J’exerce dans une maison de santé à trois km des réacteurs de Chinon. D’ailleurs, c’est à Avoine qu’a été réalisée la première pile atomique. Nous avons des réacteurs EPR dernière génération?; on s’y est tous habitué mais, aujourd’hui, on regarde les réacteurs d’un autre œil. Parmi mes patients, j’en ai deux qui m’ont demandé si un accident était possible. Et un autre m’a dit, « Il faut que je pense à renouveler mes pastilles d’iode ». En tant que généraliste, je n’ai pas de formation à risque nucléaire, mais en tant que médecin pompier, oui. Idem pour les urgentistes. Ce qui se passe au Japon nous fait prendre conscience du fait qu’au bout d’un moment, on occulte le risque nucléaire, sans que je sois d’ailleurs capable de dire si c’est une bonne ou mauvaise chose .
L’installation de la centrale nucléaire de Golfech, il y a plus de vingt ans, a suscité de fortes inquiétudes auprès de la population. Ce qui a donné lieu à de nombreuses manifestations contre la centrale. Mais toujours est-il que petit à petit, on s’y est habitué. Jusqu’au moment du nuage de Tchernobyl censé s’être arrêté à nos frontières, ce qui a, évidemment, ravivé les inquiétudes. Ensuite, tout est redevenu calme, mais j’imagine bien en rentrant de congé la semaine prochaine qu’avec ce qui se passe
au Japon, les patients vont poser des questions. Des accidents comme ceux de la centrale de Fukushima, rappellent la réalité toujours possible d’un accident. Le danger zéro n’existe pas. C’est quelque chose auquel nous ne pensions presque plus dans nos vies quotidiennes à proximité de la centrale de Golfech, même si, pour ma part, je ne suis franchement pas très inquiet .
20 km, c’est à la fois loin et très près. Mulhouse est pile à cette distance de la centrale de Fessenheim et fera, bien sûr, partie des communes à évacuer, en cas d’accident. Ma position sur le sujet a évolué. Jeune, dans les années 70, j’étais anti-nucléaire, ensuite dans les années 80, l’énergie de l’atome semblait plutôt maîtrisée et aller dans le sens de l’histoire. Aujourd’hui, les fuites de Fukushima nous rappellent à la réalité. Pourquoi ne pas en profiter pour réfléchir à des formes d’énergies alternatives, comme nos voisins allemands. Je ne dis pas abandonner totalement le nucléaire, mais on peut, au moins, essayer d’explorer d’autres voies. D’autant que pour mémoire, Fessenheim est une vieille centrale et qui aurait dû être arrêtée au bout de 40 ans d'exploitation, donc en 2011. Mais tous les experts du lobby nucléaire affirment qu'elle peut encore être exploitée durant 20 ans sans problèmes, sur l’air du « tout a été prévu et il n'y a aucun danger ». Je pense que les experts japonais disaient la même chose encore la semaine dernière de leurs centrales …
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