De notre envoyé spécial
ON A SOUVENT tendance à opposer la médecine occidentale moderne et médecines traditionnelles, ce qui conduit à oublier que pendant longtemps et, même récemment, des substances d'origine naturelle ont été à la source de nombreux médicaments. Par ailleurs, souligne le Dr Laurent Perret, président de la R&D Servier, « la pharmacopée traditionnelle chinoise est la seule à avoir été bien codifiée depuis deux mille à trois mille ans, ce qui en fait tout l'intérêt ».
Cela étant, on a bien compris que Servier n'a pas pour objectif de s'adonner à la phytothérapie traditionnelle, mais bien d'isoler des principes actifs innovants, par l'évaluation des composés issus de la pharmacopée chinoise. Le pari est que les données acquises par la médecine traditionnelle focalise la recherche des « hits », des têtes de séries, afin d'élaborer un nouveau médicament s'attaquant à une cible prédéterminée.
Une structure impressionnante.
Dans ce cadre, le Shanghai Institute of Materia Medica (Simm) et son bras armé, le Centre National de Screening (Ndsc), avec qui Srevier vient de conclure un accord de coopération important, représentent des alliés précieux comme l'ont montré les Prs J. Ding (directeur du Simm), K. X. Chen (président du conseil scientifique du Simm) et M. W. Wang (directeur du Ndsc).
En effet, créé en 1932, le Simm compte 400 employés dont 340 chercheurs répartis entre 45 équipes de recherche qui couvrent toutes les étapes, cliniques, biologiques et expérimentales, de la découverte d'un médicament.
La visite des locaux flambants neufs et suréquipés en ordinateurs et en matériels d'analyse ultramodernes (spectrométrie IRM, screening à haut débit standard ou sur lignées cellulaires - une technique développée à Harvard, à l'Université de Géorgie et... ici), banque de données informatisées portant sur plus de 11 000 plantes et plus de 12 000 espèces...) est encore plus démonstrative : le Simm et, plus particulièrement le Ndsc, réunissent toutes les compétences nécessaires pour individualiser les candidats-médicaments. Même si l'on travaille sur des produits naturels, on est aux antipodes de la vieille herboristerie.
Cette structure, unique dans le monde, a, au cours des dernières années, analysé plus de 100 000 composés et individualisé plusieurs dizaines de « candidats médicaments ». Quelques-uns de ces composés sont déjà devenus des médicaments, comme l'Artemether, commercialisé par Novartis dans le paludisme, le Subuxozan, anticancéreux déjà sur le marché japonais.
Un accord sur trois ans.
L'accord signé avec Servier s'inscrit dans cette stratégie de screening de produits naturels à partir de cibles moléculaires identifiées en France grâce à la biologie moléculaire, à la génomique et à la protéomique. Les équipes chinoises déterminent ensuite à l'aide des données contenues dans une bibliothèque des modèles de screening, avant de procéder à ce dernier puis, en cas de résultats prometteurs, à l'optimisation structurelle (bio-informatique, biologie structurelle, design moléculaire assisté par ordinateur, chimie médicinale, sont utilisées à ce niveau). Tout cela devant conduire à des candidats médicaments.
L'accord passé avec Servier est d'une durée de trois ans, avec l'analyse de deux ou trois cibles par an, cibles pouvant concerner les principaux axes de la recherche Servier (maladies cardio-vasculaires, cancérologie, neurosciences ou métaboliques), la priorité étant, dans l'immédiat, donnée aux maladies mentales et à la diabétologie.
Cet accord prévoit une coopération étroite entre la recherche Servier et le Ndsc avec transfert de technologies, échanges de chercheurs.
Climat de confiance.
Tout cela dans un grand climat de confiance, insistent le Pr J. Ding et le Dr Perret, la collaboration déjà ancienne entre Servier et le Simm et l'évolution de la législation chinoise permettent en effet à cet accord de prévoir une collaboration totale pour le développement des candidats médicaments : en particulier, les brevets initiaux sur les découvertes effectuées seront déposés en Chine pour que l'invention demeure chinoise. Il est tout aussi évident que tout ou partie de la fabrication des médicaments serait réalisé par l'usine de production de Tianjin, fruit d'une joint-venture signée par Servier en juin 2000 et qui a été ouverte en 2002.
Un tel résultat est la conséquence du choix de Servier qui s'est implanté en Chine dès le début des années 1980, bien sûr à travers ses médicaments (Servier est la 17e société pharmaceutique en Chine avec près de 8 % de parts de marché dans les classes thérapeutiques où le laboratoire est présent). Mais aussi à travers des liens étroits tissés avec les médecins et scientifiques chinois : création en 1981, avec Air France et en partenariat avec la Chinese Medical Association des journées médicales France-Chine qui se déroulent alternativement en France et en Chine, chaque année ; création de plusieurs prix visant à favoriser la recherche, participation à d'importants programmes d'épidémiologie et de santé publique (diabétologie, cardiologie et neurosciences) mais aussi à travers des programmes de recherche mis en place avec les milieux hospitalo-universitaires répartis sur tout le territoire chinois.
C'est ainsi que, depuis 1996, Servier collabore notamment avec le Simm, en particulier dans le domaine des troubles de la mémoire. Un partenariat que les deux parties ont jugé exemplaire. D'ailleurs le Pr Ding, quand on lui demande pourquoi il a tissé un partenariat privilégié bien que non exclusif avec un laboratoire français de taille moyenne, répond que l'expérience acquise depuis 1997 a été déterminante dans la mesure où les chercheurs chinois ont pu s'assurer de l'existence d'un climat de confiance mutuelle et de coopération harmonieuse inscrite dans le temps. « Trop souvent dans le passé, dit-il, les grandes multinationales sont venues nous voir uniquement pour nous acheter des données ou des molécules sans nous associer au développement ultérieur des projets. Or dans la mesure où nous sommes conscients de notre retard dans le domaine du médicament, nous cherchons à travers des partenariats clairs et durables à acquérir des savoir-faire et des débouchés qui nous font défaut. Si on ajoute à celà que Servier, disposant d'une plate-forme technologique d'excellente qualité privilégie des secteurs qui nous intéressent également (cancer, maladies mentales, diabète ...), on comprend que la poursuite de notre partenariat soit une joie pour nous... »
Le Dr Laurent Perret ne dit pas autre chose en soulignant que le partenariat avec le SIM et le Ndsc pourrait même aller au-delà de l'accord de screening qui vient d'être signé.
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