« Cafés crème », de Charles Lancar

Sur le zinc

Publié le 18/04/2005

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C'EST UN SAVOYARD - du moins les clients l'appellent-ils ainsi -, Jean-Louis, qui tient La Chaumette ; il a cinquante-sept ans et ne s'est reconverti dans ce métier que depuis cinq ans, il n'est pas bavard, mais sait écouter car il n'est pas « blindé ». « Il y a des fois où je voudrais être le Bon Dieu lui-même pour arranger les affaires des gens, réunir ceux qui sont séparés, éviter à d'autres des complications. »
Bien sûr, il a ses têtes. Et c'est à la rencontre de quelques clients que ce roman nous convie ; des habitués qui, le plus souvent, se côtoient sans se parler, mais dont les destins parfois se croisent hors du bistrot. Le monde est petit. Alternent ainsi des courts chapitres qui sont autant d'instantanés de la vie de l'un ou de l'autre et des chapitres où Jean-Louis s'implique dans le ballet des habitués.
Il y a Florence, avocate, élégante, divorcée, à la veille de ses quarante ans. Son regard est attiré par un homme vêtu d'une chemise de trappeur qui noircit avec frénésie les feuilles d'un classeur. Lui aussi l'a remarquée, mais ils hésiteront longtemps avant de se parler. Un aveugle à la belle allure d'acteur de cinéma ; il est allergique aux chats ; mais voici que revient Princesse, la chatte que le Savoyard avait recueillie et qui lui tenait compagnie, avant d'aller voir ailleurs. Francisco le paumé, le déjà condamné, est le protégé de Jean-Louis : « Non, ce n'est pas un mauvais bougre. C'est juste qu'il a besoin qu'on l'aime un peu, mais il ne sait pas s'y prendre. Alors, il montre les dents, il aboie. »
Il y a aussi un enfant de trois ans ; il ne fréquente pas le bistrot, mais, sur le trottoir, il a lâché la main de sa mère chargée de paquets et dans son affolement il a suivi le monsieur qui lui a promis de retrouver sa maman. Et cætera.
Rien ou presque de ce qu'il advient aux uns et aux autres, la façon dont leurs vies vont s'imbriquer, ne se déroule à La Chaumette, qui est comme un théâtre d'ombres où les personnages reviennent après avoir déroulé un peu plus le fil de leur vie.
Charles Lancar - qui a déjà écrit huit romans et qui, nous dit-on, partage son temps entre une activité de consultant en formation et la vente sur les marchés parisiens - a réussi un agréable puzzle en faisant de gens ordinaires que nous voyons dans n'importe quel café des héros de roman. Ce sera peut-être votre tour demain !

Éditions Ramsay, 255 p., 19 euros.

> M. F.