PARIS
PR FRANÇOIS TREMOLIERES
Son grand Père fut à l’origine d’une réforme majeure de notre système de santé. J’ai eu la chance et l’honneur de croiser et d’échanger sur cette réforme avec Robert Debré en 1972, il avait 90 ans et était impressionnant de clarté et de lucidité pour l’interne que j’étais.
Je crains que le rapport présenté par son petit-fils, ses attendus, et ses conclusions ne soit à des années-lumière du projet positif de l’aïeul.
La désignation par le chef de l’Etat, pour une "mission sur la refonte du système français de contrôle de l’efficacité et de la sécurité des médicaments", de deux trublions patentés laissait mal augurer de conclusions sereines. Célèbres tous les deux, l’un pour ses conflits d’intérêts et ses casquettes politico-médico-éthiques multiples, l’autre pour sa seule raison de vivre, la provocation, leurs interventions médiatiques personnelles des dernières semaines ne pouvaient guère être prédictives d’un travail objectif, dépassionné, complet. Ajoutons que je ne peux oublier les propos de Bernard Debré lors de l’arrivée de M. Chirac à Matignon en mars 1986 disant : "il n’y a de bonne médecine que rémunérée à l’acte", ce qui est tout un programme ! mais aussi l’exceptionnelle séquence qui glorifie Philippe Even lors d’une étrange conférence de presse improvisée le 29 octobre 1985 dans les locaux du ministère des Affaires Sociales, pour annoncer au monde médusé qu’ils ont trouvé avec la ciclosporine (dans un pseudo-essai que la morale ne peut que réprouver) le traitement du SIDA.
L’actuel rapport est dans la droite ligne de cette farce tragique. Le résultat est au-dessus des espérances les plus folles. Que des adaptations, des réformes, et pourquoi pas de vrais bouleversements soient nécessaires dans ce domaine complexe du médicament, c’est indubitable, et certainement on ne sait pas, on n’a pas su les faire. Et il faudra les faire. Mais les propositions, dont certaines seront surement à retenir, faites dans l’outrance, l’imprécision, le superficiel de situations mal (ou pas du tout) connues des auteurs, et l’injure générale pour tout ce qui n’est pas eux et leurs idées est intolérable. J’ai alors eu la prétention illusoire d’en faire une exégèse, mot trop noble pour ce qui ne peut être qu’une dispute. J’ai commencé ce travail, mais me suis trouvé sidéré lorsque l’incendie concernant l’Afssaps a débuté à la page 36. Il y a tant d’affirmations non justifiées, tant d’imprécisions, tant d’erreurs, tant d’agressions, tant d’injures. On se limitera pour justifier cette indignation à 3 illustrations, morceaux choisis de ce qui aurait pu être du Zola mais n’est tout compte fait que du Gobineau.
L’illusion que la qualité d’un expert se détermine, comme au CNU, sur le nombre de leurs publications et de leurs citations, et ne concerne bien sûr que des PUPH, est atterrante. Au mieux ce peut être un critère parmi beaucoup d’autres. Mais l’idée plusieurs fois répétée que l’avenir est à un tout petit nombre de "super experts" forcément PUPH, dont l’excellente rémunération serait un gage de qualité est un fantasme de la société du fric où nous sommes. Les duettistes ignorent manifestement le mode de fonctionnement exact de la commission de transparence pour la détermination des SMR – ASMR. Il est un moment pathétique du commentaire à propos de la commission d’AMM : prenant appui dans un paragraphe mémoriel de l’excellent fonctionnement de la première commission d’AMM française présidée par Marcel Legrain de 1977 à 1985 "alors qu’elle ne disposait d’aucun moyen et aucun budget propre et que ses membres n’étaient en rien rémunérés. Une salle du ministère et une ou deux secrétaires détachées à temps partiel. On tapait ses rapports soi-même". Ils ne comprennent pas pourquoi aujourd’hui l’AFSSAPS et l’HAS emploient 1 350 personnes, mais que l’efficacité du système de contrôle des médicaments n’en a pas été significativement améliorée. Bien sûr on peut s’interroger sur l’efficience (pour reprendre un vocable cher à nos technocrates) du système, mais pas avec ce type de comparaison qui fait beaucoup vieillard aigri : "moi de mon temps…!"Ce rapport sous cette forme ne sert à rien qu’à provoquer les professionnels et à agiter les médias dans ce qu’ils préfèrent : le scandale.Il y aurait un vrai travail à faire, ce que nos provocateurs n’ont pas voulu, c’est nettoyer ce texte de toutes les inexactitudes, des faux, des provocations, des injures; et en extraire ce qui est positif – il y en a – mais est aussi susceptible d’être appliqué. Peut-être que des gens sérieux vont pouvoir le faire. Certains expliquent que ce rapport n’a rien d’officiel. C’est tout de même tordre le cou à une demande explicite, médiatisés, du Président de la République.
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