• Une pyélonéphrite aiguë, à la maison si…
Que faire devant le tableau d’une petite fille de 18 mois, sans antécédent urinaire, à 39° depuis 48 heures, en bon état général avec à l’ECBU des bacilles Gram- ? Ou encore, d’un garçon de 3 mois, circoncis, fébrile, avec une leucocyturie ? « La question de l’adressage à l’hôpital est lancinante », avance le Pr Gérard Chéron (Urgences pédiatriques de l’Hôpital Necker-Enfants malades, Paris). ). D’autant que pour y répondre, les recommandations des différentes sociétés savantes ne sont pas superposables… »
Si l’on table sur celles de l’Afssaps (2007), une infection urinaire communautaire sans limite d’âge, nourrisson de plus de 3 mois ou enfant prépubère, doit être traitée d’emblée par une C3G injectable, qui sera associée à la gentamycine si l’enfant a moins de 3 mois, est “septique“ ou s’il existe une anomalie à l’échographie rénale. Le relais per os se fera ensuite sur 10 à 14 jours. Par ailleurs, l’hospitalisation est conseillée pour les enfants de moins de 3 moins et/ou septiques (le risque septique étant très supérieur à cet âge).
Cela dit, une étude multicentrique française (PRONOUR), confirmée par une récente méta-analyse montre l’équivalence de deux stratégies de prise en charge -traitement per os versus parentéral puis per os - sous réserve que l’échographie rénale soit normale. « Pour un premier épisode donc, chez un nourrisson en bon état général (sans troubles digestifs en particulier), dont l’échographie anténatale était normale, quand le laboratoire fait un recueil d’urines fiable et donne des résultats immédiatement (à l’examen direct), il n’est peut-être pas nécessaire d’adresser à l’hôpital… Si l’on a le temps de poser le diagnostic (une bandelette urinaire stérile rend inutile un ECBU), d’évaluer la sévérité de l’infection, d’expliquer les modalités thérapeutiques et d’assurer le suivi ! » conclut Gérard Chéron.
Une fièvre avant 3 mois ? Question d’intuition !
Un nouveau-né de 9 semaines, 38° depuis une heure, avec une otorrhée droite sans autre point d’appel, «mérite»-t-il une consultation aux urgences ou la visite d’un médecin ? « Si l’on se fie aux recommandations là encore, tous ces enfants devraient avoir une NFS, une CRP, une radiographie du thorax, une cytobactériologie urinaire (CBU), une coproculture en cas de diarrhées, une ponction lombaire et avant un mois une hospitalisation systématique, avec des antibiotiques à la clé, Mais ce sont de “vieilles“ recommandations, bâties sur une écologie bactérienne devenue obsolète… » résume le Dr Vincent Gajdos (Hôpital Antoine Béclère, Clamart). Mieux vaut s’appuyer sur des facteurs prédictifs d’infections sévères chez un tout petit. « La fièvre (mais une forte fièvre protège, selon une courbe en U)… et surtout l’intuition du médecin ! » poursuit le pédiatre. L’état général, l’âge (moins ou plus de 3 mois, une barrière maintenant ramenée à 6 semaines), le contexte (une épidémie à VRS par exemple), un hémogramme, permettent d’apprécier le risque et prendre une décision, plus ou moins “agressive“.
Ici, l’enfant avait 23 000 GB (dont 13 000 PN), un million de plaquettes, une CBU négative et une hémoculture positive à pneumocoques (une première injection vaccinale est effectivement insuffisante pour le protéger), infection pour laquelle il a reçu 3 jours de C3G injectables, puis en relais une bêta-lactamine. La biologie, qui a permis un diagnostic de certitude (une otite fébrile est exceptionnelle à cet âge) et un traitement ad hoc, pouvant difficilement être “délocalisée“, en ville, une hospitalisation pour quelques heures, bilan exhaustif et surveillance, était nécessaire.
Convulsions en contexte fébrile : ce sont les parents qui décident
Quelle attitude avoir devant un cas de convulsions fébriles sans antécédent de crise non fébrile et sans infection intracrânienne, qui surviennent entre 3 mois et 6 ans ? Le diagnostic de “convulsion fébrile simple“ est établi par élimination, après avoir écarté une crise épileptique déclenchée par la fièvre, une méningo-encéphalite virale ou bactérienne, une affection métabolique, un toxique ou un traumatisme à l’origine de la crise.
« Avant de prendre la décision de laisser ou non l’enfant à la maison, il faut tenir compte du risque de récurrence précoce et de l’inquiétude des parents : certains sont choqués, ont eu l’impression d’une mort imminente, ou s’interrogent sur le risque de séquelles cérébrales, commente le Dr Alain Martinot (CHRU Jeanne de Flandre à Lille). Une hospitalisation dans ce contexte peut rassurer et permet de demander un avis spécialisé, des examens complémentaires, de repérer une infection et de surveiller les récidives à court terme : à H24, 9 à 10 % des convulsions simples ont récidivé et 12 % des convulsions simples deviennent complexes. Une crise complexe (c’est-à-dire qui se prolonge plus de 15 minutes, focalisée, avec un déficit moteur post-critique, un examen neurologique anormal et/ou des antécédents familiaux) justifie une hospitalisation. Les facteurs de risque de récurrence (évalué à 20 à 40 %) sont une première crise avant l’âge de 18 mois, une histoire familiale de convulsion et/ou une crise complexe. ».
Parmi les éléments rassurants, on note que le risque de méningite associée, bactérienne essentiellement, est rare : de 1 % pour les convulsions simples. Aussi, le surrisque de mortalité dans les deux premières années est nul pour les convulsions simples, négligeable pour les complexes. 17 % des enfants développeront une épilepsie dans la suite d’une convulsion complexe, quasiment aucun après une convulsion simple. « En résumé, la grande majorité (au moins 80 %) des crises convulsives sont simples et peuvent être gérées hors de l’hôpital, avec éventuellement un Valium intrarectal après 5 minutes d’observation pour écourter la crise (les antipyrétiques n’ont aucun effet sur la prévention des récidives). Mais les parents ont souvent besoin de quelques heures hospitalières pour “souffler“ » relate Alain Martinot.
Otite des premiers mois de vie : abstention ou amoxicilline
« Concernant les otites dans les premiers mois de vie, il faut savoir que les otites externes sont beaucoup plus nombreuses que les OMA, évoque le Dr Robert Cohen (pédiatre-infectiologue au Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil). 100 % de ces otites sont virales, mais sont un « starter » pour une participation bactérienne ». L’ORL avant 3 mois est souvent, voire toujours utile pour observer ces tympans difficiles d’accès en raison des sécrétions fréquentes, des parois molles du conduit auditif externe, de son inclinaison différente et de la fréquence des otites séreuses sans OMA vraie…
Le diagnostic clinique est posé sur les signes fonctionnels, l’inflammation et l’épanchement. Le traitement repose sur l’amoxicilline ou l’association amoxicilline-acide clavulanique, des molécules a priori actives sur les deux germes les plus fréquemment en cause (pneumocoques et Hæmophilus). La surveillance doit toutefois être plus rapprochée chez le très jeune enfant, en raison du risque d’infections plus sévères. Une paracentèse n’est utile que pour les otites graves ou en cas d’échec du traitement, pour identifier la bactérie causale.
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