«POUR LE MOMENT, nous faisons face à l’épidémie, mais le ministre m’a demandé d’anticiper les conséquences d’une aggravation de la dengue à Cayenne. Et, pour cela, je lance un appel aux infirmiers et aux pédiatres, de la métropole ou non, pour qu’ils viennent nous aider afin de renforcer nos équipes et nous permettre d’ouvrir une unité de pédiatrie de soins attentifs le plus tôt possible. Il nous manque également d’autres compétences: infectiologues, radiologues, infirmières ou auxiliaires de puériculture.» L’appel est de Pierre Pauchard, directeur du centre hospitalier Andrée-Rosemon de Cayenne (Guyane), un hôpital qui a des problèmes structurels chroniques, aggravés par l’épidémie de dengue qui sévit dans le département depuis la fin de 2005. «Nous devons faire face à une épidémie importante du fait d’un nombre de cas élevé et sévère, du fait de la prédominance du sérotype DEN-2, un sérotype que l’on n’avait pas rencontré dans le département depuis 1992», explique le Dr Chantal Villeneuve, pédiatre dans le service de pédiatrie générale. L’épidémie survenue dans les suites immédiates d’une épidémie liée au sérotype Den-3, qui s’est étendue de mai 2004 à octobre 2005, a d’abord touché les communes du Maroni (de Saint-Laurent à Maripasoula) avant de s’étendre à l’île de Cayenne et à Kourou.
Vingt cinq pour cent d’enfants touchés.
Parmi les personnes touchées, 25 % sont des enfants de moins de 6 ans, avec trois décès directement imputables à la dengue. «D’autres ont dû être hospitalisés en réanimation mais s’en sont sortis», explique la pédiatre. «Nous avons dû mettre en place une filière spécifique au service des urgences. Tous les enfants qui présentent de la fièvre ou qui ont un bilan biologique évocateur de dengue peuvent être vus rapidement et pris en charge de façon spécifique par un médecin et une infirmière. La structure a démarré le samedi du week-end de Pâques parce que les patients risquaient d’être vus en ville», poursuit-elle. Lors de son passage, le 20 avril dernier, Xavier Bertrand était accompagné de six médecins, dont trois sont restés en poste au service d’urgence de Cayenne pour une durée d’environ dix jours. Le renforcement de l’offre de soins constitue un des cinq axes de ce plan doté de 4,2 millions d’euros, avec la lutte contre le moustique, la prévention et l’information du grand public et des professionnels de santé, la surveillance épidémiologique et la recherche. «Nous espérons que le ministre trouvera des solutions pérennes. Si on crée des postes et qu’on les offre au niveau national, on n’aura pas de candidats. On sait qu’on manque de médecins, notamment de pédiatres, dans tous les hôpitaux, mais, ici cela prend des proportions importantes car nous sommes isolés. Des accords avec d’autres centres hospitaliers de métropole, avec des mises à disposition de médecins pour des durées plus ou moins longues, me semblent une bonne solution», insiste le Dr Villeneuve. L’unité de soins attentifs, comme l’appelle le directeur, serait une structure intermédiaire de trois ou quatre lits pour les enfants qui vont mal, mais qui ne nécessitent pas d’être hospitalisés en réanimation. «Cela concerne les enfants atteints de dengue, mais aussi les drépanocytoses par exemple. Nous avons un service de pédiatrie générale, un service de réanimation néonatale et un service de réanimation adulte. Les enfants qui vont mal vont en réanimation adulte où ils sont bien soignés. Mettre en place un service de réanimation pédiatrique serait une folie. Nous n’avons ni les moyens ni les médecins. Mais il manque une structure intermédiaire pour ceux qui ne vont pas bien et qui nécessitent des soins et une surveillance particulière», explique encore le Dr Villeneuve. Pédiatre de formation, c’est en tant que médecin inspecteur de la santé qu’elle a débarqué en Guyane il y onze ans, avant d’aller exercer à l’hôpital depuis bientôt quatre ans. «La pédiatrie me manquait cruellement et j’avais bien conscience que, en Guyane, je serais plus utile comme pédiatre. Je ne regrette pas mon choix mais je suis épuisée», avoue-t-elle alors que son regard pétille de l’énergie de ceux qui vont au bout d’eux-mêmes.
La dengue n’a fait que révéler une situation difficile. A l’hôpital de jour, le discours est le même. Son chef de service, le Dr Myriam El Guedj, s’occupe en particulier du VIH/sida mais, ce jour, ce sont ses patients atteints d’un cancer qui la préoccupent. «Notre cancérologue s’en va en juin. Il n’y a personne pour le remplacer. Que vais-je faire des patients?», s’inquiète-t-elle. Les budgets pour le VIH sont arrivés depuis le mois de décembre, mais la consultation d’observance qu’elle souhaite mettre en place tarde à voir le jour faute d’infirmières. «Nous manquons de lits, ajoute-t-elle. Il m’arrive de dire à des patients atteints de tuberculose de rentrer chez eux et d’attendre que je les appelle lorsque des lits se libéreront parce que nous n’avons pas la possibilité de les transférer dans une autre structure. C’est scandaleux.»
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