Acné sur peau noire

Spécificités cliniques et thérapeutiques

Publié le 23/03/2005
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L'UNE DES difficultés de la prise en charge de l'acné sur peau noire est directement liée à l'aspect clinique de l'acné. L'acné se présente rarement sous la forme classique de papules et de pustules mais sous forme de lésions pigmentées. En effet, en raison de la réaction inflammatoire, l'acné est très rapidement pigmentogène, et la demande des patients en consultation repose essentiellement sur le traitement de ces lésions pigmentées. « En consultation, de nombreux patients m'expliquent qu'ils ont déjà eu des traitements pour l'acné et qu'ils souhaitent essentiellement un traitement pour les taches », explique le Dr Camille Fitoussi. Or ces lésions pigmentées sont en fait le reflet d'une acné encore évolutive. Il existe donc une divergence apparente entre la demande du patient et l'avis du dermatologue. Il importe alors de bien expliquer que ces lésions pigmentées sont en fait de l'acné et qu'un traitement anti-acnéique est nécessaire tant que les lésions pigmentées apparaissent. La disparition des lésions pigmentées est d'ailleurs un très bon signe de guérison de l'acné.

Un début tardif fréquent.
Une autre particularité de l'acné sur peau noire est liée à l'âge d'apparition. En effet, si l'on retrouve les classiques formes de l'adolescence, il est fréquent d'observer des débuts à l'âge adulte, notamment chez les patients récemment arrivés en France. L'explication dans ces cas repose sur une dose d'ensoleillement reçue plus faible.
Par ailleurs, l'évolution peut être plus prolongée, plus particulièrement chez les femmes, souvent en rapport avec l'existence d'une hyperandrogénie clinique (sans anomalie biologique) par hypersensibilité des récepteurs à la testostérone.
Nous sommes également confrontés, chez les Africaines, aux acnés induites et entretenues par l'application de produits dépigmentants ou de blanchiment de la peau qui contiennent des dérivés cortisoniques. Ces acnés sont extrêmement compliquées à traiter en raison de la difficulté à faire interrompre cette pratique, et il faut bien admettre que la plupart de ces cas nous échappent complètement.


Des risques à connaître.
La prise en charge de l'acné sur peau noire ne diffère pas fondamentalement de celle de l'acné en général, mais cela va à l'encontre d'un a priori largement répandu dans la population noire (et peut-être chez certains dermatologistes).
« C'est pourquoi je pense qu'il est souhaitable, avant tout, d'établir une relation de confiance avec le patient. Expliquer, par exemple, que les lésions pigmentées dont ils se plaignent sont en réalité encore de l'acné évolutive, que les traitements utilisés sur peau blanche leur conviennent également, et les informer d'une possible évolution prolongée qui ne doit pas les décourager », précise C. Fitoussi.
Il existe cependant quelques spécificités thérapeutiques de l'acné sur peau noire. En premier lieu, la possibilité de Dress syndromes sous minocycline est nettement plus fréquente chez les patients noirs chez lesquels il est formellement déconseillé d'utiliser ce médicament.
Par ailleurs, la réactivité des peaux noires à certains topiques comme les kératolytiques est plus exacerbée et pose parfois des problèmes de tolérance. Là encore, une information du patient est indispensable afin d'obtenir une bonne adhérence au traitement.
Devant l'impatience de certains sujets, il n'est pas inutile de répéter que les lésions hyperpigmentées finiront par disparaître spontanément au bout de quelques mois. Si les patients sont très en demande ou très gênés par ces lésions pigmentées, on peut associer au traitement anti-acnéique une crème cosmétique dépigmentante.
En revanche, l'isotrétinoïne est très efficace, et contrairement à certaines idées reçues, les règles d'utilisation, concernant en particulier les mesures contraceptives, sont très bien suivies. Il faut cependant penser, avant la prescription de cette molécule, aux séjours en zone ensoleillée en dehors de l'été : il n'est pas rare que certains patients partent pour des périodes prolongées.

Les réseaux.
Il existe, aujourd'hui, deux réseaux qui travaillent sur la peau noire. Le réseau ville-hôpital en collaboration avec l'hôpital Saint-Louis, qui travaille sur des projets de recherche clinique mais aussi sur la qualité de vie des patients. « Actuellement, nous nous intéressons au problème de la dépigmentation volontaire, en étudiant tous les aspects de la motivation des patients ainsi qu'aux méthodes possibles de sevrage. Je participe aussi à un réseau de médecins de ville multidisciplinaire. Il s'agit d'un lieu d'échange d'expériences concernant des pathologies différentes comme l'acné, le glaucome ou l'HTA, abordées dans une optique plus ethnologique », conclut le Dr Camille Fitoussi.

> Dr MATHIEU HERI * Paris, coauteur, avec le Dr Luc Solimovic du livre « Dermatologie sur peau noire en France métropolitaine », éditions Flammarion-Médecine-Sciences 2003.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7715