Tous les spécialistes s’accordent à dire que les théories du complot constituent un marchepied idéal pour la radicalisation, quelle que soit sa nature.
Tous les conspirationnistes ne versent pas dans la violence politique, heureusement, mais on ne trouve pas beaucoup de témoignages de terroristes islamistes, par exemple, qui ne soient pas affectés par un discours complotiste. Une étude récente (1) montre d’ailleurs les liens forts qui les unissent. Plusieurs caractéristiques psychologiques de ceux qui endossent ces mythologies contemporaines ont été explorées par la recherche (biais de conjonction, biais de proportion, besoin de clôture cognitive…) mais aucune ne fait disparaître ce fait essentiel que ces théories sont convaincantes… surtout si personne ne leur oppose d’arguments.
Formes de raisonnement fautif pour esprit pressé
Or, souvent ces élucubrations rencontrent peu de résistance pour la bonne raison que les citoyens ordinaires que nous sommes ne trouvent assez de motivation pour consacrer du temps à contredire les conspirationnistes qui sont, eux, très motivés pour diffuser leurs idées. La viralité de ces propositions intellectuelles ne tient pas seulement à la dissymétrie des motivations, elle vient aussi de ce qu’elles sont soutenues par des formes de raisonnement fautif mais assez attractif pour l’esprit pressé et peu méthodique : confusion entre corrélation et causalité, hyperdétection d’intentionnalité, biais de monocausalisme, argument du cui prodest (à qui profite le crime ?) etc. La meilleure façon de se protéger de ce type d’attraction intellectuelle est de bien connaître ces situations typiques où l’esprit peut être attiré par des raisonnements captieux. C’est-à-dire donner à chacun les ressources intellectuelles de mettre ces propositions démagogiques dont l’esprit est naturellement vorace en concurrence avec des propositions plus coûteuses en termes d’investissement et moins amusante sans doute.
Révolution pédagogique
C’est là la tâche dévolue à l’éducation, elle doit être le fait des parents s’ils le peuvent mais aussi et surtout de l’école dont le but est d’aider à la constitution d’esprits éclairés. C’est probablement une véritable révolution pédagogique qu’il faut opposer à cette révolution sur le marché de l’information qu’est Internet et qui diffuse justement massivement les théories du complot. C’est d’autant plus important que les jeunes gens utilisent plus souvent que les autres classes d’âge Internet pour s’informer et qu’ils croient plus que les autres ce qu’ils y lisent.
Professeur de sociologie, université de Paris-Diderot
(1) van Prooijen J-W et al. Political Extremism Predicts Belief in Conspiracy. Theories Social Psychological and Personality Science 2015;6(5):570-8
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