PARMI LES PSYCHIATRES, une petite moitié, soit 6 000 médecins sur environ 13 000, exerce en ville. La très grande majorité d'entre eux n'ont cependant pas un exercice libéral exclusif - un millier travaillent aussi en clinique privée ; 4 000 dans le secteur médico-social et un nombre difficile à déterminer partagent leur temps entre leur cabinet et l'hôpital public. Une enquête nationale menée en 2003 par le Syndicat des psychiatres français (SPF) et l'Association française de psychiatrie (AFP) montre que les psychiatres libéraux sont rares dans les petites villes : 15 % seulement d'entre eux exercent dans des agglomérations de moins de 30 000 habitants ; à l'inverse, un cinquième d'entre eux sont installés à Paris, un tiers en région parisienne. Les psychiatres libéraux exercent parfois en groupe (quelquefois pluridisciplinaire), mais, la majeure partie du temps, il sont seuls, ce qui les différencie de leurs confrères du secteur public.
Dans leur cabinet, ces médecins traitent des patients bien particuliers que l'on peut classer en deux catégories : ceux souffrant de pathologies dites « standards » qui ne requièrent pas le recours à l'hospitalisation, mais qui ne relèvent plus de la médecin générale ou de la parapsychologie ; ceux traversant des crises liées à des événements de la vie tels que le deuil, le divorce, le chômage. Aux premiers, explique le Dr Jean-Jacques Laboutière, qui préside le Syndicat national des psychiatres privés (Snpp), correspondent « des prises en charge très longues ». Dans ce groupe de patients se rangent les dépressions, certaines psychoses, les troubles de la personnalité. Or « une psychose, c'est un suivi pour la vie », précise le Dr Laboutière. Les seconds font l'objet de prise en charge « plus courtes, mais souvent très intenses », poursuit le président du Snpp.
A ces deux groupes de patients s'ajoute la pédopsychiatrie. L'enquête SFP-AFP a établi que 38 % des psychiatres libéraux avaient une pratique de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent - un très petit pourcentage (autour de 2 %) déclarant une pratique exclusive dans ce domaine. La prise en charge des très jeunes patients pose des problèmes spécifiques puisqu'elle nécessite des consultations extrêmement longues (au moins une heure contre 38 minutes en moyenne pour les autres malades), dont le tarif est le même que celui des consultations adultes. « Cela devient vraiment un sacerdoce, regrette Jean-Jacques Laboutière. Il y a pourtant un grand besoin en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent. »
Glissement.
Depuis quelques années, les psychiatres libéraux observent un changement dans leur pratique : des pathologies de plus en plus lourdes leur échoient. Débordé, l'hôpital déverse sur la ville une partie de ses patients. « Il y a un transfert de charge, reconnaît le président du Snpp, beaucoup de patients qui, après une hospitalisation, étaient autrefois suivis par le secteur, retournent dans le privé. »
Les particularités des psychiatres libéraux ne se limitent pas à leur clientèle. Car ils sont ceux des médecins libéraux dont les revenus sont les plus bas. Ils sont aussi la spécialité la plus âgée, pour laquelle les perspective démographiques sont calamiteuses, même si Philippe Douste-Blazy s'est employé à commencer à redresser la barre dans son plan santé mentale. Si les prévisions à quinze ans sont effrayantes - tous secteurs d'exercice confondus, il n'y aura plus alors que 8 000 psychiatres contre 13 000 aujourd'hui -, la situation, en ville, est déjà tendue : les difficultés d'accès aux soins existent. Selon l'enquête SPF-AFP, seulement 44 % des demandes de rendez-vous émanant de nouveaux patients sont satisfaites par les psychiatres libéraux et, quand ces demandes sont satisfaites, le délai de rendez-vous est supérieur à 40 jours.
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