Témoignage d’un patient

Récit haut en couleur d’une opération du cœur

Publié le 06/09/2021
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Avec À cœur ouvert, Nicolas Keramidas, auteur de nombreuses bandes dessinées depuis une quinzaine d’années, livre un récit autobiographique poignant. Suite à un malaise cardiaque en 2016, l’artiste a en effet subi une lourde intervention chirurgicale. Une expérience difficile, racontée avec autant de sincérité que d’humour.

Crédit photo : À cœur ouvert, Nicolas Keramidas (Dupuis)

En 1973, quelques semaines à peine après sa naissance, Nicolas Keramidas est opéré à cœur ouvert, en urgence, pour une tétralogie de Fallot. Le bambin n’en conservera a priori pas de séquelles psychologiques – quelques pages amusantes de l’album sont d’ailleurs consacrées à la fierté qu’ont procuré, à l’enfant puis à l’adolescent, les cicatrices spectaculaires de l’intervention. Quant au suivi médical du patient, il s’avérera totalement rassurant durant plusieurs décennies.

Le jour où tout bascule

Pourtant, à l’âge de 43 ans, tandis que Nicolas Keramidas joue, comme tous les dimanches ou presque, au football avec des amis, son cœur s’emballe de manière terrifiante : « Même sensation pendant le retour en voiture. Ça ne m’avait jamais fait ça. (…) Et je vais flipper encore et encore car, même sous la douche, ça ne se calme pas. » Le lendemain matin, quand il prend contact par mail avec son cardiologue et son médecin généraliste, alarme rouge ! Ces derniers souhaitent le voir au plus vite : les personnes qui présentent son profil ne doivent surtout pas faire de tachycardie. Il s’agit alors pour l’auteur du début d’un long tunnel…

Maelström d’émotions

Après une batterie d’examens pénibles, la sentence tombe : une opération est planifiée pour remplacer par une prothèse la valve pulmonaire abîmée qui se situe entre son ventricule droit et son artère pulmonaire. Durant les journées qui précèdent son arrivée au CHU de Grenoble, le patient est épouvanté à l’idée de voir, peut-être, sa dernière heure arriver : « Je vais rentrer à l’hôpital (sans savoir) si je vais en sortir. (…) J’essaye d’éviter de penser que je ne reverrai peut-être plus jamais mes enfants, ma famille, mes potes. »

Les pages les plus poignantes de cette bande dessinée portent très probablement sur les jours qui suivent l’intervention chirurgicale à proprement parler. Les épreuves vont se multiplier, à la fois pour Nicolas Keramidas et pour ses proches. Le dessinateur se met à nu, au propre comme au figuré, et raconte l’angoisse de la salle de réveil, les puissants effets de la morphine, les soins intensifs, la douleur épouvantable occasionnée par le retrait des drains médicaux, l’inconfort de la sonde urinaire, mais aussi les visites médicales réduites au cercle familial le plus restreint, ou encore la solitude et l’ennui. Après 12 jours d’hospitalisation dont il ne voyait pas le bout, on envoie enfin le patient au service de rééducation cardiaque.

Prendre le parti d’en rire

Le charme de cet ouvrage repose sur un dosage réussi entre récit intime et humour. L’auteur raconte aussi, en filigrane, le manque d’effectifs dans les hôpitaux, ou encore la maladresse de certains professionnels de santé, tel cet anesthésiste qui, pour souligner les progrès de la science, assène innocemment au malade : « vous avez de la chance d’être né en 1970 ; vous seriez de 1960, vous seriez mort ». Une phrase anodine pour le médecin mais qui, avant l'opération, traumatisera le patient et ses parents.

À la fin de sa bande dessinée, Nicolas Keramidas confie qu’il désirait depuis longtemps faire un livre sur sa première opération du cœur. Il aura finalement fallu une deuxième intervention lourde pour qu’il se jette à l’eau. Bien lui en a pris. Le résultat, loin d’être voyeuriste, suscite l’empathie et permet de dédramatiser sur un sujet éprouvant.

Céline Reichel

À cœur ouvert, Nicolas Keramidas, Dupuis, 17,50 euros, 210 pages


Source : lequotidiendumedecin.fr