EN FRANCE, l'incidence de l'infarctus du myocarde est de 120 000 cas par an et une insuffisance cardiaque postinfarctus survient dans environ 25 % des cas.
La présence d'une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG ≤ 40 %) et/ou de signes cliniques d'insuffisance cardiaque à un stade précoce après un infarctus du myocarde s'accompagne d'une incidence relativement élevée de la mortalité et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, précise le Pr Luc Hittinger (Créteil).
La comparaison des patients présentant des signes d'insuffisance cardiaque après un infarctus du myocarde et des patients victimes d'un infarctus du myocarde mais sans signe d'insuffisance cardiaque montre que les premiers sont exposés à un risque trois à quatre fois plus élevé de décès à l'hôpital et à une majoration de 55 % du risque de décès dans les trente jours suivant l'infarctus du myocarde (1).
Cette majoration précoce du risque chez les patients ayant une FEVG réduite et des signes cliniques d'insuffisance cardiaque plaide en faveur d'une intervention thérapeutique aussi précoce que possible après un infarctus du myocarde.
L'aldostérone : des effets délétères en postinfarctus.
On sait depuis des années que les taux circulants d'aldostérone augmentent précocement en postinfarctus chez les patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche ; plus récemment, il a été montré que cette augmentation est étroitement corrélée au risque d'événements cardio-vasculaires (décès d'origine cardio-vasculaires, infarctus du myocarde ou insuffisance cardiaque sévère) (2). L'aldostérone apparaît aujourd'hui comme un des acteurs principaux de l'activation neuro-hormonale du postinfarctus, au même titre que les catécholamines ou l'angiotensine II.
Les effets délétères de cette hormone au niveau myocardique (remodelage ventriculaire après infarctus), rythmique et vasculaire, plaident en faveur d'un blocage complet des récepteurs de l'aldostérone, dès la phase hospitalière du postinfarctus, explique le Pr Luc Hittinger.
L'étude EPHESUS.
L'éplérénone est un nouvel antagoniste des récepteurs à l'aldostérone, qui a la particularité d'être sélectif : il bloque le récepteur aux minéralocorticoïdes sans bloquer les récepteurs glucocorticoïdes à la progestérone et aux androgènes.
EPHESUS (Eplerenone Post-acute myocardial infraction Heart failure Efficacy and SUrvival Study), étude internationale multicentrique randomisée en double aveugle, avait pour objectif d'évaluer l'effet de l'éplérénone sur la mortalité de patients victimes d'un infarctus du myocarde présentant ou ayant présenté une dysfonction ventriculaire gauche (FEVG ≤ 40 %) et des signes cliniques d'insuffisance cardiaque.
Les 6 632 patients inclus dans l'étude ont été randomisés trois à quatorze jours après l'infarctus pour recevoir, associé aux traitements standards, soit l'éplérénone (25 mg/jour), soit un placebo ; ils ont été suivis pendant seize mois.
Trente jours après la randomisation, l'éplérénone a réduit de 31 % le risque de mortalité toutes causes (p = 0,004) et de 13 % le risque de décès cardio-vasculaire ou d'hospitalisation pour événement cardio-vasculaire.
L'éplérénone a également réduit de 32 % (p = 0,003) le risque de mortalité d'origine cardio-vasculaire et de 37 % (p = 0,051) le risque de mort subite d'origine cardiaque.
La réduction du risque de mortalité toutes causes avec l'éplérénone est intervenue dès le dixième jour après la randomisation et s'est poursuivie jusqu'à la fin de l'étude.
Au plan tolérance, l'incidence globale des effets indésirables décrits avec l'éplérénone (78,9 %) a été similaire à celle observée sous placebo (79,5 %). Le taux d'arrêt de traitement pour effets indésirables était le même dans les deux groupes de traitements (4,4 % avec l'éplérénone, 4,3 % avec le placebo). L'incidence d'une hyperkaliémie a été de 3,4 % dans le groupe éplérénone contre 2 % dans le groupe placebo ; cette augmentation, attendue, a été observée en particulier chez les patients ayant une fonction rénale altérée.
En pratique, toute contre-indication étant exclue (hypersensibilité à l'éplérénone, hyperkaliémie > 5 mmol/l, clearance de la créatinine < 50 ml/min), le traitement par l'éplérénone doit être instauré dès le troisième jour après l'infarctus du myocarde et poursuivi au long cours.
La posologie recommandée est de 50 mg/j en une seule prise. Le traitement doit être commencé à la dose de 25 mg/j avec une augmentation de la posologie jusqu'à la dose cible de 50 mg/j au terme de quatre semaines en tenant compte de la kaliémie. La kaliémie doit être mesurée avant la mise en route du traitement, pendant la première semaine, puis un mois après le début du traitement. Ensuite, la kaliémie devra être évaluée très régulièrement, la posologie devant toujours être ajustée en fonction des taux sériques de potassium, souligne le Dr François Dievart (Lille).
Conférence française sur le postinfarctus organisée par le Laboratoire Pfizer présidée par le Pr Michel Galinier (cardiologue, Toulouse) et le Pr Jean Calop (pharmacien, Grenoble).
(1) P. G. Steg, O. H. Dbbous, L. J. Feldman et al. Determinants and prognostic impact of heart failure complicating acute coronary syndromes : observations frome the Global Registry of Acute Coronary Events (GRACE). « Circulation » 2004 ;109 : 494-499.
(2) L.B. Tan et al. Fiftieth Anniversary of Aldosterone : from Discovery to Cardiovascular Therapy.
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