Le suivi a été prolongé en moyenne de 4,2 ans, équivalent à 63 631 années-patients.
Il n[171]y a pas eu de différence significative de mortalité et de morbidité cardiaques entre les patients sous ARA II et sous amlodipine. La baisse tensionnelle a été plus importante de 4 mmHg pour la systolique et de 3 mmHg pour la diastolique dans le groupe amlodipine.
Ce bon contrôle de la pression artérielle conféré par la « stratégie thérapeutique VALUE », en particulier au cours des premières semaines de l'étude, confirme les bénéfices en terme de prévention primaire du contrôle rigoureux des chiffres tensionnels. Il souligne que les malades tirant ainsi bénéfice du traitement étaient sous amlodipine en monothérapie, c'est-à-dire avant l'adjonction d'un traitement antihypertenseur associé. Le traitement de 100 patients selon cette stratégie se solde par 97 hypertendus sans événement cardio-vasculaire.
Plaidoyer pour des stratégies « modernes ».
L'efficacité de l'amlodipine s'expliquerait par une meilleure couverture de l'ensemble du nycthémère, selon une publication de K. Eguchi et coll. (Jichi Medical School, Japon) dans l'« American Journal of Hypertension » datant de 2004.
Par ailleurs, l'étude Ascot-BPLA (Anglo-Scandinavian Cardiac Outcome Trial-Blood Pressure Lowering Arm), dont les résultats ont été très récemment présentés lors de la session scientifique 2005 du congrès de l'American College of Cardiology (Orlando, Floride), a démontré la supériorité d'une stratégie « moderne » de prise en charge médicamenteuse de l'hypertension artérielle. En effet, l'étude a eu pour objet d'évaluer la stratégie employant un inhibiteur calcique/inhibiteur de l'enzyme de conversion à la stratégie bêtabloquant/diurétique. L'essai a recruté 13 257 hypertendus ayant au moins trois autres facteurs de risque dans 650 centres du Royaume-Uni, de Suède, de Finlande, du Danemark, de Norvège et d'Islande. L'essai montre, en effet, que grâce à la stratégie « moderne », fondée sur un inhibiteur calcique, l'amlodipine, la mortalité cardio-vasculaire a été réduite de 24 %. Il montre également que cet antagoniste calcique peut efficacement être associé à un diurétique, à un bêtabloquant ou à un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II. En effet, la majorité des patients inclus ont atteint l'objectif tensionnel sous bithérapie.
Les résultats de l'étude Camelot (Comparison of AMlodipine vs Enalapril to Limit Occurrence of Thrombosis), publiés par S. E. Nissen et coll. dans le « Jama » en 2004, ont montré que l'amlodipine apporte un bénéfice particulier en terme de prévention cardio-vasculaire chez des coronariens normotendus ou ayant une hypertension artérielle contrôlée. Cette étude multicentrique randomisée à double insu contre placebo a permis l'inclusion de 1 991 patients issus de 100 centres d'Amérique du Nord et d'Europe. Son objectif était d'évaluer les effets respectifs de l'amlodipine (10 mg/j) et de l'énalapril (20 mg/j) sur la survenue d'événements cardio-vasculaires chez des patients ayant une maladie coronaire documentée et une pression artérielle normale ou contrôlée. Le critère de jugement de l'étude était composite et comportait la mortalité cardio-vasculaire, les infarctus du myocarde non fatals, les arrêts cardiaques réanimés, les accidents vasculaires cérébraux mortels ou non, transitoires ou définitifs, les revascularisations coronaires, les hospitalisations pour crises d'angor ou pour insuffisance cardiaque et les atteintes vasculaires périphériques.
A l'issue de la période de suivi, d'une durée moyenne de 24 mois, l'incidence des événements cardio-vasculaires majeurs a été réduite de 31 % sous amlodipine par rapport au placebo (risque relatif 0,69, p = 0,003), alors que la diminution observée sous IEC, 15 %, n'a pas atteint le seuil de significativité statistique (risque relatif 0,85 ; p = 0,16).
Une sous-étude de Camelot, baptisée Normalise (NOrvasc for Regression of Manifest Atherosclerosis Lesions by Intravascular Sonographic Evaluation), a permis d'évaluer par échographie endocoronaire l'évolution de la plaque d'athérome chez 274 patients de l'étude.
La progression de la plaque a été significative dans le groupe placebo (p < 0,001) et proche de la significativité dans le groupe sous IEC (p = 0,08). En revanche, la plaque n'a pas progressé de manière significative sous amlodipine (p = 0,31).
Ainsi, dans une population de coronariens normotendus, l'amlodipine apporte un bénéfice en terme de prévention cardio-vasculaire par rapport au traitement par statine, bêtabloquant et aspirine.
MEDEC 2005. D'après les communications de l'amphi en cardiologie : « Hypertension et risque cardio-vasculaire », parrainé par Pfizer.
Du calcul du risque à la stratégie des paniers
La décision de traitement de l'hypertension artérielle ne devrait plus être fondée sur la notion de valeur anormale d'un paramètre, mais sur la notion de risque cardio-vasculaire, comme c'est le cas dans les recommandations de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé depuis 2000. A cet effet, des tables de risque cardio-vasculaire ont été proposées par la Société européenne de cardiologie dans le cadre du projet Score. Elles permettent d'évaluer le risque de mortalité cardio-vasculaire chez les habitants des pays à risque considéré comme élevé, et chez les habitants des pays à risque dit faible, dont la France fait partie. Les formules de risque sont disponibles sur le site de la Société européenne de cardiologie à l'adresse www.escardio.org, lien « ESC Guidelines ». Des calculateurs de risque cardio-vasculaire sont par ailleurs disponibles pour les assistants numériques personnels de type PalmOS ou PocketPC.
Le choix de l'option thérapeutique, quant à lui, devrait être fondé sur les résultats des essais cliniques actuellement disponibles. La stratégie d'utilisation des antihypertenseurs dite des « paniers thérapeutiques » permet d'optimiser le traitement. Les paramètres de cette adaptation du traitement médicamenteux, si elle est nécessaire, sont sa tolérance et son efficacité hypotensive. Selon J. E. Dickerson, d'après un travail publié en 1999 dans « The Lancet », on classe dans un premier panier les Inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), les bêtabloquants et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II (ARA II). Les antagonistes calciques et les diurétiques sont dans le second panier. Les antagonistes calciques peuvent être associés aux molécules de l'autre panier ainsi qu'aux diurétiques.
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