À l'instar d'un célèbre humoriste aujourd'hui disparu, j'ai été soufflé par les lettres des deux confrères qui se prétendent heureux dans leur exercice.
Je pense qu'ils ne sont pas de très bons comptables ou alors ce sont des bons samaritains doublés de « curés laïques de la santé ».
Si l'on compare les revenus des différentes professions libérales, (il se peut que, in fine, sur la totalité la carrière, l'égalité soit à peu près la norme comme l'affirme le ministère des finances...), permettez-moi quand même d'en douter, il n’y a pas photo en regardant le train de vie de certains experts-comptables, géomètres experts, huissiers de justice, avocats d'affaires, etc. etc. toutes professions auxquels nous pouvons, nous devons nous comparer sans avoir à en rougir.
Là où ça coince, c'est lorsque nous regardons le taux horaire de nos différentes professions. Même le stakhanoviste médical le plus hardi n'arrive pas à égaler le tarif horaire d'un avocat d'affaires qui tourne aux alentours de 450 EUR hors taxe (même en se souvenant que la part patronale des charges sociales est prise en charge par la sécurité sociale -- pour combien de temps ? -- cela revient aux alentours d'une quinzaine de consultations par heure ! Quel médecin peut le faire honnêtement ?).
La plupart des médecins ne comptent dans leurs horaires de travail que le temps des consultations... Ils oublient gentiment le temps de la comptabilité, du classement des courriers des confrères libéraux et hospitaliers à intégrer dans le dossier médical, le temps de répondre aux tracasseries de Notre-Dame La Caisse, le temps de la formation professionnelle, et je dois bien en oublier encore un peu. Nous dépassons allègrement les 65 heures par semaine sans compter les gardes (Bah, quand on aime, on ne compte pas, c'est bien connu !).
Je maintiens que, au tarif horaire, nous sommes moins payés qu'un conducteur de TGV (parce que je le vaux bien ?). De plus, on va nous charger la barque ! On va bientôt donner aux infirmières aux pharmaciens la bobologie et les nez qui coulent ; on ne nous laissera pas un autre choix que celui de passer trois quarts d'heure de coordination au chevet des hospitalisations à domicile pour 32 EUR la plupart du temps avec quelquefois une majoration de coordination (avec une justification paperassière pour Notre-Dame La Caisse le plus souvent). La tutelle et le gouvernement ont d'ailleurs réussi, à nous déconsidérer encore un peu plus en retenant 1€ sur chaque consultation et en décomptant sur le remboursement de nos patients les 0,5 EUR par boite de médicaments puisque le pharmacien a refusé d'être un collecteur ; psychologiquement, le patient vient maintenant avec une « liste de provisions » afin d'en avoir pour son argent et nous forcer à allonger la consultation déjà si mal « déshonorée ».
Heu-reux vous dis-je !
Il n'y a plus de service militaire mais on va imposer à ceux qui auraient eu la folie de faire des études de médecine d'avoir un service national médical... Avec Christian Saout, soyez rassurés, l'affaire est sur les rails ! Elle l’est d'autant plus qu'un député (juriste aussi ?) veut une maternité à 30 minutes et un urgentiste à moins de 20 minutes de toute ferme isolée du Cantal... Qui a la vocation de PBPC ? (petit besogneux pas cher) j'allais dire PCPC (la traduction est ici inutile !) .
Avec une informatisation de plus en plus pointue, Madame la caisse épluche notre activité, (rappelez-vous la phrase de Coluche : à force d'être sondé...) va pouvoir nous supprimer tout acte un peu rentable et il ne nous restera que la rassurologie non médicamenteuse puisqu'on commence à nous faire la chasse aux antidépresseurs après nous avoir fait la chasse aux anxiolytiques tandis que le Medef stress les salariés et que la fonction publique se met à le copier.
Nous devrons faire du soutien psychologique (sans médicament, ha mais !) à des gens usés, exténués ; nous devrons les persuader d'être aussi heureux que nos confrères, et cela ,en moins de 10 minutes pour pouvoir survivre.
Je viens de lire que la fac de médecine de Lyon n'avait pas fait le plein... D'après nos chers confrères, nous avons traumatisé les enfants de nos patients en dramatisant la situation... Je les trouve un peu moins stupides que nous et sûrement un peu pragmatiques.
Nous sommes harcelés par le monde administratif et le monde judiciaire (un article récent de Mag2 Lyon-10/2010 page 75,un avocat donne bien l'ambiance de l'esprit du monde judiciaire à notre égard sur la « nécessité d'information adaptée » de nos patients... éloge à la loi Kouchner et rappelle que le médecin peut aussi porter plainte contre le patient en diffamation... il est là, à proposer son aide et ses honoraires même s'il exhorte les gens à rester raisonnable de part et d'autre, on voit bien le rêve du monde judiciaire : être un passage obligé de la relation médecin -malade ; à quand l'enregistrement vidéo des consultations comme aux USA ?
Ce texte, déjà fort long passe sous silence les questions de revente des cabinets et des habitations des médecins ruraux (une grande maison avec le logement pour le remplaçant voire la piscine dans le jardin...) qui seront strictement invendables ou avec une moins-value épouvantable sur la grande majorité du territoire rural ; chiche, ont fait un sondage ?
À moins de vouloir rester « in situ » et prendre sa retraite au milieu d'une ex- clientèle qui viendra les harceler.
Ne parlons pas du conjoint médecin dont la profession ne permet pas toujours d'être exercée en milieu rural (tant pis pour la lutte des classes, nous n'épousons pas toujours les caissières de supermarchés !) ; comment peut-on « réussir son divorce » lorsque le conjoint a sacrifié pendant quelques dizaines d'années sa carrière pour épauler « le bon docteur » (c'est valable aussi au féminin) et qu'il ne supporte plus le poids d’accompagner le sacerdoce avec les réquisitions préfectorales en supplément (on parle du mariage des prêtres ?)
. Je m'arrête là car je vais sans doute risquer d'avoir comparution devant le conseil national de l'ordre car j'aurais déconsidéré le métier... Bof ! On ne m'a pas attendu pour prouver que le plus beau métier du monde est largement déconsidéré et dévalué, du moins, en France. Il ne me reste plus qu'une solution : dans 1000 jours, LA QUILLE (avec un retraite de misère : 1790 € brut à 62ans et 2290 € bruts à 65 ans en ayant tous mes trimestres pour la retraite de base car j'ai financé mes études en travaillant en usine, la CARMF ayant dévalué la valeur du point d'environ 30 à 40 % depuis 15 ans) !
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