LES AUTORITÉS hollandaises n’ont sans doute pas pris l’affaire au sérieux. Leur manque d’enthousiasme provient en partie de ce qu’elles ont découvert sur le tard que Ayaan Hirsi Ali a été au début une immigrée clandestine ; peut-être ont-elles craint une flambée de violence dans les milieux immigrés.
En novembre 2004, le réalisateur de cinéma Theo Van Gogh a été assassiné par un islamiste. Van Gogh était en train de faire un film sur Pim Fortuyn, un leader politique charismatique et populiste, également assassiné. Il est vrai que ceux qui, aux Pays-Bas, s’attaquent le plus au fondamentalisme ne sont pas dépourvus de racisme.
On peut craindre néanmoins que les dirigeants néerlandais aient lâché la jeune députée parce que le climat général n’est pas favorable : les Pays-Bas n’ont pas envie de subir le sort que le monde arabo-musulman a réservé au Danemark après l’affaire des caricatures de Mahomet. Mais ce n’est pas en cédant aux menaces de régimes qui feraient mieux de balayer devant leur porte qu’on défendra efficacement la démocratie en Europe.
Le précédent anglais.
Pendant des années, le gouvernement britannique a dépensé des sommes considérables pour protéger une seule vie humaine, celle de Salman Rushdie, qui faisait l’objet d’une fatwa iranienne. Les Anglais ont en effet compris ce qui était en jeu : s’ils abandonnaient Salman Rushdie à son sort, ils reculaient devant l’obscurantisme et couvraient de honte leur propre système. Il ne semble pas que le gouvernement hollandais ait fait la même analyse pour ce qui concerne Mme Ali.
L’affaire est inquiétante parce qu’on n’a pas le sentiment que, dans cette Europe fragile et incertaine, la fermeté des principes soit inébranlable. La tentation de passer des compromis avec le diable correspond à une tendance encore secrète mais plus généralisée qu’on ne l’imagine.
Sans doute n’avons-nous pas à dire aux Etats musulmans comment ils doivent vivre, et il est d’ailleurs bien rare que nous le leur disions ; mais nous ne saurions nous placer à leur niveau d’exigence démocratique, qui est anormalement bas chez les meilleurs d’entre eux.
Nous serions plus dans notre rôle si nous leur répétions que les principes que nous défendons sont universels ; et que la bonne façon d’assurer la liberté religieuse, c’est d’instaurer la laïcité, ce qu’il est possible de faire partout dans le monde, y compris dans les pays musulmans.
Ils ne sont pas obligés de nous croire. Mais tenir ce langage serait tout de même moins honteux que d’exprimer du respect pour leur système qui, comme en Iran ou en Arabie saoudite, s’appuie moins sur la foi que sur la religion telle que des hommes, aussi faillibles que tous les autres, en interprètent le message. Or, non seulement nous ne sommes pas intransigeants sur les principes, mais nos vieilles sociétés parlementaires sont gagnées par le doute. La mondialisation et le chômage, qui sont considérés comme des malheurs sans précédent par tous ceux qui n’ont pas souffert dans une guerre et ne savent donc pas vraiment ce qu’est le désespoir, ont sapé la confiance qu’inspiraient naguère notre développement, nos libertés et notre protection sociale. Comme ce système, autrefois magnifique, bat de l’aile et crée ses poches de misère, nous sommes prêts à le jeter alors qu’il a seulement besoin d’être réparé. C’est ainsi que les mouvements alternatifs ont fini par pactiser avec leur contraire absolu, le fondamentalisme islamiste, auquel il est de bon ton aujourd’hui de trouver du charme, de la raison ou ce formidable sens de la justice qu’ont nécessairement tous les opprimés ou ceux qui se présentent comme tels.
Un accueil européen au fondamentalisme.
Dans ces conditions, pourquoi prendre la défense d’une Somalienne entrée clandestinement aux Pays-Bas où elle a trouvé un job de député ? Cela commence donc par une réflexion sur ce qu’il peut y avoir de positif (de « révolutionnaire ») dans le fondamentalisme, avec l’aide active de Tariq Ramadan et cela risque de finir par l’apologie du terrorisme.
Nous n’exagérons pas. Dès lors que les régimes européens ne sont pas parfaits, dès lors que le gouvernement américain commet des infractions aux libertés fondamentales, dès lors que les sociétés industrialisées sont celles des puissants et des riches et les autres celles des pauvres, quel mal y a-t-il à recourir à la violence et, par exemple, à tuer trois mille personnes dans un attentat ? Il existe déjà un accueil européen au fondamentalisme, il y aura bientôt une défense de l’action terroriste.
On comprend mieux ce qui se passe quand on examine la question du Hamas : théoriquement, l’Europe et l’Amérique refusent de lui donner les fonds nécessaires au fonctionnement de l’administration palestinienne. Mais, bien entendu, ni l’Europe ni l’Amérique ne veulent prendre la responsabilité d’une famine ou d’une aggravation excessive de la misère en Palestine. On cherche par tous les moyens à acheminer des fonds qui contourneraient le Hamas, lequel déclare qu’il refusera cet argent s’il ne lui est pas versé. Une loi qui n’est pas écrite mais que tout le monde respecte stipule que les Palestiniens, qui, pourtant, travaillent, ne peuvent pas produire et n’ont donc pas d’argent pour leurs fonctionnaires ; que leur désir d’indépendance ne va pas jusqu’à renoncer à la dépendance à l’égard de l’argent israélien, européen ou américain. Au nom de cette loi extrêmement bizarre, nous allons être forcés de verser au Hamas une aide dont il fera ce qu’il voudra. Il paiera les fonctionnaires du Hamas et pas ceux du Fatah ; et il en gardera un pourcentage pour commettre des attentats en Israël.
Or le Hamas n’est pas autre chose qu’un parti islamiste dont l’objectif est de placer la société palestinienne sous la coupe intégriste. L’argument humanitaire cache donc le risque de faire un mauvais coup aux Palestiniens eux-mêmes. A n’en pas douter, ils ont choisi leur sort en votant démocratiquement et massivement en faveur du Hamas. Mais puisqu’on leur accorde leur souveraineté, pourquoi ne pas leur restituer aussi leur responsabilité ?
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