2-6 juin 2006 - Toronto
AVEC QUELQUES années de retard par rapport à la population féminine, on prend conscience de la réalité de l’ostéoporose chez l’homme. Les travaux se multiplient et indiquent que l’affection touchera, et touche déjà, une large frange de la population. Une étude portant sur 6 000 Américains de sexe masculin, présentée à Toronto par le Dr Jane Cauley (université de Pittsburgh), montre que la diminution de la densité osseuse avec l’âge affecte autant les populations noire et hispanique que la population blanche (avec, au passage, un excès inexpliqué de fractures fémorales parmi les Hispaniques). Globalement, un homme sur cinq, aujourd’hui âgé de plus de 50 ans, sera victime d’une fracture d’origine ostéoporotique, soit un taux excédant celui du cancer de la prostate. Et l’on estime par ailleurs que le nombre de fractures du col du fémur chez l’homme va doubler d’ici à 2025.
Cette évolution étant inévitable compte tenu du vieillissement de la population, les prévisionnistes commencent à se pencher sur les coûts. Aux Etats-Unis, où l’on avance une incidence des fractures ostéoporotiques chez l’homme de l’ordre de 925 000 cas en 2025 contre 595 000 aujourd’hui, des modèles prenant en compte la morbidité et la mortalité induites, prévoient un coût de 6,7 milliards de dollars, contre 4,1 actuellement (Dr John Wong, Tufts Universisty, Boston).
En fait, le coût de l’ostéoporose masculine est dores et déjà très élevé. Selon une analyse canadienne, l’ostéoporose masculine absorbe 30 % des coûts totaux engendrés par l’affection aux Etats-Unis (Dr Rick Adachi, Mc Master University, Hamilton). Les dépenses consenties pour l’ostéoporose masculine sont par ailleurs consacrées pour plus de 90 % au traitement de fractures non vertébrales.
Des questions cruciales.
Comme l’indique le Dr Adachi, «si nous voulons contribuer à contenir les coûts, nous devons véritablement nous pencher sur de nouvelles approches de dépistage précoce de l’ostéoporose chez l’homme, et sur des traitements ayant fait la preuve de leur capacité à réduire l’incidence des fractures vertébrales et non vertébrales».
Les questions de stratégie de dépistage et de seuil d’intervention sont donc cruciales. Des calculs de coût/efficacité réalisés dans le Minnesota pour une stratégie associant densitométrie systématique et traitement par alendronate durant cinq ans, aboutissent à des résultats impressionnants (Dr John Schousboe, Park Nicollet Health Services, Minneapolis). Cette stratégie appliquée chez les hommes à partir de 65 ans se traduirait par un coût de 200 000 dollars US par année de vie gagnée en bonne santé (QALY = Quality-adjusted life years, années de vie ajustées sur la qualité de vie). Avec la même stratégie, reculée jusqu’à l’âge de 85 ans, le coût par QALY serait de 16 000 dollars US. Enfin, un moyen terme, le QALY gagné par cette stratégie mise en oeuvre à partir de 75 ans serait de 50 000 dollars US. «Un coût envisageable», selon John Schousboe, qui précise «que, au Royaume-Uni, par exemple, cet ordre de grandeur de rapport coût/bénéfice est admis».
Mais tous les pays ne sont pas le Royaume-Uni. Au niveau mondial, la prise en charge ne pourra s’opérer que sur la base d’un dépistage ciblé sur des critères cliniques, d’accès facile et peu coûteux, que tente de mettre en place l’OMS. Une telle stratégie abaisserait effectivement les coûts par rapport au dépistage systématique. Mais elle n’évitera pas à chaque pays d’avoir à se prononcer explicitement sur un seuil d’intervention et, par conséquent, sur le prix à consentir par fracture évitée.
70 ans : l’âge critique
Chez l’homme, une étude française montre l’accélération de la diminution de la densité minérale osseuse nette avec l’âge (P. Szulc et P. Delmas - Inserm 403, université Claude-Bernard, Lyon). Le travail a été mené chez 714 hommes agés de 50 à 85 ans, suivis prospectivement durant sept ans et demi. L’âge critique au-delà duquel le phénomène s’accèlère semble être de 70 ans. Passé ce seuil, l’évolution de la déminéralisation osseuse et la fragilisation de l’os apparaîssent en effet de deux à sept fois plus rapide que chez les hommes initiallement âgés de moins de 60 ans.
Comme l’activité du périoste semble rester stable au cours de cette évolution, la déminéralisation apparaît liée à une perte ossseuse, conformément à ce que l’on sait de l’accroissement de la résorption osseuse avec l’âge.
Pour le Dr Jane Launey, outre la résorption osseuse, l’évolution constatée chez les hommes pourrait avoir pour origine la prévalence du déficit en vitamine D parmi les sujets les plus âgés, l’impact des comorbidités, et en particulier de la dysfonction rénale, et la perte de poids.
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