DEPUIS QU'IL A ÉTÉ prié de quitter le gouvernement, Nicolas Sarkozy a procédé en trois temps : il a d'abord laissé entendre que, si Jacques Chirac briguait un troisième mandat, il s'effacerait ; puis, dans la même hypothèse, qu'il fallait que le meilleur gagne ; le 31 mars, il a dit clairement que, dans le cas d'une nouvelle candidature du président, il maintiendrait la sienne.
M. Sarkozy n'est pas Rastignac. Là où on le place, il fait son travail. Il n'a pas été un mauvais ministre de l'Intérieur, ni un mauvais ministre de l'Economie. Assurément, il ne manque pas d'ambition, il la clame même sans pudibonderie. Mais, entre ses efforts et son style, on peut lui trouver des qualités qui contribuent à estomper ses défauts. Après tout, tous les hommes politiques ne peuvent pas être Mendès France. Et ceux qui en auraient les vertus seraient bien obligés d'en faire le panégyrique pour parvenir au but. De ce point de vue, aux Etats-Unis, qui ne sont pas nécessairement exemplaires, mais sont encore une grande démocratie, aucun candidat n'est élu président s'il ne montre l'intensité de son désir pour la fonction. M. Sarkozy s'est épargné depuis longtemps l'hypocrisie qui eût consisté à rechercher l'emploi sans en avoir l'air. Nous savons depuis peu qu'il y « pense tous les matins en (se) rasant ».
Une balle de match.
Dans cette partie de tennis interminable qui l'oppose au président et où il perd un set sur deux, il vient de placer une balle de match. C'est une autre qualité de M. Sarkozy : il ne parle pas pour faire seulement un effet ; il change une donnée du problème. En effet, que va faire M. Chirac ? Si, comme le laisse imaginer son épouse, il est fortement tenté par un troisième mandat de cinq ans, le président de l'UMP l'informe qu'il rencontrera un obstacle de taille sur son chemin. De sorte que, dans la balance des avantages et des inconvénients d'une candidature Chirac, le poids des inconvénients devient beaucoup plus lourd et les risques immenses.
Une primaire pour un président élu deux fois et qui a un quart de siècle de plus que son rival serait humiliante. M. Chirac affronterait sans états d'âme le candidat de la gauche, mais se jeter dans une bataille interne qui l'expose à une défaite toujours possible et amoindrirait sa stature ne constitue pas une excellente option. En outre, le risque existe que l'un des deux candidats de la droite ne figure pas au deuxième tour, ce qui produirait une sorte de 21 avril à l'envers. Chirac sorti dès le premier tour, la perspective est intolérable.
MM. CHIRAC ET SARKOZY SE COMPORTENT COMME S'ILS AVAIENT UN BAIL À L'ÉLYSÉE
Le précédent de 1995.
Décidément, ces deux-là sont renvoyés à un destin répétitif qui exige qu'ils se détestent en diverses circonstances et plus particulièrement sur les enjeux du pouvoir suprême : on se souvient sûrement que, en 1995, Nicolas Sarkozy avait préféré Edouard Balladur à Jacques Chirac. Mauvais choix qui valut au jeune politicien une longue traversée du désert. A l'époque, les Chirac, tout à leur victoire, ne cachaient pas le mépris que leur inspirait la trahison de celui qui avait été leur protégé. M. Sarkozy a passé un bien mauvais moment, mais il n'a jamais montré sa souffrance. Pour être sûr de ne pas être durablement humilié, il évite l'humilité. En 1995, il a perdu avec fracas le pari qu'il avait fait. Mais des millions de Français partageaient son analyse, qui pensaient que M. Balladur ferait un meilleur président que Chirac. La tendance s'est inversée littéralement à la dernière minute, c'est-à-dire à quelques semaines du scrutin : les nombreux balladuriens de l'époque avaient du mal à croire qu'ils avaient échoué.
En 2007, rebelote : M. Sarkozy envisage pour lui-même le sort qui devait être celui de M. Balladur en 1995 : et il y aura bel et bien, si M. Chirac se présente de nouveau, deux candidats de l'UMP, sans compter celui de l'UDF, ce qui aboutira à un fractionnement de l'électorat de droite et à la présence possible, au deuxième tour, du candidat de l'extrême droite.
C'est dire que, avant de montrer son jeu, M. Sarkozy a mesuré l'importance des responsabilités qu'il prend devant le pays. Mais on n'arrête un homme de cette trempe ni avec des scrupules ni avec ces stratagèmes dont il est le meilleur inventeur.
La séance de patinage sur glace qui nous est offerte par l'UMP n'est qu'un aperçu de ce qui va se passer dans l'ensemble de la classe politique : pour le moment, on ne voit guère les socialistes unis autour d'un seul nom. Ils ne sont pas non plus capables de rallier vers eux leurs alliés traditionnels, PC, Verts, radicaux de gauche, tous tentés de faire valoir leur spécifité, surtout les communistes qui, sous la houlette de Marie-George Buffet, retournent à leurs lunes marxistes. Lesquelles, théoriquement, sinon dans les faits, les rapprochent des mouvements trotskistes ; encore que, en la matière, les luttes fratricides sont plus violentes que le combat contre l'ennemi commun. Non que Mme Buffet croie encore au collectivisme ; mais elle se dit sûrement que le mécontentement populaire redonne des couleurs aux idées les plus anachroniques. Point besoin de gagner, pourvu que l'on se porte mieux.
Il demeure que, chaque fois que l'on voit un chef de la majorité tirer des plans sur la comète, comme si l'opposition n'existait pas et que la droite avait un bail à l'Elysée, on se demande si, avant de se prononcer, le président Chirac et M. Sarkozy, ne devraient pas se poser la question obsédante sur ce que sera le bilan 2002-2007 et si les chances de l'un et de l'autre ne seront pas déterminées par ce bilan.
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