C’EST LE SIXIÈME TEXTE sur la sécurité et cela doit signifier que les précédents n’ont pas donné les résultats escomptés. L’optimisme à propos de la décrue de la criminalité n’est plus de mise : les émeutes de novembre 2005 et quelques faits divers particulièrement atroces ont ravivé les craintes populaires ; la barbarie se love dans les cités.
Champion du retour au calme par les moyens de la répression, Nicolas Sarkozy n’a cessé de muscler la législation ; mais, plus elle est appliquée, plus elle semble dépassée. Bien entendu, l’opposition, très attachée à la police de proximité, que le ministre a éliminée, lui adresse de très vifs reproches. Vifs, mais pas de mauvaise foi : au fond, personne n’est vraiment contre une sévérité accrue, mais il se trouve que la répression ne fait pas reculer la délinquance. De sorte qu’il faut distinguer entre ceux qui dénoncent le projet Sarkozy au nom de principes qu’ils passent leur temps à bafouer et ceux qui sont plus sincères. Mais, même parmi les critiques les mieux argumentées, il y en a beaucoup qui ne nous disent pas comment concilier la sécurité et ce respect des droits de l’homme qu’ils ne cessent d’invoquer.
Unanimité.
Il est vrai que M. Sarkozy a presque fait l’unanimité contre lui, en dressant les magistrats et les médecins contre ses dispositions expéditives sur les malades mentaux ou les déséquilibrés, les maires contre un texte qui, comme d’habitude, leur attribue des responsabilités mais aucun moyen, bon nombre de policiers qui savent que la violence répressive entraîne la violence populaire et même des députés de son camp. Cela fait beaucoup de monde. La gauche votera contre ainsi que l’UDF, ce qui n’empêchera probablement pas le texte de passer. Simplement, on peut se demander pourquoi M. Sarkozy se fait autant d’ennemis, pourquoi il n’écoute pas policiers, magistrats, médecins et maires, pourquoi il aggrave sa réputation de main de fer sans gant de velours. On ne saurait exclure qu’il s’adresse directement aux gens avec la conviction que ceux qui le combattent – systématiquement, dirait-il – ne voteront jamais pour lui et qu’on n’entend pas ceux qui l’approuvent et voteront en sa faveur l’année prochaine.
NICOLAS SARKOZY CHERCHE À ÉTOUFFER LA POLÉMIQUE DANS L’ACTIONA mesure que se rapproche la date des élections, le malaise que soulève la double casquette de Nicolas Sarkozy, à la fois membre du gouvernement et candidat à la présidence de la République, grandit. Il y a même une continuité historique entre le ministre de l’Intérieur et le futur président puisque ce que M. Sarkozy n’a pas pu introduire dans le projet de loi (peines planchers pour les mineurs récidivistes et disparition de l’excuse de minorité pour les 16-18 ans) figure au programme de l’UMP pour 2007. Au moins le candidat de la droite ne cache-t-il pas son jeu : il ira au bout de ses intentions.
Contre la barbarie, les droits de l’homme ?
Il ne faut ni encenser ni traiter par le mépris les efforts de M. Sarkozy. S’il a l’art de soulever les passions, il s’adresse aussi à un pays beaucoup moins rationaliste qu’il ne fut naguère. Souvenez-vous : il n’y a pas un mois, nous étions tous scandalisés par l’incendie d’un bus où une jeune femme a été brûlée vive ; elle n’est pas encore sortie de l’hôpital. Qui, ce jour-là, n’a pas condamné la « barbarie », qui n’a pas réclamé une justice sévère, qui n’est pas sorti de sa réserve ou même de sa dignité pour dénoncer les « salopards » ? C’étaient de minables mineurs, consternés d’ailleurs par les conséquences de leur geste, mais tout prêts à s’abriter derrière le paravent de leur « irresponsabilité ». A la France superbement indignée a succédé, en quelques jours, la France superbement morale. Parmi ceux qui se sont dressés contre les voyous qui ont mis le feu au bus de Marseille, il doit y en avoir beaucoup qui réprouvent, au nom des libertés, les mesures que propose M. Sarkozy. Lequel pourrait donc dire que les Français ne savent pas exactement ce qu’ils veulent.
En même temps, dès lors que plus de répression conduit à plus de violence, n’est-il pas préférable de rechercher d’autres approches de la délinquance ? M. Sarkozy semble s’entêter pour plaire à son électorat mais aussi parce qu’il veut passer sa machine majoritaire sur les corps des minoritaires qui s’époumonent, parce que le débat le met en colère et qu’il ne calme ses colères que dans l’action : les chiens aboient, la caravane passe.
Est-ce que c’est une façon de gouverner ? M. Sarkozy, contrairement à Ségolène Royal, ne cherche pas à rassembler les Français. Il parle presque toujours sur le ton de la polémique, parfois avec les accents du pamphlétaire. Il doit veiller à ce que Mme Royal ne capte pas à son profit le fort courant des électeurs qui aspirent à un peu de sérénité.
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