Touchant environ 1,5 million de personnes en France la maladie bipolaire est définie comme l’alternance, de manière aléatoire et cyclique, d’épisodes pathologiques dépressifs et de phases d’excitation maniaque ou hypomaniaque. Entre ces épisodes, les patients connaissent des périodes d’accalmies intercritiques souvent qualifiées d’euthymie. Mais en fait « l’euthymie est un petit peu un mythe » estime le Dr Marc Masson (Garches) qui modérait une session sur ce thème lors du récent congrès de l’Encéphale (Paris, 18-20 janvier 2017).
Des symptômes résiduels dans 50 % des cas
Comme le souligne ce spécialiste, « ce n’est parce qu’un patient ne fait pas de crise qu’il se sent parfaitement bien ». Et si les traitements actuels permettent globalement de limiter les rechutes qu’elles soient dépressives ou maniaques, ils n’excluent pas pour autant la persistance de certains symptômes. Dans ce contexte, « la période intercritique mérite un suivi toujours régulier et attentif » alerte le Dr Masson.
Selon les données de la littérature près de 50 % des patients bipolaires présenteraient ainsi des symptômes résiduels. Définis par la présence de quelques traits de la série dépressive et/ou maniaque en nombre insuffisant pour parler de rechute, ces symptômes « doivent être repérés - d’autant qu’ils sont prédictifs de rechutes - et traités en ajustant le traitement médicamenteux et en favorisant les prises en charge complémentaires comme les thérapies cognitives et comportementales ». De plus si les suicides surviennent en majorité dans les phases dépressives, « il y a aussi un risque en période d’euthymie ».
Hyperréactivité
À côté de ces symptômes résiduels, « il y a deux types de symptômes qui persistent et qui altèrent la qualité de vie des patients qui sont les troubles cognitifs (troubles de l’attention, difficultés de concentration, trouble de la mémoire) et l’hyperréactivité émotionnelle. Même si les patients ne font pas de rechutes graves, ils restent très réactifs aux évènements de la vie, au stress ambiant, etc. » explique le Dr Masson. Pour les aider, « la pratique de la méditation pleine conscience, en complément du traitement médicamenteux et du suivi est très intéressante ». De même, pour les troubles cognitifs, « la prise en charge par remédiation cognitive a montré son intérêt ». Le lithium est aussi protecteur sur ce plan, les patients qui en bénéficient présentant moins de déclin cognitif que les autres.
Deux cent ans après sa découverte, le lithium reste d’ailleurs le choix thérapeutique thymorégulateur de référence. « Dans les troubles bipolaires de type 1 (avec épisodes maniaques typiques), cela reste de loin le meilleur traitement et le seul a avoir montré une efficacité dans la réduction du risque suicidaire ». Pour autant « la tendance est la personnalisation du traitement en fonction de l’âge, du sexe, du profil de la maladie, des antécédents familiaux, etc. » indique le Dr Masson. Dans ce cadre, la prescription de lithium pourrait à l’avenir se faire de plus en plus souvent en association à d'autres traitements médicamenteux, comme la lamotrigine par exemple.
Recrudescence ou déstigmatisation ?
Au cours de 20 dernières années les troubles bipolaires sont sortis de l’ombre donnant l’impression de toucher de plus en plus de monde. En fait, « il est peu probable que leur prévalence (2 à 3 % en population générale) ait augmenté » estime le Dr Masson qui voit plutôt dans cette montée en puissance l’effet d’une certaine déstigmatisation de la maladie. « Le fait qu’on ait abandonné dans les années quatre-vingt le terme de psychose maniacodépressive pour adopter celui de troubles bipolaires, moins stigmatisant, a très probablement contribué à ce que les diagnostics soient portés plus facilement ».
Diagnostic tardif Pour autant le diagnostic de la maladie reste souvent tardif, avec un délai moyen entre l’apparition des symptômes et la mise en place d’un traitement de 8 à 9 ans que ce soit en Europe ou aux États-Unis. Ce délai « est lié au fait que le trouble bipolaire est une maladie qui évolue dans le temps et se révèle dans à 60 à 70 % des cas par une forme dépressive ». Certaines situations peuvent donner l'alerte. Par exemple, « un épisode dépressif chez un adulte de moins de 25 ans ayant des antécédents familiaux psychiatriques est hautement suspect ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature