EN DEPIT de la précédente campagne grand public lancée en mars 2005, le regard des parents sur la rougeole, les oreillons et la rubéole n’a guère changé et leur perception quant à leur gravité potentielle est erronée. Des témoignages recueillis tout récemment par l’assurance-maladie dans deux crèches parisiennes le montrent.
Si les signes des maladies sont connus, un certain nombre de parents continuent à penser que ces dernières «sont nécessaires pour renforcer les défenses immunitaires de l’enfant» ou encore «qu’il faut bien en passer par là». Ils sont également quelques-uns à estimer que «les complications sont rares –une petite éruption et c’est tout». La plupart connaissent la vaccination, même si là encore quelques ambiguïtés persistent. «Le vaccin n’est pas nécessaire dans la mesure où on peut y remédier par des médicaments», dit une mère. «Je ne suis pas vraiment pour. Je préfère l’homéopathie», affirme un père dont l’enfant a pourtant été vacciné «pour suivre le cursus normal».
La situation n’a guère évolué.
Ces instantanés confirment l’enquête Ipsos réalisée en janvier 2006 auprès de 377 parents d’enfants âgés de 6 ans ou moins. La situation n’a guère évolué par rapport à la précédente enquête de 2004 dans laquelle 57 % des mères estimaient qu’il était normal, voire souhaitable, que l’enfant ait une de ces trois maladies. Cependant, lorsque les risques sont expliqués aux mères, 86 % d’entre elles déclarent être prêtes à faire vacciner leur enfant dans un proche avenir.
«Cette perception erronée de la maladie et de ses risques justifie le lancement de cette nouvelle campagne», assure Catherine Bismuth, médecin-conseil à l’assurance-maladie. L’objectif défini par l’OMS, un taux de couverture vaccinale de 95 % des enfants de moins de 2 ans d’ici à 2010, «ne peut être atteint que si les parents et les professionnels de santé sont sensibilisés», poursuit-elle. La couverture vaccinale progresse mais reste insuffisante (environ 86 %), cependant avec des disparités importantes – elle est plus faible dans les départements du sud de la Loire – et une tendance à augmenter avec l’âge, ce qui suggère une vaccination tardive par rapport au calendrier vaccinal. L’épidémie de rougeole survenue en 2003, en région Paca (Provence - Alpes-Côte d’Azur), témoigne de l’évolution épidémiologique de la maladie : «Dans 91cas sur les 138 qui ont été confirmés, il s’agissait d’enfants, d’adolescents ou de jeunes adultes, de 7 à 29ans», explique Catherine Bismuth. Attendre ne sert à rien, d’autant plus que les complications sont plus graves et plus fréquentes avec l’âge. «Il faut rappeler aux parents qu’aucun médicament n’existe pour ces trois maladies. Le seul moyen de les prévenir est la vaccination», martèle le Pr Philippe Reinert, ancien chef de service de pédiatrie du CHU de Créteil et membre du Comité technique des vaccinations. En 1998, il a créé, avec Elizabeth Bonneau-Breant, alors mère d’un petit garçon atteint de panencéphalite subaiguë sclérosante postrougeole, l’association l’Oiseau bleu. «Mon fils aujourd’hui disparu a attrapé la rougeole en crèche à l’âge de 7mois. Il était en parfaite santé, lorsque, à l’âge de 9ans sont apparues les premières difficultés d’apprentissage, les premières chutes de tonus. Après plusieurs mois, le diagnostic a été porté grâce à une ponction lombaire», explique la présidente de l’association.
La panencéphalite subaiguë sclérosante, ou maladie de Van Bogaert (Pess), est une complication tardive, survenant de sept à dix-sept ans après l’épisode aigu. «Nous avons créé l’association afin d’aider les familles dans l’accompagnement de l’enfant atteint de handicap lourd et qui partira de toute façon», explique-t-elle. Depuis 1997, une vingtaine d’enfants sont décédés après avoir lutté contre leur maladie pendant 8 ou 15 ans. Une vingtaine d’enfants bénéficient encore en France de l’aide de l’association qui couvre maintenant toute l’Europe*. «Notre objectif est vraiment d’inciter à la vaccination. Nous sommes inquiets, parce que, à l’époque où l’association a été créée, les enfants touchés avaient entre 4 et 14ans et, aujourd’hui, deux patients belges ont débuté la maladie à 20ans.»
Des spots à la télé et à la radio.
A partir du 15 novembre, le lionceau sera de nouveau l’emblème de la campagne destinée à rappeler que la rougeole, les oreillons et la rubéole ne sont pas toujours des maladies bénignes et qu’il ne faut pas attendre pour faire vacciner l’enfant : «N’attendez pas que ça devienne plus méchant. Vaccinez votre enfant dès 1 an», rappelle le slogan. Le dispositif grand public comprend des spots télé et radio, des encarts dans la presse écrite et une campagne Web sur le site de l’assurance-maladie (www.ameli.fr). En direction des professionnels, des annonces seront diffusées dans la presse professionnelle, de même que des newsletters nationales ou spécifiques pour les départements.
La vaccination, prise en charge à 100 %, comprend deux injections : une première dose à 12 mois, une seconde entre 13 et 24 mois. «Il faut rappeler que, en collectivité, le vaccin peut être administré dès l’âge de 9mois. Quelque 26000enfants sont gardés en crèche à Paris», insiste le Dr Véronique Dufour, médecin de PMI et de crèche. Le rôle des médecins du travail est, selon elle, essentiel : «Il faut couper la chaîne de transmission pour que le virus ne circule plus. Les personnes qui travaillent autour de la petite enfance, notamment en crèche, sont souvent jeunes. Au moindre doute, il ne faut pas hésiter à proposer le vaccin puisqu’il est possible de le faire même au-delà de 25ans», conclut-elle.
* Un site en cinq langues a été mis en place : www.loiseaubleu.org.
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