LA CHUTE DE LA POPULARITÉ du chancelier Schröder est comparable à celle de Jacques Chirac ou plutôt à celle de Jean-Pierre Raffarin. Or ce n'est pas la droite libérale qui gouverne en Allemagne, mais la gauche, socialistes et Verts. Les deux pays sont néanmoins confrontés à des difficultés presque identiques : chômage massif (il est presque de 12 % en Allemagne, en partie à cause des länder de l'Est qui, en dépit d'une injection massive de capitaux, n'ont pas encore réussi à se hisser au niveau de l'ancienne Allemagne de l'Ouest), nécessité impérieuse des réformes pour réduire les dépenses de l'Etat, les déficits budgétaires et la dette.
M. Schröder, après avoir longuement hésité, a compris l'intérêt des réformes d'inspiration libérale et les a mises en œuvre ; comme MM. Raffarin et Chirac, il en paie le prix qu'est l'impopularité. Mais pour peu que nos concitoyens veuillent bien examiner le cas allemand, ils verront qu'une majorité de gauche en France sera bien contrainte, le moment venu, de leur demander des sacrifices. Et donc que leur rêve d'un gouvernement qui continuerait à distribuer de l'argent qu'il emprunte indéfiniment n'est pas réalisable.
Promesses et actes.
Certes, les socialistes, de Hollande à Fabius, nous promettent une gestion plus juste, plus sociale, plus humaine, des affaires de l'Etat. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, des promesses aux actes : les comptes socialistes ne sont pas bons. La France, comme l'Allemagne, souffre d'une protection sociale hypertrophiée et insolvable. Cette protection ne peut croître que par le déficit. Tôt ou tard, si on ne réforme pas, les correctifs économiques interviendront et nous plongeront dans un grand désarroi. Il suffit de voir que le chancelier Schröder a mis en œuvre une réforme de l'assurance-maladie plus sévère que la nôtre, avec des franchises sur les dépenses de soins plus élevées que celles qu'a mises en place Philippe Douste-Blazy : voilà un régime social qui a produit des excédents. C'est donc un succès, mais c'est aussi l'une des raisons qui rendent M. Schröder impopulaire.
CE SONT SES RÉFORMES QUI ONT RENDU SCHRÖDER IMPOPULAIRE
Supercherie.
Le mécontentement qui s'exprime aussi bien en Allemagne qu'en France s'attaque au pouvoir en place indistinctement de ses engagements idéologiques. On aura d'ailleurs noté que les socialistes français se sont toujours bien entendus avec les conservateurs allemands et les socialistes allemands avec les conservateurs français. Or, dans la campagne référendaire, le maître mot du « non », c'est « social », plus de social. Plus de social, en Allemagne, c'est voter communiste, pour peu que l'on trouve des candidats communistes. La campagne en faveur d'une Europe « plus sociale » est une immense supercherie. Et il nous semble que la faiblesse, dans le camp du « oui », vient de l'alignement de toutes les forces politiques sur le politiquement correct. Pour rien au monde, M. Chirac, M. Raffarin, et a fortiori M. Delors ou M. Strauss-Kahn ne diraient qu'il ne peut y avoir plus de social que s'il y a plus de richesse produite, qu'il y aura moins de chômage si les Français travaillent plus et si on ne met pas fin à cette imposture qu'est la semaine des 35 heures.
Il y a même dans l'autosatisfaction française quelque chose de totalement aveugle. Beaucoup de nos experts et des leaders politiques soulignent avec emphase le bond extraordinaire de la productivité dans notre pays. Ce bond est remarquable, brillant et incontestable. Il demeure que d'autres pays, qui sont moins productifs, mais travaillent plus, produisent plus que nous ; et que notre productivité est en quelque sorte diminuée par notre paresse.
La hausse de notre productivité est un effet des 35 heures : beaucoup d'entre nous tentent d'en faire autant en 35 heures qu'en 40. C'est fatiguant et stressant. Certes, beaucoup d'entreprises prennent prétexte des 35 heures et du coût social de l'emploi pour délocaliser ou pour proposer honteusement à leurs salariés des jobs à 100 euros par mois en Roumanie. Les patrons sont rarement des anges. Mais il est clair que si nous travaillions plus, nous serions moins vulnérables à la concurrence.
Un rêve français.
Pour être vilipendés par leurs opinions publiques, M. Raffarin et M. Schröder n'en ont pas moins une analyse parfaitement réaliste de la situation socio-économique en France et en Allemagne. Pourtant, le chancelier allemand n'a jamais été un fanatique de la « troisième voie » britannique : un socialisme à l'anglaise qui a donné de très brillants résultats. Le SPD allemand devrait donc être un rêve français, un parti que les Français souhaiteraient mettre au pouvoir en France. Eh bien non ! le SPD souffre du même syndrome que la droite française. Peut-être alors serait-il temps que s'assagissent les cohortes de grognons qui rendent la France ingouvernable ?
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