Pour éviter la débauche d'examens d'imagerie

Redonner à l'échographie ses lettres de noblesse

Publié le 18/05/2005
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L'ECHOGRAPHIE est un examen non invasif, mais opérateur-dépendant. Elle nécessite donc une grande expérience pratique, un raisonnement clinique, une interprétation des résultats en fonction des données cliniques et, éventuellement, de celles des autres examens d'imagerie. Cette technique fournit des renseignements importants dans toute la pathologie digestive avec, actuellement, une orientation également vers le tube digestif. Elle n'est plus cantonnée à l'exploration des organes pleins, comme le foie, la rate ou le pancréas. Il existe, en effet, un nombre croissant de publications sur son intérêt dans la rectocolite hémorragique, la maladie de Crohn et les colites inflammatoires. « Certaines équipes se sont même spécialisées dans ce domaine », fait remarquer le Pr Sautereau.
Les énormes progrès technologiques réalisés ces dernières années en échographie modifieront probablement les pratiques. Les avancées portent sur les sondes, le Doppler, l'imagerie harmonique, l'utilisation de produits de contraste et le traitement secondaire de l'image (numérisation). Selon la profondeur des structures à explorer, on utilise des minisondes de 12, 15, 20 ou 30 MHz, ou des sondes multifréquence, auxquelles il faut ajouter les sondes rectales et endovaginales, qui « vont relancer l'échographie digestive dans sa globalité ».
Par ailleurs, le codage numérique de l'image améliore la sensibilité de l'échographie, surtout pour l'étude en profondeur ; différents filtres permettent d'améliorer la différentiation cellulaire. Grâce à la réduction des artéfacts, on obtient une meilleure définition des contours, avec pour corollaire une réduction du nombre d'examens pratiqués en complément de l'échographie.
Différents types de Doppler - pulsés, couleur, puissance - ont également été développés. Ils permettent de faire des mesures de débit sanguin, mais aussi d'apprécier le caractère vasculaire ou non des lésions. Une propriété potentiellement intéressante dans les tumeurs hépatiques. Parce qu'il peut détecter des flux faibles dans des structures de très petite taille, le Doppler puissance peut être utile, par exemple, dans des hyperplasies nodulaires focales.

L'intérêt des produits de contraste.
Les premiers produits de contraste ont été développés il y a vingt ans et commencent à être utilisés en routine dans certains centres, surtout par les radiologues. Il s'agit de microbulles de moins de 9 μ, qui augmentent la réflexion des ultrasons quand on utilise le mode Doppler ou le mode B. Ce phénomène de résonance modifie le signal de retour, permettant ainsi de disposer de données échographiques inédites. « On peut quasiment avoir une imagerie spécifique. » Ces produits sont utilisés actuellement dans des tumeurs hépatiques bénignes (angiome, hyperplasie), mais aussi pour mieux visualiser les métastases et les hépatocarcinomes. Une autre application des produits de contraste se profile : la libération in situ de produits thérapeutiques insérés dans les microbulles à l'occasion de leur destruction obtenue en augmentant la fréquence des ultrasons.
Il est aussi possible aujourd'hui de faire des reconstructions surfaciques et volumiques, aboutissant à des images en 3D ou 4D. Ce type d'exploration est intéressant pour la réalisation de biopsies sélectives dans le parenchyme hépatique. La vision panoramique représente un autre progrès technologique récent. Avec les appareils qui offrent cette possibilité, le déplacement relativement lent de la sonde permet de conserver la totalité de l'image, par exemple, de reconstruire une thyroïde. Enfin, des échographes portables ont été développés.
Ces matériels innovants ont, bien sûr, un coût important. Le prix d'une plate-forme d'échographie varie entre 30 000 et 200 000 euros et celui des sondes entre 10 000 et 50 000 euros. «  Si l'on ajoute la vision panoramique, les produits de contraste, le Doppler..., on arrive à des sommes élevées, constate le Pr Sautereau. Le KE n'ayant pas évolué depuis une dizaine d'années, il y a eu un certain vieillissement du parc, surtout pour les gastro-entérologues. » L'échographie du futur sera plus puissante, plus petite, plus évolutive, intégrée dans un système informatique, pronostique le spécialiste. A terme, l'objectif est de réduire à la fois le nombre de patients non analysables en échographie et le caractère opérateur-dépendant de l'examen.

* D'après un entretien avec le Pr Denis Sautereau, Chru Dupuytren, Limoges.

Relancer l'enseignement

Examen relativement ancien dans la pratique, l'échographie est réalisée par plus de 60 % des gastro-entérologues libéraux. Compte tenu de la place actuelle de l'échographie en pathologie digestive et d'un enseignement universitaire spécifique peu accessible, ils se forment surtout, soit par des stages dans des services de gastro-entérologie, soit par compagnonnage et beaucoup plus rarement par l'inscription à des DIU.
Prenant conscience de l'intérêt de cet examen dans la pratique quotidienne, nombre de confrères commencent à demander des formations normalisées, en particulier des DIU. L'échographie fait partie du champ d'application des gastro-entérologues, qui ont l'avantage de connaître la clinique. Les spécialistes d'organes, comme l'ont montré les cardiologues, ont intérêt à faire leur propre échographie pour des pathologies relativement simples, affirme le Pr Sautereau. « C'est la raison pour laquelle nous sommes en train de sensibiliser le monde universitaire pour remettre en route l'enseignement d'hépato-gastro-entérologie en échographie. »

> Dr CATHERINE FABER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7752